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Citoyenneté honoraire d’Aung Sang Suu Kyi: Trudeau ouvert à débattre

Aung Shine Oo / The Associated Press Photo: Aung Shine Oo / The Associated Press
Mélanie Marquis et Lina Dib, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

OTTAWA — Le premier ministre Justin Trudeau se dit maintenant prêt à débattre de la possibilité de dépouiller la dirigeante birmane Aung San Suu Kyi de sa citoyenneté honoraire canadienne. Mais ce débat, aucun parlementaire ne semble prêt à le lancer.

Le gouvernement canadien s’était jusqu’à présent montré réfractaire à poser un tel geste pour signaler sa désapprobation face au silence de la conseillère d’État du Myanmar sur les exactions commises contre les Rohingyas par la junte militaire.

Le discours a vraisemblablement changé: Justin Trudeau a affirmé mercredi, à l’issue de sa participation à la réunion annuelle des Nations unies, que le Parlement pouvait bien avoir une discussion sur cette question.

«Je crois que c’est l’une des questions sur lesquelles le Parlement peut certainement se pencher», a-t-il affirmé en conférence de presse.

«C’est le Parlement qui lui a décerné la citoyenneté honoraire, et c’est une conversation que nous pouvons certainement avoir», a complété le premier ministre.

Mais selon lui, «que Aung San Suu Kyi ait ou non une citoyenneté honoraire canadienne ne va pas avoir un impact positif ou négatif sur les millions de personnes que nous voulons aider, qui sont victimes de cette crise humanitaire».

Il a conclu en plaidant que l’accent devait être mis sur les efforts déployés par le Canada et la communauté internationale «pour aider ces gens qui sont dans une situation extrêmement difficile que nous avons reconnue comme étant un génocide».

Il y a un peu moins d’un an, la ministre des Affaires étrangères, Chrystia Freeland, avait fait valoir que l’on ne pouvait retirer à Aung San Suu Kyi sa citoyenneté honoraire, sous prétexte qu’«un Canadien est un Canadien est un Canadien».

La porte est ouverte mais personne ne veut entrer

Interrogés sur le changement d’opinion du gouvernement libéral sur le sujet, conservateurs et néo-démocrates se sont dits prêts à appuyer une motion qui retirerait l’honneur décerné à la leader birmane. Mais ni les uns ni les autres ne veulent déposer pareille motion.

Le chef néo-démocrate dit que c’est parce que ce «geste symbolique» ne suffit pas.

«Ça, c’est une question seulement symbolique et le focus doit être sur les personnes qui font face à une crise, qui sont dans une position horrible», a insisté Jagmeet Singh.

La députée conservatrice Michelle Rempel offre le même argument que M. Singh. Et elle fait un pas de plus.

«Si le gouvernement propose quelque chose comme ça, bien sûr (nous l’appuierons). Mais ça ne peut pas être juste ça», a-t-elle averti.

«Je l’appuierais si ce n’est pas juste (une motion) pour retirer sa citoyenneté et qu’on s’arrête là», a-t-elle ajouté.

Au bureau du premier ministre, on refuse de dire si la motion viendra des banquettes du gouvernement.

«Rien de plus à ajouter à ce que le PM a dit aujourd’hui», a été la réponse pour le moins laconique offerte par le bureau du premier ministre dans un courriel.

Les quelques députés bloquistes, eux, sont moins timides. Mais n’ayant pas de statut de parti officiel aux Communes, ils ont besoin d’un accord unanime pour déposer une motion. Ils songent à tenter le geste.

«Mais M. Trudeau devrait exercer un leadership, a déclaré le député Luc Thériault. Il veut un siège au Conseil de sécurité (des Nations unies). Il me semble que s’il veut être perçu comme étant crédible, c’est à lui à instaurer — puisqu’il se dit ouvert à ce que le Parlement décide — ce débat-là. Dès maintenant. Nous, on est prêts à en débattre maintenant.»

Le NPD s’improvise une position sur le sujet

À noter que le NPD a eu quelques cafouillages dans ce dossier, mercredi.

M. Singh, n’a pas voulu, dans un premier temps, se prononcer. «J’ai des grandes inquiétudes par rapport à sa culpabilité potentielle dans un génocide», a-t-il dit au sujet d’Aung San Suu Kyi.

«Mais mon focus, ce que je veux cibler, c’est la réalité des (…) Rohingyas qui sont dans une situation de crise maintenant», a-t-il répété à plusieurs reprises, refusant de dire si elle devait, oui ou non, perdre sa citoyenneté canadienne.

Moins d’une heure plus tard, M. Singh se ravisait et convoquait à nouveau les médias pour parler de l’affaire. Après avoir consulté trois de ses députés, il était prêt à réclamer le retrait de la citoyenneté honoraire.

L’ancienne prisonnière politique, lauréate du prix Nobel de la paix, fait partie d’une petite poignée de dignitaires étrangers à avoir obtenu cet honneur.

La Bibliothèque du Parlement avait signalé en octobre dernier n’avoir «pu trouver aucune indication que le gouvernement du Canada a jamais retiré ce genre de citoyenneté à date».

La citoyenneté honoraire canadienne est un titre symbolique et ne confère à ses titulaires aucun droit de citoyen au Canada.

Des centaines de milliers de personnes de la minorité musulmane apatride rohingya ont fui l’État de Rakhine vers le Bangladesh voisin pour échapper à l’armée birmane depuis août 2017.

La junte militaire est accusée de perpétrer un nettoyage ethnique et de commettre des crimes contre l’humanité. Selon un rapport déposé le 27 août dernier par les Nations unies, les Rohingyas sont victimes d’un «génocide».

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