Industrie du recyclage: quelles solutions pour s’attaquer à la crise?
Ce n’est un secret pour personne: l’industrie des matières résiduelles traverse une période difficile dans la province, particulièrement dans le Grand Montréal. Les modèles de commercialisation et d’opération sont appelés à se transformer de manière importante dans les prochaines années. Quelles solutions faut-il mettre de l’avant pour s’attaquer à la crise du recyclage? Et surtout, qui doit participer à cette refonte?
À Montréal, c’est le prix moyen des matières recyclables qui rend particulièrement difficile la rentabilité des centres de tri. Leur valeur par tonne a effectivement chuté de 154$ à 20$ entre 2017 et 2019, selon des chiffres de la Ville.
«Ça prend une intensification des activités de formation et de sensibilisation dans la population. Tout ce qui a été dit sur l’industrie a mis à mal la confiance du public envers le système. Au final, le geste à la base, c’est le citoyen. Il doit mettre la bonne matière dans le bon bac», explique à Métro la conseillère à la recherche en environnement à la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM), Céline Remili.
Au-delà de la réduction de l’usage du plastique, des imprimés et des emballages, la CMM appelle à la modernisation des systèmes de collecte sélective.
«C’est aussi de réformer les centres de tri pour assurer un meilleure contrôle et une traçabilité plus précise des matières qui en sortent. Il faut des normes minimales de qualité si on veut un recyclage à plus haute valeur.» -Céline Remili, conseillère en environnement à la CMM
«Un peu comme Montréal, on veut aussi implanter des équipements de récupération dans tous les bâtiments municipaux et les aires publiques. Il faut continuer de rappeler et de marteler le message pour que le citoyen en soit plus que conscient, à chaque jour», illustre Mme Remili.
Bonus-malus?
Au Conseil régional de l’environnement de Montréal (CRE-MTL), la directrice générale Coralie Deny appelle Québec à allonger des «investissement majeurs» pour régler la crise du recyclage. «Il faut que tous les centres de tri de la province soient tous performants de la même manière si on veut s’assurer d’un recyclage efficace», martèle-t-elle.
L’arrivée de la consigne sur le verre, à laquelle la CAQ s’est montrée ouverte ces derniers mois, est «urgente», ajoute-t-elle. «Ça viendrait retirer plusieurs irritants dans nos infrastructures, et permettrait d’augmenter la qualité des matières», illustre Mme Deny.
Par-dessus-tout, Québec doit soutenir l’industrie du recyclage par des mesures d’écofiscalité, d’après le CRE-MTL.
«Ça prend des fonds pour soutenir ce que les industries font bien, et des pénalités pour ce qu’elles ne font pas. Le principe du bonus-malus s’appliquerait très bien dans une réglementation obligeant le recyclage de telle matière, par exemple.» -Coralie Deny, DG au CRE-MTL
L’interdiction de l’enfouissement des matières organiques et compostables serait également judicieuse à long terme, souligne Coralie Deny. «Pendant longtemps, on s’est dits qu’on envoyait tout en Chine et en Inde, sans se soucier de ce qui arrivait, alors que la plupart de nos matières devaient aller au dépotoir. Là, on a besoin de solutions pour le Québec», tonne-t-elle.
Montréal peut être efficace
La Ville de Montréal affirme malgré tout avoir doublé le nombre de tonnes de matières qu’elle traite annuellement depuis 2000. De 85 000 à 156 000 tonnes l’an dernier, l’augmentation est effectivement significative. Mais «il reste encore des défis pour diminuer les matières envoyées à l’enfouissement», reconnaît la responsable de la transition écologique, Laurence Lavigne-Lalonde.
C’est que le système public de tri de déchets «n’est pas ultra-efficace» à Montréal, avoue-t-elle. «On aimerait le déployer autrement, mais il faut de la sensibilisation. On veut bien le faire.»
À la mi-novembre, un nouveau centre de tri «excessivement automatisé» a été inauguré à Lachine, avec une capacité de traitement d’environ 100 000 tonnes de matières par année. Il recevra environ 60% des matières recyclables de l’agglomération. Son taux de rejet sera, à l’instar du CESM, d’environ 9%.
Le responsable de l’environnement au comité exécutif, Jean-François Parenteau, affirme que ce nouveau centre «donne plus de moyens à la Ville». «L’infrastructure nous appartient, et ça c’est un gros changement, soutient-il. On va pouvoir actualiser nos pratiques au fil et à mesure que l’innovation viendra. Et en économie verte, on n’a pas le choix de s’adapter.»
Il affirme que l’administration Plante compte «beaucoup» sur la nouvelle politique provinciale sur le recyclage qui doit paraître dans les prochains mois. «Il faudrait peut-être augmenter la responsabilité de celui qui émet les matières sur le marché également», envisage M. Parenteau.
Québec, le bon élève
La situation semble fort différente dans la capitale nationale. En 2018, le centre de tri de Québec a reçu 62 000 tonnes de matières à recycler. Avec un taux de rejet de 3% à 4%, l’infrastructure figure parmi les plus avancées au Québec. Là encore, pour atteindre l’objectif ambitieux de valoriser 82% de toutes les matières produites d’ici 10 ans, la Ville a toutefois du chemin à faire pour améliorer son score actuel de 55%.
Comme à Montréal, le fonctionnement du centre de tri s’appuie sur un système de responsabilité élargie. Il a été créé en 1994, puis agrandi en 2004. Depuis 2014, plus de 25 M$ ont été investis dans l’infrastructure qui gère 62 000 tonnes de matières recyclables par année. Fin septembre, le centre s’est doté de six trieuses optiques, qui permettront d’augmenter ses revenus et d’avantager la position de la Ville parmi les vendeurs de matières.
Pour Mathieu Fournier, le chef d’équipe de la Division des matières résiduelles de la Ville de Québec, ces équipements ne remplaceront pas les humains, qui effectuent 15% du tri.
«Ceux qui paient pour le tri, le conditionnement, le transport et la collecte des matières recyclables, ce sont ceux qui mettent en marché les produits au Québec. Selon la recyclabilité et le volume, ils paient un éco-frais. Cet argent, c’est 150 M$ par année.» -Mathieu Fournier, chef d’équipe à la Division des matières résiduelles de la Ville de Québec
La Ville de Québec exporte 27% des matières recyclées. C’est donc un taux de 73% qui est utilisé ensuite localement.