CHSLD: un plan «super parfait»… en théorie
Le document de préparation transmis par le ministère aux CHSLD au tout début de la pandémie de COVID-19 était beau en théorie, mais ne reflétait pas la réalité sur le terrain, a déclaré mardi matin la coroner Me Géhane Kamel, qui préside l’enquête publique sur la gestion de la pandémie dans les milieux d’hébergement pour aînés durant la première vague.
Me Kamel s’adressait à la témoin Natalie Rosebush, sous-ministre adjointe à la direction générale des aînés et des proches aidants (DGAPA) du ministère de la Santé et des Services sociaux (MSSS). Mme Rosebush venait de présenter le document de préparation, un guide envoyé aux CHSLD le 12 mars 2020. Il y est notamment question d’avoir assez de matériel et d’effectifs supplémentaires dans le cas d’une pandémie.
Me Kamel a souligné les différences flagrantes entre ce document et l’horrible réalité qui se déroulait sur le terrain.
Bien que «tout soit prévu» dans le document pour se préparer à une pandémie, les CHSLD n’avaient pas la capacité de le faire, a déploré la coroner. «Le guide est super parfait en théorie et en texte. Mais avec la réalité du terrain, il y a un backlash complet», a-t-elle ajouté.
Comment on peut s’expliquer ça? Si on avait parlé d’enfants, on serait probablement tous dehors en train de se déchirer la chemise. Mais là, c’est des aînés. C’est comme si c’était dans l’air du temps, que c’était naturel…
Me Géhane Kamel, coroner
«Si je pense juste au privé, les gens n’arrivaient pas à avoir de contact avec les fournisseurs parce que les fournisseurs disaient que l’équipement s’en allait vers la réserve nationale. […] Au niveau du personnel, c’est la même chose. On prévoit qu’il faut penser à des effectifs supplémentaires, mais on va frapper un mur et on le sait qu’on va frapper un mur. Ils sont en sous-effectifs dans les CHSLD», a affirmé Me Géhane Kamel.
Natalie Rosebush a convenu que la pénurie de personnel était déjà une préoccupation avant la pandémie. «À ce moment, les établissements avaient la possibilité de pouvoir réaffecter du personnel et ça a été rehaussé avec l’arrêté ministériel 2020-07», a-t-elle dit.
Mme Rosebush a aussi fait valoir que des capsules ont été diffusées à la mi-avril pour aider le personnel qui allait prêter main-forte en CHSLD. «Mais cette formation est arrivée alors que vous étiez en train de brûler», a dit la coroner.
Pour ce qui a trait au manque d’équipements de protection individuelle (EPI), la témoin a tenu à rappeler les actions posées par le gouvernement pour régler ce problème. «À un certain moment, on a donné l’indication aux CISSS et CIUSSS de fournir les CHSLD privés et les RPA», a-t-elle mentionné.
Trop d’attention sur les hôpitaux
La semaine dernière, l’enquête de la coroner a révélé que l’impact de la pandémie dans les milieux de vie pour aînés était redouté depuis février 2020.
Or, malgré ces préoccupations, les efforts ont davantage été déployés dans les milieux hospitaliers.
C’est un aspect qui «dérange fondamentalement» la coroner Me Géhane Kamel. Est-ce qu’on a accordé une place assez importante à la direction des aînés dans cette crise? Me Kamel en doute.
«C’est comme si vous étiez là, mais toujours sur la voie d’accotement à côté du gros système de santé que sont les milieux hospitaliers», a-t-elle indiqué à Natalie Rosebush.
La journée d’audience se poursuit cet après-midi avec le témoignage de Luc Desbiens, sous-ministre adjoint à la direction générale des infrastructures, de la logistique, des équipements et de l’approvisionnement.
Jeudi dernier, le directeur national de santé publique du Québec, Dr Horacio Arruda, a témoigné. Parmi les éléments de son témoignage qui ont retenu l’attention de la coroner, il y a l’enjeu du délestage et du mouvement de personnel.