Soutenez

Projet de loi: Québec veut réduire la judiciarisation de l’itinérance

Sonia Lebel, présidente du Conseil du Trésor
Sonia LeBel, présidente du Conseil du trésor Photo: Josie Desmarais/Métro

De nombreuses personnes itinérantes ou vulnérables se retrouvent incarcérées au Québec parce qu’elles ne peuvent payer leurs amendes. C’est ce qu’on appelle la judiciarisation de l’itinérance, une situation à laquelle entend  mettre fin le gouvernement Legault.

L’étude du projet de loi 32 a commencé mardi à l’Assemblée nationale. Présenté par la ministre de la Justice, Sonia LeBel, celui-ci prévoit plusieurs mesures visant à réduire les délais devant les tribunaux.

Le gouvernement Legault entend ainsi aider les tribunaux de la province à respecter l’arrêt Jordan, rendu par la Cour suprême en 2016. Celui-ci est venu fixer à 18 mois la durée totale en cour provinciale et à 30 mois pour les cours supérieures.

«Le projet de loi comprend une multitude de petites mesures qui visent à augmenter l’efficacité du système judiciaire pénal», explique en entrevue à Métro la ministre de la Justice, Sonia LeBel.

Contrer l’itinérance

Afin d’atteindre cet objectif, la ministre veut notamment s’attaquer à la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance ou aux prises avec des problèmes de dépendance.

«Ce sont des personnes ultra vulnérables. Elles se retrouvent en défaut de paiement d’amendes et puis c’est un cercle vicieux. Elles accumulent les amendes non payées et sont constamment tirées vers le fond», évoque Mme LeBel.

Le gouvernement Legault souhaite étendre à l’ensemble du Québec les programmes d’adaptabilité qui existent déjà à Montréal, Québec et Val d’Or. Ceux-ci permettent à des personnes vulnérables ayant reçu des constats d’infraction d’être appuyés dans leurs démarches judiciaires par des organismes. Ces derniers trouvent généralement le moyen de troquer les amendes reçues et leur dossier judiciaire par des travaux communautaires bénévoles.

«Ça permet à la personne d’avoir une expérience positive et de payer en quelque sorte sa dette envers la société», résume à Métro la directrice des services à la Mission Old Brewery, Émilie Fortier. Selon elle, la situation actuelle de «surjudiciarisation» des personnes itinérantes dans plusieurs villes du Québec contribue à les «maintenir plus longtemps dans la précarité».

À Montréal, la Clinique Droits Devant fait partie des organismes qui offrent un tel accompagnement aux personnes vulnérables.

«Généralement, la majorité des amendes sont retirées à la fin de la démarche», souligne le directeur de l’organisme, Bernard Saint-Jacques. 

La ministre de la Justice entend aussi valoriser d’autres avenues pour effacer les amendes reçues par des personnes vulnérables.

«On veut permettre de remplacer une partie des travaux compensatoires par des programmes pour reprendre les études, trouver un logement ou un travail», énumère Mme LeBel.

Selon elle, ces mesures contribueront de manière significative à «désengorger le système [judiciaire]».

«L’objectif est surtout d’aider les personnes situation d’itinérance à s’en sortir au lieu de leur ajouter un boulet supplémentaire.» -Sonia LeBel, ministre de la Justice

Emprisonnement

Actuellement, de nombreuses personnes en situation d’itinérance accumulent les amendes non-payées. Ils reçoivent celles-ci pour avoir «flâné» ou consommé de l’alcool dans un lieu public, entre autres. Plusieurs d’entre elles se retrouvent incarcérées pour défaut de paiement. Cela n’est toutefois pas le cas à Montréal, puisque la métropole a interdit l’emprisonnement pour l’accumulation d’amendes impayées en 2004.

À cet effet, la ministre de la Justice s’engage à dresser une liste d’infractions pour lesquelles le non-paiement des amendes ne pourra plus mener à l’emprisonnement.

«On veut briser le cercle vicieux des portes tournantes au palais de justice pour les personnes itinérantes», illustre Mme LeBel.

Bernard Saint-Jacques accueille favorablement cette intention. Il estime cependant qu’il serait important que les villes puissent ajouter certains de leurs règlements à cette liste au besoin. À Montréal, par exemple, l’organisme déplore que certains règlements appliqués dans le réseau du métro contribuent au profilage social. Ceux-ci comprennent notamment l’interdiction d’être pieds nus ou de se coucher sur un banc.

«On va travailler en collaboration avec les villes», assure Sonia LeBel. 

L’adoption de ce projet de loi pourrait avoir lieu d’ici la fin de l’année.

Articles récents du même sujet

Mon
Métro

Découvrez nos infolettres !

Le meilleur moyen de rester brancher sur les nouvelles de Montréal et votre quartier.