À quand l’école inclusive?
Si l’inclusion fait partie des enjeux mis de l’avant par le ministère de l’Éducation, l’école québécoise n’est toujours pas inclusive, selon une experte qui avance que l’existence de classes spécialisées pour les élèves aux besoins particuliers est un «mécanisme d’exclusion».
«Même si il y a de plus en plus de signes de la part des politiques ministérielles qui veulent tendre vers l’inclusion, la façon dont les écoles sont organisées n’est pas encore inclusive à proprement parler, mais plutôt un modele de service qui se rapproche de l’intégration», explique Céline Chatenoud, professeure au Département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal.
Beaucoup d’encre a coulé au sujet de l’intégration des élèves handicapés ou en difficulté d’adaptation ou d’apprentissage (EHDAA) aux classes régulières depuis la mise en place de la politique de l’adaptation scolaire au tournant de l’an 2000.
Le modèle de l’inclusion postule que les élèves ayant des besoins particuliers ne doivent pas être «intégrés» à l’école, comme ils le sont présentement, mais qu’ils y ont leur place de plein droit comme tous les autres élèves. C’est à l’école régulière de s’adapter aux besoins de l’élève et non l’inverse. L’école de quartier doit faire de la pédagogie «universelle» et doit être en mesure d’accueillir tout le monde.
Hausse importante des EHDAA
La situation sur le terrain n’est plus la même. La population d’élèves déclarés comme étant HDAA a connu une hausse importante passant de 13,6% en 2002-2003 à 21,6% en 2015-2016, selon le Conseil supérieur de l’éducation (CSE).
Par ailleurs, la prévalence de certains types de cas a connu une hausse spectaculaire. Entre 2001-2002 et 2011-2012, le Comité d’experts sur le financement, l’administration, la gestion et la gouvernance des commissions scolaires note une augmentation de 410% des troubles envahissants du développement, 252% pour la déficience langagière et 163% pour les troubles relevant de la psychopathologie.
L’inclusion ne touche pas seulement les EHDAA, mais il s’agit probablement du groupe qui a le plus d’impact sur l’organisation des services éducatifs, selon le CSE.
Analyse
Avant d’intégrer un élève HDAA dans une classe régulière, une démarche d’analyse des besoins et des capacités scolaires et sociales de l’élève doit être effectuée. L’école doit déterminer que cet élève ne représente pas une contrainte excessive ou ne porte pas atteinte de façon importante aux droits des autres élèves. La direction de l’école prendra alors connaissance du dossier et le présentera au comité de référence et d’étude pour élève handicapé, si le profil de l’élève correspond aux critères du Ministère de l’Éducation.
À partir des informations recueillies, un plan d’intervention déterminant les ressources et les conditions qui seraient requises pour accueillir l’enfant à l’école de quartier sera élaboré. Le plan d’intervention présente en synthèse les mesures de soutien et les adaptations à prévoir.
Le plan peut prévoir un suivi professionnel, une aide en orthopédagogie, l’accompagnement d’un Technicien en éducation spécialisée etc. et les mesures d’adaptation comme un appareil particulier ou du matériel pédagogique aménagement physiques et techniques nécessaires. Le processus peut prendre jusqu’à un an.
«L’école est le reflet de la société. Si on dit ‘’ils sont séparés des autres durant l’école’’, comment vont-ils réussir plus tard à être avec les autres? Ce qu’on a démontré, c’est que lorsqu’un enfant est mis dans une classe spécialisée en se disant peut-être qu’il va être réintégré dans une classe ordinaire quand ça ira mieux, quand il aura rattrapé le programme, ça existe très peu. On fait vraiment des filiales où les enfants restent du primaire au secondaire. On les oriente de plus en plus vers le spécialisé au fur et a mesure où les années avancent puis il y a très peu de réintégration», explique Mme Chatenoud.
«L’école est le reflet de la société. Si on dit ‘’ils sont séparés des autres durant l’école’’, comment vont-ils réussir plus tard à être avec les autres? -Céline Chatenoud, professeure au Département d’éducation et formation spécialisées de l’Université du Québec à Montréal.
Un système inégalitaire
Le système d’éducation fonctionne déjà à «trois vitesses», selon des experts, puisque les écoles publiques ou privées à projets particuliers raflent les élèves les plus performants et contribuent ainsi à accroître les inégalités.
Égide Royer, psychologue et professeur associé à la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université Laval propose d’instaurer un quota d’élèves HDAA dans chaque école secondaire des réseaux publics sélectifs et privé subventionné tout en donnant aux écoles l’accès au financement nécessaire. Chaque école secondaire devrait, selon M. Royer, accueillir entre 18 et 20% des élèves HDAA.
Or, la présence des EHDAA dans les classes régulières ne fait pas l’unanimité. Les syndicats dénoncent le manque de ressources accordées aux professeurs titulaires pour gérer une classe comprenant des élèves ayant des difficultés graves et déplorent «l’intégration à tout prix».
Nouveau-Brunswick
Le système d’éducation du Nouveau-Brunswick fait l’envie de bien des parents québécois d’EHDAA alors que la politique 322 fait de l’inclusion une composante officielle de son système d’éducation.
«Au Nouveau-Brunswick, c’est un modèle de services qui est réfléchi sur un modèle inclusif parce que tous les enfants ne sont pas orientés dans des filières différentes selon leur handicap. Tous les enfants ont accès à la même classe et tout le soutien est donné dans la classe ou à l’extérieur de la classe», détaille Mme Chatenoud.
Maxim Beauregard-Dionne, un ancien commissaire scolaire a quitté le Québec pour s’établir au Nouveau-Brunswick afin que sa fille, atteinte d’une déficience intellectuelle, ait les services dont elle a besoin.
«Au Québec si tu as besoin de plus de 10 heures d’éducation spécialisée dans ta semaine, automatiquement, tu es dans une classe spécialisée, voire à l’école spécialisée alors que tu peux très bien fonctionner dans une classe régulière. Ici, si l’enfant a besoin de 25 heures d’éducation spécialisée, il a 25 heures. Ma fille a quelqu’un qui l’accompagne 25 heures par semaine dans la classe», explique M. Beauregard-Dionne.