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Le Roi est mort…

Le coin de rue Rachel et Clark ne sera plus jamais pareil. Samedi soir, le resto portugais Le Roi du Plateau a fermé ses portes. Ou plutôt sa porte, puisqu’il n’y en avait qu’une. Une porte qui grinçait fort, d’ailleurs. Une autre porte verrouillée pour de bon, une autre famille de petits commerçants mise au rancart, des milliers de bons moments perdus à jamais. Le Roi a été tué par le cancer qui le rongeait depuis déjà quelques années. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, ce n’est pas la fumée de charbon de bois qui l’a achevé. C’est plutôt le crabe du voisinage qui l’aura grugé jusqu’à l’os. Une forme agressive de la maladie qui, de toute évidence, n’a pas fini de faire des ravages à Montréal. Là où le partage du territoire ne se peut plus.

Une vraie ville, c’est conçu comme une courte-pointe. On assemble des petits morceaux avec des grands, des splendeurs avec des horreurs. Ainsi, le plus-que-parfait se frotte à l’imparfait. Dans le cas qui nous préoccupe, le plus-que-parfait, c’est l’immeuble à condos récemment aménagé dans l’édifice Paris-Star de jadis, près de Saint-Laurent. On l’a depuis chiquement rebaptisé ParisLoft. Le nec plus ultra où, paradoxalement, ont peiné des ouvrières de la couture pendant des années. Bien pour dire… L’imparfait, vous l’aurez deviné, c’est un établissement comme  Le Roi du Plateau. Un petit resto familial qui était, pour plusieurs, une annexe à leur propre cuisine. J’étais de ceux-là. Un endroit où la chaleur de l’accueil compensait largement pour les soirs de janvier où nous devions garder notre parka tellement on y gelait tout rond. Pis après? Appelons ça le côté rustique de la place. Le mur des célébrités était à lui seul un véritable musée de la culture populaire où étaient épinglées côte à côte les photos de Jacques Villeneuve et celle du gars qui avait terminé 19e à Star Académie en 2003. Des flashs dans le temps. Certains plus de brillants que les autres.

Les Portugais font cuire les viandes sur un gril au charbon. C’est ce qui distingue leur cuisine. Sauf que le charbon de bois, c’est pas très propre pour l’air ambiant.  C’est ça qui dérangeait les nouveaux propriétaires de condos du coin, qui ont sûrement mis le gros prix pour s’établir dans le quartier et qui n’en ont que faire de l’odeur de boucane et de poulet grillé. On les comprend. Quand on paie le gros prix pour un condo, on est en droit d’exiger ce qu’il y a de mieux à tous les points de vue. En commençant par de l’air pur. Surtout que la Ville ne doit pas y aller mollo avec les taxes, oh que non.

Il me reste néanmoins une seule question que j’aurais envie de poser aux proprios de ParisLoft. Pourquoi avez-vous choisi de vous installer  dans ce coin-là? C’est pas d’hier que les Portugais y sont établis et que le moindre coup de vent y sent le barbecue. La banlieue, ça ne vous disait rien? Le bord du fleuve non plus? Et les townhouses de Ville Mont-Royal? Des quartiers exempts de grillades et de leurs odeurs, Montréal en compte plein. Ben non, il vous fallait aller rester là! Vous me faites penser aux nouveaux voisins du Quartier des spectacles qui se plaignent du bruit…

On gage combien que, dans quelques années, il s’ouvrira une grilladerie portugaise dans le Quartier DIX30, et que vous serez les premiers à faire la file pour prendre un bain d’exotisme. Vous l’aurez bien mérité…

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Au revoir Chantal Jolis. Et merci. Pour le verbe et pour le rire. C’était super de vous entendre.

– Les opinions exprimées dans cette tribune ne sont pas nécessairement celles de Métro.

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