Joyce Echaquan: un nouveau pacte contre le racisme systémique demandé
À la veille des audiences sur le décès de Joyce Echaquan, un groupe de chercheurs et de militants lancent un nouveau «Pacte d’inclusion québécoise» demandant au gouvernement du Québec d’agir contre le racisme et la discrimination systémiques. Ils réclament notamment l’application de la «tolérance zéro» face aux violences en tout genre, comme le profilage racial, les interpellations abusives, les arrestations arbitraires et le harcèlement.
Le plaidoyer se veut «un cri de coeur citoyen» pour que «plus jamais» le Québec ne connaissent d’autres victimes du racisme systémique, explique la docteure en droit et ex-chercheure associée au Centre de recherche en Immigration, Ethnicité et Citoyenneté (CRIEC) signataire du pacte, Kerline Joseph.
«Avec la tolérance zéro, on n’aurait pas eu Joyce Echaquan, on n’aurait pas eu Mamadi Camara», pense-t-elle.
Mme Echaquan, une mère de famille atikamekw, est décédée sous les injures du personnel soignant au Centre hospitalier régional de Lanaudière en septembre dernier. Mamadi Camara a quant à lui été arrêté et détenu à tort en janvier dernier à la suite d’une agression contre un policier.
Selon Mme Joseph, que ce soit dans les institutions ou au niveau individuel, plusieurs essaient de banaliser le racisme en trouvant des «excuses». «Il faut s’assurer qu’il n’y ait plus d’excuses, plus de banalisation, plus de faux-fuyant lorsqu’il y a des actes de racisme et des actes de discriminations», dit-elle.
Sensibiliser et former avant de sévir sur les réseaux sociaux
Par ailleurs, les signataires du pacte demandent d’assurer une sensibilisation, ainsi qu’une mobilisation en continu et à grande échelle contre le racisme à travers les systèmes et les institutions. «Il faut tout un projet de réflexion autour d’un changement de valeurs sociétales, accompagné certainement de projets de loi», dit-elle.
Selon Kerline Joseph, l’application de la «tolérance zéro» passerait par la mise sur pied de certains programmes de formation et de politiques au sein de la fonction publique québécoise. Elle cite la formation des policiers comme exemple. «On ne dit pas qu’ils ne sont pas formés. Mais il faudrait une meilleure formation spécifique à la réalité des actes de racisme ou de discrimination et des effets que ça peut causer», précise Mme Joseph.
Toutefois, si, selon les signataires du pacte, l’espace public doit être assaini de tous les comportements nocifs, Kerline Joseph reconnaît qu’il n’est pas si simple de surveiller les commentaires haineux, racistes ou discriminatoires sur les réseaux sociaux. «C’est de savoir comment on peut sévir, à travers les réseaux sociaux, sans réduire ce qu’on appelle la liberté d’expression parce qu’on touche à un droit qui est très large et très protégé», précise-t-elle.
La docteure en droit ajoute que la surveillance des réseaux sociaux est une solution intéressante, mais qui ne peut se faire sans étude au préalable pour évaluer quelle est la meilleure façon de faire.
Des actions majeures ont été réalisées, dit le cabinet du ministre
Appelé à réagir, le cabinet du ministre responsable de la lutte contre le racisme, Benoit Charette, rappelle qu’il assurera la mise en œuvre du rapport du Groupe d’action incluant ses 25 recommandations.
«D’ailleurs, son titre en soi, ‘Le racisme au Québec : tolérance zéro’, est révélateur de notre volonté de corriger des aberrations qui n’ont tout simplement pas leur place dans notre société», ajoute son attachée de presse, Geneviève Richard.
Celle-ci indique que le travail est déjà commencé et que des actions majeures ont été réalisées. «On peut penser aux mesures qui ont été annoncées en vue d’améliorer l’accès à la justice pour une clientèle issue de communautés inuites et des Premières Nations (plus de 19 M$), à la mise en œuvre des Prêts pour la reconnaissance des titres de compétences étrangers (4 M$) ou encore à la bonification du programme d’étude en technique policière pour mieux outiller les futurs policiers et policières dans leurs interventions auprès des communautés culturelles, ethniques et autochtones. Au total, plus de 271 millions de dollars sur trois ans sont prévus pour lutter contre le racisme», précise Mme Richard par courriel.
Elle assure que, au cours des prochains mois, une série d’autres actions concrètes seront annoncées.
Audiences publiques sur le décès de Joyce Echaquan
C’est ce jeudi que débuteront les audiences publiques portant sur le décès de Joyce Echaquan, cette mère de famille atikamekw de 37 ans qui a enregistré un Facebook Live montrant des agents de santé la maltraitant avant sa mort.
Les audiences se tiendront du 13 mai au 2 juin 2021 au palais de justice de Trois-Rivières.
C’est la coroner et avocate Géhane Kamel qui a été désignée pour présider l’enquête publique. Elle sera accompagnée du coroner et médecin Jacques Ramsay, qui agira à titre d’assesseur, tout particulièrement pour les aspects médicaux de l’enquête.
Rappelons que l’objectif d’une enquête publique de coroner n’est pas de déterminer la responsabilité criminelle ou civile d’une personne, mais plutôt de faire la lumière sur les causes et les circonstances entourant le décès et de formuler, s’il y a lieu, des recommandations visant à protéger la vie humaine.