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Oui, le passeport sanitaire est constitutionnel

Photo du chroniqueur Frédéric Bérard avec titre de sa chronique, In libro veritas
Photo: Métro

CHRONIQUE – L’être humain est fascinant, quand même. Et pas toujours dans le bon sens. Après quelques semaines à se faire baratiner une (outrageuse) comparaison entre le passeport sanitaire et la Shoah, nos fêlés du bocal poursuivent sur leur lancée en associant maintenant, ô spectaculairement, la récente « victoire » des talibans afghans à une quelconque manœuvre… pro-anti-vax. Rire ou brailler? Pleurire, ça fais-tu? Parce que ouais, ce n’est pas parce qu’on rit que c’est drôle. Au point où, soyons honnêtes, ce cirque commence à foutre les quételles. Sera quoi, votre prochaine lubie, les copinos? Un acte terroriste?

C’est dans ce contexte ultra bien choisi que je devais accorder, à TVA, une mini-entrevue sur la constitutionnalité du passeport sanitaire en devenir. La poisse. Sans revenir sur l’ensemble des commentaires, ou plutôt attaques persos reçues, celles-ci semblent se regrouper autour d’un même dénominateur commun : je suis un traître-corrompu.

Traître me va bien, indubitable. Mais corrompu? Ok, par qui? Avec quel fric? Et où je réclame mon dû? C’est que j’ai un nouveau condo à payer. J’offre, bien sûr, un pourcentage à quiconque me menant aux bidous. Question, cela dit : corrompre un corrompu, est-ce de la corruption? Je demande pour un ami.

Alors en gros, pour ceux et celles s’étant rendus jusqu’ici, voici l’essence de l’analyse :

Sans trop de doute, sous réserve toutefois de la mouture finale dudit passeport (le diable n’étant pas juste dans les détails, mais aussi dans la norme), il est fort probable que celui-ci contreviendra, en principe, au droit à la liberté protégé par les chartes. S’il est question de la Charte canadienne, une étape supplémentaire sera nécessaire à cette conclusion : la violation est-elle conforme aux principes de justice fondamentale? En d’autres termes, cette idée attaque-t-elle frontalement la conception de justice telle qu’adoptée par la population? À voir les taux de vaccinations élevés, l’adhésion d’une très large partie des citoyens aux mesures sanitaires, et sachant que les conséquences du passeport sont plutôt vénales, il est à parier que oui, un tribunal conclura que l’atteinte au droit à la liberté se fait de manière conforme à ces mêmes principes. En gros, finito, le passeport est constitutionnel.

Mais pour le seul plaisir de l’affaire, partons de la prémisse inverse. Tout comme dans le cas de la Charte québécoise, il s’agira dès lors de passer au dernier test, communément appelé test d’Oakes (du nom de la décision judiciaire l’ayant vu naître). Celui-ci prévoit quatre critères, lesquels doivent être respectés par l’État québécois afin de racheter la violation.

L’objectif réel et urgent
Compte tenu des 4,5 M de morts à l’échelle internationale et, surtout, de l’incapacité de mettre fin à la pandémie, oui, on peut aisément croire que l’objectif du passeport respecte ce critère. Peu importe qu’il soit ici question d’encourager la vaccination chez les récalcitrants, de limiter la contamination, de préserver les ressources médicales ou, encore, d’assurer un peu de bonheur aux vaccinés lors de leur prochain séjour au resto, cinéma ou théâtre, lesquels seront enfin épargnés des discours débiles anti-vax.

Le lien rationnel
Sans doute, il existe un lien étroit et intelligible entre les objectifs ci-haut et la mesure adoptée.

Atteinte minimale
Au lieu de se gâter de divers loisirs publics, les non-vaccinés devront demeurer chez eux, en jouant au Nintendo en mangeant des sandwichs aux tomates. Plate pour eux autres, mais pas Guantanamo non plus. Critère rencontré.

La proportionnalité
L’État essaie-t-il de pulvériser une mouche avec un bazooka? À voir la grosseur de la mouche, aka la pandémie, et l’arme en question, aka un petit passeport, pas de doute ici non plus.

On pourrait aussi parler d’une violation potentielle à un droit à l’égalité, mais sauf erreur, la bêtise ne fait pas partie des critères reconnus ou analogues protégés par le droit en question. Tough luck.

Alors voilà pour la démonstration. En échange d’un petit pécule (pas le cornichon, le fric), je demeure dispo pour changer d’idées.

Dans l’intervalle, par contre, je maintiens ceci : la dictature du « je-me-moi » et autres « J’ai l’doua! » a, imaginez donc, des limites. Celles posée par un concept depuis perdu dans le brouhaha du bruit de l’insignifiance, de l’égoïsme et l’inhumanisme: l’intérêt commun.

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