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#MoiAussi a changé le militantisme féministe

Michael Reynolds / The Associated Press Photo: Michael Reynolds
Adina Bresge, La Presse canadienne - La Presse Canadienne

Jenny Wright se rappelle avoir fait défiler son fil d’actualité sur Facebook il y a un an afin de trouver «chaque femme» parmi ses amies sur le populaire réseau social qui avait écrit ce simple mot-clic: #MoiAussi.

En tant que directrice générale du Conseil du statut de la femme de Saint-Jean, à Terre-Neuve, Mme Wright connaissait déjà les répercussions de la violence sexuelle au Canada. Mais ce n’était pas seulement les militantes qui révélaient avoir été harcelées ou agressées: une foule de femmes issues de toutes les classes sociales et de tous les horizons idéologiques brisaient aussi leur silence.

«Juste le fait de s’asseoir et de prendre connaissance de l’expérience de chacune, je pense que cela a créé cette force créatrice et a inspiré d’autres personnes à partager leur histoire, a indiqué Jenny Wright. Avec #MoiAussi, nous avons atteint un moment décisif que nous n’avions jamais vu auparavant et cela continue de résonner.»

Le 15 octobre 2017, l’actrice américaine Alyssa Milano avait lancé un appel sur Twitter aux survivantes de harcèlement ou d’agressions sexuelles et les avait invitées à publier un message disant «moi aussi» sur le média social afin de sensibiliser le public à l’ampleur du problème, popularisant ainsi le mouvement qui avait été fondé par la militante pour les droits civiques Tarana Burke en 2006.

Au cours de la dernière année, #MoiAussi a fait tomber des hommes parmi les plus puissants et a galvanisé un mouvement militant qui a eu un impact tant en ligne que dans le monde réel.

Selon Mme Wright, le Conseil a constaté une augmentation de 30 pour cent du nombre de femmes demandant de l’aide pour gérer l’impact de la violence sexuelle sur leur vie. Plusieurs de ces survivantes avaient souffert en silence pendant des décennies avant de sortir de leur mutisme.

Elle a souligné que le prochain défi du mouvement #MoiAussi serait d’utiliser le «traumatisme collectif» qu’il a fait éclater au grand jour pour démanteler les forces systémiques ayant permis à la violence sexuelle de proliférer et de les «réduire en cendres».

Jessalynn Keller, une professeure en sciences de l’information à l’Université de Calgary qui s’intéresse au féminisme numérique, a déclaré qu’il y avait un «aspect binaire erroné» par rapport à l’activisme en ligne et à la «vraie vie». Pour le prouver, elle a soutenu qu’il ne fallait pas aller plus loin que le mouvement #AgressionNonDénoncée, qui est apparu en 2014 après que l’ancien animateur de radio de CBC Jian Gomeshi eut été accusé d’agression sexuelle.

M. Gomeshi a été acquitté en mars 2016 de quatre chefs d’accusation d’agression sexuelle et d’un chef d’accusation pour avoir vaincu la résistance par l’étouffement qui impliquaient trois plaignantes. En mai de la même année, il s’est excusé auprès d’une quatrième plaignante et a signé un engagement de ne pas troubler l’ordre public qui a permis le retrait d’un autre chef d’accusation d’agression sexuelle.

Dans un article publié en mai dernier dans l’«European Journal of Women’s Studies», Mme Keller et d’autres chercheuses ont présenté le mouvement #AgressionNonDénoncée comme une étude de cas pour les manières dont les médias sociaux aident les survivantes non seulement à se soutenir entre elles, mais aussi à reconnaître que leur expérience individuelle relève d’un problème social plus grand.

«Il s’agit de partager des histoires personnelles et, en le faisant, de réaliser que ces histoires personnelles sont en fait un enjeu politique, a expliqué la professeure en entrevue. Ce qui a commencé par un partage d’histoires personnelles est finalement devenu une source de motivation pour devenir activiste et cela montre que ce type d’activisme va plus loin qu’une simple conversation en ligne entre quelques personnes.»

La nomination de Brett Kavanaugh à la Cour suprême des États-Unis en dépit des allégations d’inconduite sexuelle qui pesaient contre lui, et qu’il a démenties, a poussé certaines féministes à se demander si les survivantes devraient dévoiler leurs traumatismes sur la place publique et devant une société qui pourrait ne pas les écouter, ou pire, passer à l’offensive, a souligné Jessalynn Keller.

Elle a soutenu que le ressac contre #MoiAussi constituait le dernier effort du patriarcat pour écraser un mouvement qui menace son existence. D’après Mme Keller, les campagnes en ligne comme #MoiAussi ont braqué les projecteurs sur le problème de la violence sexuelle et, avec le temps, elles se traduiront par des changements dans le monde réel.

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