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Élections américaines: un enjeu de taille pour le milieu des affaires

Donald Trump
Le président des États-Unis, Donald Trump. Photo: Chip Somodevilla/Getty Images

À Montréal comme ailleurs au pays, le milieu des affaires surveillera de près le déroulement de la soirée électorale américaine ce mardi, dont le résultat final pourrait avoir un impact sur les échanges commerciaux et le recrutement de main-d’oeuvre à l’étranger dans les prochaines années.

«La grande instabilité avec Trump, c’est qu’on est toujours à un tweet d’une guerre commerciale», laisse tomber à Métro le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain (CCMM), Michel Leblanc.

Afin de favoriser les entreprises américaines, le gouvernement de Donald Trump a mis en place dans les dernières années des tarifs douaniers sur l’importation de plusieurs produits, incluant l’aluminium et l’acier canadiens.

Plus de stabilité

Si le candidat démocrate à la présidence, Joe Biden, gagne son pari ce soir, cela ne signera pas la fin des tensions commerciales entre le Canada et les États-Unis, rappellent plusieurs représentants du milieu des affaires consultés par Métro. Le Parti démocrate, historiquement, supporte généralement une approche économique protectionniste.

«Mais, autant que Trump avait une approche très conflictuelle en matière de commerce international, on a l’impression que ce serait moins le cas avec Biden», soulève l’économiste principal au Mouvement Desjardins, Francis Généreux.

«On a tout à gagner pour le milieu des affaires à avoir un partenaire commercial qui est beaucoup plus stable», renchérit M. Leblanc.

Ce dernier note par ailleurs la relation plus conviviale qui lie le premier ministre du Canada Justin Trudeau avec l’ancien vice-président démocrate, contrairement à celle plus tendue qu’il entretient depuis quatre ans avec Donald Trump.

«Dans le cas de Joe Biden, il y aurait sans doute une relation plus sereine avec le gouvernement canadien. Ce genre de relation peut aider à éviter des conflits [commerciaux]», estime aussi le vice-président des affaires nationales à la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante, Jasmin Guénette.

«S’il y a des mesures protectionnistes mises en place, je suis certain [que Joe Biden] va regarder s’il peut y avoir une exception canadienne.» -Michel Leblanc, président de la CCMM

Compétitivité des entreprises

L’issue de cette élection américaine pourrait aussi avoir un impact sur la compétitivité des entreprises canadiennes sur le marché américain. Dans les dernières années, Donald Trump a mis en place diverses baisses d’impôt, notamment au profit des mieux nantis et des entreprises.

À l’inverse, Joe Biden propose de faire passer de 21 à 28% le taux d’imposition fédéral des entreprises, en plus d’augmenter les impôts pour les contribuables à haut revenu.

«Si on augmente l’imposition des entreprises américaines, les entreprises canadiennes pourraient devenir plus compétitives [aux États-Unis]», analyse M. Généreux.

Immigration

Dans les dernières années, les nombreuses restrictions en matière d’immigration mises en place par Donald Trump aux États-Unis ont contribué à rendre le Canada plus attirant pour les travailleurs étrangers. Une situation qui a notamment bénéficié à Montréal.

«Les entreprises qui sont dans la Silicon Valley et qui ont beaucoup d’employés de l’étranger, ce qu’on leur a dit dans les dernières années, c’est venez chez nous», lance à Métro le PDG de Montréal International, Stéphane Paquet.

Le système d’immigration «plus facile et accessible» du Canada a ainsi contribué à l’arrivée d’investissements étrangers dans la région métropolitaine dans les dernières années, souligne-t-il. Près de la la moitié de ces actifs provenaient d’ailleurs des États-Unis l’an dernier, selon le dernier rapport annuel de Montréal International.

Le Canada moins attrayant?

Joe Biden propose toutefois, s’il est porté au pouvoir, de moderniser la politique d’immigration des États-Unis, notamment afin d’attirer de nouveaux résidents permanents et de faciliter la situation des étudiants internationaux.

«Ça risque de rendre plus difficile pour le Canada d’attirer de nouveaux immigrants par rapport à ce qu’on a vu dans les dernières années», soulève Francis Généreux.

Le gouvernement de Justin Trudeau a d’ailleurs annoncé récemment une révision à la hausse de ses cibles en matière d’immigration. Il souhaite maintenant accueillir 1,2 million de nouveaux résidents permanents d’ici 2023.

«Je pense [qu’un éventuel] président Biden va rendre plus difficile pour le Canada d’atteindre cette cible», croit aussi la directrice du Groupe de recherche sur le G7 de l’Université de Toronto, Hélène Emorine.

Michel Leblanc ne croit toutefois pas qu’une telle situation affecterait Montréal. 

«Dans nos secteurs de pointe, on va continuer d’attirer des talents», affirme-t-il. D’autant plus, rappelle M. Leblanc, que «Montréal est une des villes les plus sécuritaires en Amérique du Nord», ce qui lui donne un avantage compétitif sur plusieurs autres métropoles.


Assemblée nationale: les chefs prennent position… ou non?

La question électorale s’est frayé un chemin jusqu’aux couloirs de l’Assemblée nationale, mardi, à quelques heures du dépouillement chez les voisins du sud. Malgré les questions, le premier ministre François Legault ne se positionne pas.

«Je n’ai pas l’intention de me mêler de ça. Je ne voudrais pas, si on était en élection ici, que les autres États ou pays se mêlent de nos élections», a indiqué l’élu, qui souhaite éviter de «l’incertitude» dans les résultats.

Il garde tout de même certaines négociations majeures en ligne de mire.

«Notre grand dossier, c’est tout ce qu’on appelle le Buy American Act, a précisé M. Legault. On se retrouve dans une situation où, actuellement, sur plusieurs contrats, il y a une exigence de contenu américain de 70%. L’accord que l’Europe est en train de ratifier avec nous, on a un maximum de 25% de contenu canadien. Il y a comme une injustice.»

Par ailleurs, le chef caquiste semble inconsciemment attendre un résultat de l’élection. Selon le premier ministre il sera «très important» d’en discuter avec… «le nouveau président», a-t-il laissé échapper sans se raviser.

Cheffe de l’opposition officielle, Dominique Anglade, a négocié avec l’administration américaine alors qu’elle était ministre de l’Économie dans le gouvernement de Philippe Couillard. D’après elle, le choix est clair.

«Je pense qu’il y aura une ouverture de la part d’une administration démocrate quant aux changements climatiques, à l’aluminium vert. Il y a des segments de notre économie qui pourraient être favorisés par cette arrivée-là», a-t-elle dit.

Le co-porte-parole de Québec solidaire, Gabriel Nadeau-Dubois, est lui aussi sans détour.

«Je fais partie de l’écrasante majorité des Québécois qui a bien hâte qu’on se débarrasse de Donald Trump.» – Gabriel Nadeau-Dubois

Au Parti québécois, le chef parlementaire, Pascal Bérubé, appelle à travailler avec ce qu’on a. «Je pense qu’on est tous témoins des débordements de la présidence américaine. Mais moi, j’aime mieux parler des institutions américaines avec qui il faut maintenir de bons liens pour notre économie.»

-Avec la collaboration de François Carabin

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