GNL Québec: plus de risques que d’avantages, conclut le BAPE
Pour le Bureau d’audience publiques sur l’environnement (BAPE), la «fenêtre d’opportunité» de GNL Québec afin de concrétiser Énergie Saguenay est presque close. Dans son rapport final, déposé mercredi, l’organisme émet d’importantes réserves sur ce projet controversé.
Le touffu rapport, attendu dans les milieux environnementaux et économiques, est paru mercredi après avoir passé deux semaines entre les mains du ministre de l’Environnement, Benoit Charette.
Dans le document de 500 pages, la commission avise que malgré «des retombées économiques importantes pour la région d’accueil et pour le Québec», les risques d’émissions de gaz à effets de serre (GES) «ne permettent pas […] de confirmer le bilan positif du projet mis de l’avant par l’initiateur.»
Selon la commission, le gouvernement du Québec «ne peut escompter des réductions nettes de GES au niveau mondial» avec ce projet. En fait, Énergie Saguenay ajouterait au bilan planétaire.
«La fenêtre d’opportunité pour le projet Énergie Saguenay semble s’être considérablement réduite depuis l’annonce initiale du projet, en 2014», écrivent les commissaires dans leur rapport attendu.
Ultimatum
Le ministre de l’Environnement, Benoit Charette, donne une dernière chance au promoteur pour se conformer aux conditions du gouvernement Legault: l’acceptabilité sociale, la transition énergétique et une contribution aux diminutions mondiales de GES.
«Le rapport ne permet pas de conclure qu’une de ces trois conditions-là ne serait respectée», a signifié le ministre Charette, qui réagissait d’emblée aux conclusions du rapport, en direct de l’Assemblée nationale.
«La balle est dans le camp du promoteur. C’est à lui de, soit renouveler son argumentaire, soit d’amener de nouveaux éléments de réponse.» – Benoit Charette, ministre de l’Environnement
La commission du BAPE indique ne pas avoir «été en mesure de se prononcer sur l’acceptabilité sociale à l’égard du projet Énergie Saguenay». Or, sur les 2500 mémoires déposés devant les commissaires, 90% s’opposaient au projet, concluait l’an dernier une compilation de Métro.
Mardi, un nouveau sondage concluait que plus de la moitié des Québécois ont une opinion «défavorable» du projet d’usine de liquéfaction.
Québec donne au promoteur jusqu’à cet été pour répondre aux questions du BAPE. Si à ce moment-là, les trois conditions ne sont pas remplies, le gouvernement de François Legault retirera tous ses jetons du projet.
«On ne peut pas parler d’engagement financier si on ne sait pas si le projet pourra se qualifier pour la réalisation», a indiqué M. Charette.
GNL a réagi mercredi aux conclusions du rapport du BAPE, se disant capable de remplir les conditions du gouvernement provincial.
«Nous savons que nous avons des devoirs à faire, mais nous sommes toujours convaincus que notre projet peut faire une différence à l’échelle mondiale», a signifié dans un communiqué de presse son président par intérim, Tony Le Verger.
Plusieurs organismes environnementaux ont répliqué, mercredi. Dans un communiqué, des groupes comme Équiterre, Nature Québec et la Coalition Fjord, ont exhorté le ministre de l’Environnement à «clore le débat».
«Le gouvernement doit refuser le projet maintenant», ont-ils signalé.
«Les risques dépassent les avantages»
En plus des possibilités qu’Énergie Saguenay contribue à la hausse des émissions de GES, les commissaires mandatés pour faire le suivi du projet évoquent des «risques associés au trafic maritime sur les mammifères marins qui fréquentent le Saguenay et l’estuaire du Saint-Laurent, notamment le béluga».
La commission est également d’avis que le clivage sociétal observé risque de perdurer quelle que soit la décision du gouvernement à l’égard de ce projet et qu’un suivi devrait être envisagé par les autorités publiques, particulièrement dans le milieu d’accueil – Extrait du rapport du BAPE
Ligne du temps
Jusqu’à maintenant, le gouvernement de François Legault s’est montré hésitant à se positionner sur l’avenir du projet et sur l’investissement potentiel de fonds publics. Si, au départ, le ministre de l’Environnement avait évoqué un «préjugé favorable», le ministre de l’Économie avait indiqué par la suite que les conditions n’étaient pas remplies pour le moment pour qu’Énergie Saguenay aille de l’avant.
En décembre dernier, François Legault signifiait qu’il ne souhaitait voir aucun fonds public investi dans l’usine. «Le gouvernement du Québec a refusé qu’il y ait un financement public», avait-il dit en chambre.
La réalisation du projet, évalué à au moins 8 G$, se fera sans les investissements du multimilliardaire Warren Buffet, lequel avait retiré ses appuis en mars 2020.
Imaginé en 2014, le projet Énergie Saguenay vise la construction d’une usine de liquéfaction du gaz naturel en bordure du fjord du Saguenay. GNL Québec souhaite acheminer la matière en provenance de l’Ouest canadien, pour ensuite la transformer et exporter «11 millions de tonnes de gaz naturel liquéfié par an».
Jusqu’à maintenant, le promoteur signifiait que l’aboutissement du projet permettrait de réduire les émissions mondiales de GES de 28 millions de tonnes par année.
– En collaboration avec Martin Nolibé/Métro