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Les femmes encore désavantagées en politique municipale

Photo: Josie Desmarais/Métro

Minoritaires parmi les conseillers municipaux et les maires des villes du Québec, les femmes en politique municipale reçoivent aussi une couverture médiatique biaisée en raison de leur sexe, a dévoilé une étude au mois de septembre.

Dans le cadre de la vaste campagne «Plus de femmes en politique? Les médias et les instances municipales, des acteurs-clés!», qui vise à agir pour que plus de femmes s’engagent en politique municipale, une étude réalisée par des chercheuses de l’Université du Québec à Montréal (UQAM) a montré un autre aspect des inégalités que subissent les femmes en politique municipale.

Selon l’étude, la couverture médiatique des candidates aux élections municipales d’octobre 2017 aura été inégale par rapport à celle des hommes candidats, et ce, sur plusieurs points.

Les médias ont un rôle à jouer dans la manière dont ils représentent les politiciennes, a soutenu Caterine Bourassa-Dansereau, professeure au Département de communication sociale et publique de (UQAM). Alors qu’elles représentaient 37% des candidats, les femmes ont seulement eu droit à 29% de la couverture médiatique, contre 71% pour les hommes.

La manière dont les candidates ont été décrites aurait aussi pu véhiculer une représentation biaisée des femmes politiciennes. «Les traits de caractère, c’est quelque chose qui est beaucoup ressorti. On parle beaucoup des femmes selon un angle relationnel, communicationnel, et on les dépeint par des caractéristiques associées au féminin: ouvertes, à l’écoute, avec de bonnes capacités à entrer en relation avec les autres», a-t-elle décrit.

«Ce n’est pas nécessairement un point négatif, mais l’étiquette utilisée peut vite devenir un carcan pour les femmes en politique», a-t-elle nuancé, avançant que certaines femmes ne se souhaitent pas forcément correspondre à ces descriptions .

«Nous souhaitons mettre de l’avant la nécessité pour les journalistes de réfléchir à la neutralité de la nouvelle et aux implications associées à la présentation différenciée de certains comportements des hommes et des femmes politiques afin d’éviter de reproduire certains doubles standards et une vision masculine de la sphère politique.» – Une des recommandations de l’étude

Remarques sexistes, manque de soutien, sous-représentation et couverture médiatique inégale: les femmes en politique sont encore confrontées à d’importants obstacles. Au Canada, les femmes représentent 18% des premiers magistrats, 28% des élus municipaux. Au Québec, les proportions sont les mêmes.

Malgré une évolution flagrante – en 1980, elles représentaient 1,5% des maires au Québec et 3,8% des élus municipaux –, les femmes sont loin de représenter la population du pays, puisque la moitié de celle-ci sont des femmes.

Pour la présidente de la commission Femmes et gouvernance de l’Union des municipalités du Québec, Maude Laberge, plusieurs facteurs expliquent cet écart. «C’est plus facile d’avoir la parité dans les partis politiques, mais au municipal, beaucoup des petites villes n’ont pas de partis et les candidats sont généralement indépendants. Ça peut jouer, parce que c’est plus facile de porter une candidature en équipe. Ça enlève des obstacles » a-t-elle affirmé.

L’âge compte aussi pour beaucoup, a ajouté Mme Laberge, qui croit que la nouvelle génération est plus ouverte à la parité et aux questions d’égalité femmes-hommes. Et les chiffres lui donnent raison. Aux dernières élections municipales, 20% des élues étaient âgées de 65 ans alors que 30% d’entre elles se trouvaient dans le groupe des 44-64 ans. À l’inverse, 40% des élues de 18 à 44 ans sont des femmes.

«Plus il y aura de jeunes en politique, plus la parité va devenir un automatisme», a avancé Mme Laberge.

Pour Audrey Gosselin Pellerin, de la Table de concertation des groupes de femmes de la Montérégie (TCGFM), le premier obstacle pour les femmes qui arrivent en politique est le fameux boys club.

«C’est ce que le plus d’élues nous ont souligné. C’est un milieu historiquement masculin et qui l’est encore. Elles ne sentent pas qu’elles ont leur place ou le droit de s’investir dans ces milieux-là. Celles qui ont souhaité le faire ont vu leurs compétences être remises en question», a-t-elle poursuivi.

L’élection de Valérie Plante à la tête de  Montréal, tout comme celle de Sylvie Parent, à Longueuil, de Doreen Assaad à Brossard et des 205 autres mairesses élues en 2017, peut représenter des modèles pour celles qui hésiteraient à se lancer en politique, croit Mme Gosselin Pellerin.

Josée Néron, mairesse de Saguenay élue il y a un an, a dû s’accrocher lorsqu’elle était dans l’opposition, de 2012 à 2017.

«Je me lançais dans un contexte particulier, où le gouvernement en place [celui de Jean Tremblay] était «coloré», connu pour ses discours vindicatifs, des discours qui attaquaient les gens personnellement. Je n’ai pas navigué sur un fleuve tranquille», a-t-elle raconté. Pourtant, elle a fait sa place, petit à petit, et a fini «par briser le plafond de verre», en 2017.

Des remarques sexistes, elle en a entendu de toutes sortes pendant qu’elle était dans l’opposition, «mais elles étaient minoritaires», a-t-elle assuré. «Certaines personnes me disaient de retourner à mes chaudrons, se demandaient quand mon mari allait venir me chercher», a-t-elle énuméré, exaspérée.

«Les attentes par rapport aux femmes sont très élevées, les critiques, souvent plus sévères. Maintenant, il faut vivre avec et démontrer que les femmes savent faire de la politique», a ajouté la mairesse de Saguenay.

Le rôle des municipalités
La TCGFM travaille depuis plusieurs années sur le projet «Plus de femmes en politique? Les médias et les instances municipales, des acteurs clés!», dans le cadre duquel elle organise des rencontres entre les élus et réclame un changement de certaines pratiques.

Si les modèles féminins jouent un rôle important pour attirer davantage de femmes en politique, Audrey Gosselin Pellerin estime que les municipalités devraient en faire davantage pour encourager la participation politique des femmes, avant qu’elles ne soient déjà en poste.

«C’est une stratégie gagnante, les pionnières n’auraient pas à défricher le terrain, il y aurait un travail fait en amont par les institutions municipales. Il faut rendre cet effort visible et montrer aux femmes que tout le monde s’investit pour qu’elles puissent avoir accès au pouvoir» a-t-elle plaidé.

Pour espérer changer les choses et offrir la possibilité à plus de femmes de briguer des sièges de conseillères ou de mairesses aux prochaines élections de 2021, la TCGFM et les groupes de femmes continueront d’organiser des ateliers et de conscientiser les institutions municipales et médiatiques.

«On espère voir aux prochaines élections, dans les municipalités où on a travaillé, une hausse significative de femmes élues. Il y a un grand rôle à jouer», croit Audrey Gosselin Pellerin.

 

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