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Fragment d’héritage

Photo: Capture d'écran / YouTube

Le 1er janvier, Le Monde diplomatique publiait un article sur Le temps des bouffons, film culte de Pierre Falardeau. Le lire m’a replongée dans le moment où, au cégep, je l’ai visionné pour la première fois. D’entrée de jeu, l’enseignante avait capté mon attention en expliquant que la diffusion du film avait d’abord été clandestine, et par la suite, placée devant les images de célébrations pompeuses d’une élite, plus proches de la fiction que de la réalité, j’éprouvai à la fois fascination et dégoût. Je n’avais jamais pensé que les riches se célébraient ainsi.

Nul besoin de longues explications pour saisir le propos. La critique était claire, les images éloquentes et la narration percutante. On comprenait tout de suite ce qui était en jeu: l’exploitation, le colonialisme, la bourgeoisie, les enjeux de classe… Voilà de jeunes cégépien-nes plus lucides en l’espace de quinze minutes.

Il m’a tout de suite semblé que j’étais du même camp que le réalisateur. Je ne connaissais pas les tenants et aboutissants de la bourgeoisie, mais en écoutant la description corrosive qu’en faisait Falardeau, ce fut viscéral. Moi aussi, désormais, elle m’horripilait.

Tout a résonné très fort.

On sait bien sûr que Falardeau n’avait pas que des admirateurs. Son franc parler et des charges à l’emporte-pièce – parfois injustes – auront provoqué bien des remous. Certaines interventions seraient difficiles à défendre.

Mais il y a des gens qui nous font vivre des émotions qu’on n’oublie pas, et qui contribuent même à façonner notre identité. C’est comme ça, je ne saurais le dire autrement. Et avec la détermination sincère et contagieuse de Pierre Falardeau, l’idée de souveraineté a tranquillement cheminé dans mon esprit. La liberté des peuples, qu’il disait. Et avec une telle conviction, comment ne pas y adhérer? Et puisque j’étais partie prenante du Québec et son peuple, comment ne pas vouloir y participer?

Dans les milieux souverainistes, tant de choses ont vacillé ces dernières années et ce ne fut pas toujours facile de continuer à revendiquer cette identité indépendantiste, alors que Pierre Falardeau réussissait à transmettre l’idée que ce projet de société pouvait être celui de tous et toutes. C’est qu’après avoir brassé la cage, il ajoutait « le monde y peuvent venir de n’importe où à travers la planète, si y m’disent moi j’suis Québécois, j’les embrasserai câlice!»

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