Foutre la paix aux Musulmans
Le résultat était chose prévisible: plutôt que d’optimiser les efforts d’empathie collective manifestée à la suite du crime lâche, haineux et sans scrupule survenu à London, fallait, bien entendu, politiquement instrumentaliser l’affaire.
Criblé par les tirs nourris de journalistes en manque de clics, Trudeau échoua ainsi à asseoir l’évidence: non, il n’existe aucun lien rationnel, réel ou présumé, entre la loi 21 et l’horrible attentat terroriste. Aucun. Dans le sens de phoquall. Cette odieuse hypothèse allait, toujours sans surprise, provoquer l’ire de nos pleureurs professionnels, dont la carrière repose sur la victimisation institutionnalisée. Il était comique, façon de parler, de lire un ex-chroniqueur se vanter de «la réaction de l’ensemble de la classe politique québécoise qui on [sic] condamné cet attentat. Sans nuances.» Tout un exploit, y a pas à dire.
Or, pendant que les deux visages de cette pièce s’affairent au ridicule, la manœuvre, superfétatoire en masse, en vient à dauber l’essentiel: le drame vécu. Autant absurde que pathétique, particulièrement lorsque l’on pense, une seconde, aux espoirs et illusions d’un ti-cul maintenant orphelin. Le nec plus ultra de la poisse.
Parce que le fléau de l’islamophobie, n’en déplaisent aux excités trop aveuglés par leur québécophobie, n’a rien de québécois, justement. Plutôt un phénomène pratiquement international, merci au 11-Septembre.
Pensons ouïghour, ce peuple turco-musulman d’origine faisant actuellement les frais de la plus récente cruauté humaine, orchestrée cette fois par le régime chinois. Selon les estimations officieuses, près de 1 million de ceux-ci seraient actuellement détenus dans des camps de travaux forcés, là où ils servent, commodément, de cheap labor à quelques multinationales bien en selle : Apple, Amazon, BMW, H&M, Adidas, Gap, Nike, Lacoste, Zara et maintes autres.
Ajoutons à ceci la stérilisation (forcée, évidemment) ou à l’ablation présumée de certains organes revendus à haut prix, et l’opération se qualifie aisément de pire, et de plus vaste, camp d’incarcération depuis la Seconde Guerre mondiale. Des camps s’inscrivant autour d’une thématique de destruction d’une ethnicité entière, sa religion au premier chef. Un génocide se déroulant sous nos yeux de sociétés de cochons gras, malgré des dénonciations en provenance du Royaume-Uni, de la France, des États-Unis et même du Canada (avec toute la puissance diplomatique de ses pistolets à eau). Résultat? Rien. Que vogue la galère.
Sans être (heureusement) en mesure d’égaler le niveau d’atrocités présentement commis en Chine, le virus de l’islamophobie grimpante contamine et effiloche le tissu social un peu partout : la France, justement, où cette même islamophobie constitue le meilleur allié électoral de Le Pen, dont le père avait d’ailleurs inventé le faux concept de racisme anti-Blanc, histoire de s’auto-victimiser (tiens, tiens), et de placer une cible au cul du Musulman français (re-tiens tiens). Pensons aussi au Muslim Ban du subtil Trump, lequel déclarait interdits de territoire nombre de Musulmans issus de pays diverses, ou encore de ficher ces derniers à l’aide de signes distinctifs. Comme quoi 1934 et ses affres sont prêts à bondir, inopinément, des tiroirs entrouverts de la haine.
Et le Québec, islamophobe? Non, mais aux prises avec ses parts d’ombre: Alexandre Bissonnette et autres Meutes (des gens «un peu» racistes, selon notre premier ministre). Le triste épisode de la Charte des valeurs, où le ministre en charge martelait «avoir un malaise avec le voile». Pensons également au «il y a des hidjabs partout, ça suffit!», de Jean-François Lisée, ou encore à l’épouvantable publicité électorale du Bloc, laquelle imitait un déversement pétrolier se transformant en… niqab. Dernièrement? Une poignée de candidats de ce même Bloc s’étant fait pincer avec des propos du genre, voire pire, et ayant néanmoins obtenu la bénédiction du chef Blanchet afin de poursuivre leur campagne.
Et pourquoi cette trêve de supposés problèmes avec les Musulmans pendant la pandémie? Parce que les obsédés de l’identité, ici comme ailleurs, étaient occupés autrement. Le seul endroit où l’enjeu a réellement existé, selon le rapport Bouchard-Taylor? Dans la tête des médias et politiciens populistes souhaitant en tirer profit.
Foutons-leur la paix, en bref. Et aimons-nous, crisse.