À qui appartient la rue?
«La rue est à tout le monde!»
Celle-là, on l’entendait au quotidien sur la rue de mon enfance. Ce qui voulait dire que les p’tits culs qui jouaient au hockey devaient tolérer les passages en vélo et attendre quelques secondes avant d’entreprendre «une autre montée à l’emporte-pièce vers le filet adverse», comme l’aurait dit René Lecavalier. Parfois le partage se faisait sans heurt, parfois ça dégénérait. Le lendemain, fatalement, tout était à recommencer et cette fameuse phrase ressortait tôt ou tard: «la rue est à tout le monde!».
Y’a des leçons comme ça qui nous marquent pour toujours.
Quand un groupe d’activistes décide de bloquer un pont un beau matin afin d’envoyer un message aux gouvernements qui doivent impérativement en faire plus dans le dossier climatique, il s’approprie un bien collectif. Même si la question est capitale, même si la cause est hautement défendable, même si c’est évident qu’il y a urgence en la demeure.
Quand tu entraves une voie publique et que tu empêches les gens de circuler à leur gré, tu brimes leur liberté la plus élémentaire. Personne n’a le droit de faire ça, peu importe le combat que tu livres, peu importe la cause que tu défends.
Quand tu vises dans le tas pour atteindre ta cible, tu agis en irresponsable. Quand, pour faire suer l’establishment, tu empêches des travailleurs et des travailleuses d’arriver à temps au travail, quitte à ce que ça paraisse sur leur chèque de paie, tu fais preuve d’un égoïsme dangereux pour la collectivité. Tant d’insensibilité a de quoi étonner de la part d’un groupe qui se dit progressiste.
C’est ce qui est arrivé la semaine dernière sur le pont Jacques-Cartier. On a brimé la liberté d’innocentes personnes en bloquant un chemin qui appartient à tout le monde. Que l’on me sorte tous les arguments tordus pour expliquer cette démarche, le résultat demeure le même: une partie de la population a été prise en otage, un point c’est tout.
Une semaine après l’événement, et malgré les nombreuses entrevues données par les porte-parole du groupe Extinction Rebellion, je ne peux toujours pas me résoudre à admettre qu’un groupe de pression puisse légitimement agir ainsi. Comment peut-on espérer un minimum d’appuis en écœurant le peuple d’une pareille manière?
Dans une société qui se veut encore minimalement civilisée, il est interdit de reconnaître à qui que ce soit le droit de saboter une cause aussi noble en perpétrant des coups d’éclat aussi mal avisés.
En voulant souffler sur les braises de l’urgence, on a plutôt mis le feu au cul de tout le monde.
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Ça sort vendredi: Pour déjouer l’ennui, le nouvel album de Pierre Lapointe. J’ai toujours cru que Pierre Lapointe se tenait nettement au-dessus du peloton de tête chez nos créateurs. Cet album confirme ma perception. Des textes finement ciselés, des musiques brillantes, une œuvre éminemment émouvante, voilà un album magistral. Lapointe est un artiste exceptionnel.
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Point d’information: à une semaine du scrutin fédéral, la lutte est extrêmement serrée et on se demande quel parti va prendre le pouvoir à Ottawa. On semble oublier que lors de la course à la chefferie de 2017, les conservateurs sont passés à 1% de choisir Maxime Bernier plutôt qu’Andrew Scheer. Rien à ajouter, j’dis juste ça de même…
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Vendredi soir dernier, centre-ville de Montréal. J’attends le feu vert pour tourner à gauche. Au moment où j’avance, un crétin sorti de nulle part sur sa maudite trottinette à moteur, passe en sens inverse devant ma voiture. J’aurais pu le tuer. Cinq minutes plus tard, un autre innocent circule à pleine vitesse sur le trottoir avec la même bébelle en passant à «ça» des piétons, alors que ses deux amies le poursuivent sur une seule et même planche à moteur. Rendues au coin, incapables de stopper, elles provoquent quasiment un carambolage au coin de Robert-Bourassa et De La Gauchetière.
Question: on attend quoi avant de débarrasser le paysage pour de bon de ces bidules à la con ?