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La démocratie se porte-t-elle bien au Canada ?

L'Assemblée nationale du Québec
L'Assemblée nationale du Québec Photo: Getty Images

À l’occasion de la Semaine canadienne de la démocratie, qui commence lundi, Métro a demandé à des témoins privilégiés de nos institutions démocratiques quels sont leurs défis au Canada et au Québec.

  • Mario Lavoie, directeur du rayonnement chez Élections Canada

Comment se porte la démocratie au Canada? Y a-t-il des améliorations à apporter?
Un des principaux défis pour l’avenir de la démocratie est le déclin du taux de participation électoral, surtout chez les jeunes. Au niveau fédéral, il y a une diminution marquée depuis les années 1970. Aux dernières élections fédérales, 38,8% des 18-24 ans sont allés voter. Quand on le compare au taux des 55 ans et plus – 70-75%, on constate un écart générationnel important.

En 1965, les jeunes pouvant voter aux élections fédérales pour la première fois l’ont fait à 69%. En 1984, c’est tombé à 58%, et à 34% en 2004. Ce qui est dommage, c’est que si les jeunes ne votent pas, leurs priorités seront moins bien reflétées par les élus.

Comment accroître la participation démocratique des jeunes?
Ce qui est paradoxal, c’est que les jeunes n’ont jamais eu accès à autant d’information, notamment avec internet, mais des sondages démontrent que leur connaissance des affaires publiques est encore basse. Il faudrait donc miser sur l’éducation à la citoyenneté, aux enjeux politiques et au système électoral. La Semaine canadienne de la démocratie, que nous organisons, travaille dans ce sens avec des activités de sensibilisation. Élections Canada essaie aussi de rendre le processus du vote le plus simple et accessible possible. Aussi, plus il y aura d’interactions entre les jeunes et les élus, et plus ces derniers parleront des enjeux qui les touchent, plus les jeunes seront motivés à voter.

  • Joseph-Yvon Thériault, titulaire de la Chaire de Recherche du Canada en Mondialisation, Citoyenneté et Démocratie

Quel est l’état de la démocratie au Canada et au Québec?
En absolu, on dira que la démocratie n’est pas mal en point, puisque les institutions permettent la délibération et le débat public. Le grand problème, c’est la perte de confiance dans les institutions de représentation. Auparavant, les affrontements d’idées étaient canalisés dans les institutions, notamment au parlement. Aujourd’hui, les parlements semblent déconnectés de la délibération qui se situe dans la société civile, dans la rue, dans les médias, sur les réseaux sociaux. Le peuple a perdu confiance en ses élus et ses institutions de représentation, ce qui fait que la parole ne se transforme plus en action politique et que les parlements ne reflètent plus adéquatement la population.

Comment peut-on remédier à la situation?
La cause de tout cela semble être l’individualisme. Les citoyens n’hésitent pas à protester, à signer une pétition et à surveiller leurs dirigeants, mais ne veulent pas déléguer leur pouvoir aux élus et s’impliquer avec eux. Ils veulent s’autogouverner. Il faut donc combattre l’individualisme et ramener dans les discussions publiques le fait que la démocratie est un choix collectif. Les politiciens doivent aussi ramener les débats d’idées au parlement.

  • Bernard Drainville, ministre responsable des Institutions démocratiques et de la Participation citoyenne du Québec

Que pensez-vous de l’état de la démocratie au Québec?
La démocratie québécoise se porte mieux. Elle a traversé une crise de confiance importante, c’est vrai, mais les choses se replacent et la volonté de ramener de l’intégrité au plan politique est présente chez tous les partis politiques québécois. Il y a eu trop d’épisodes de corruption, de conflits d’intérêt, qui ont suscité beaucoup de cynisme dans la population. L’heure est maintenant à la réparation.

Y a-t-il des améliorations à apporter? Lesquelles?
La Loi sur l’intégrité dans l’octroi des contrats gouvernementaux, celle sur le financement des partis politiques, la Commission Charbonneau, notre projet d’abolir les primes de départ pour les députés qui démissionnent en cours de mandat, ce sont des gestes pour améliorer la démocratie québécoise et rétablir le lien de confiance avec la population.

Comment encourager la participation démocratique?
Avec plus de transparence et en donnant accès à plus d’information gouvernementale. Les citoyens peuvent ainsi se rapprocher de l’administration et cela les motive à participer et à s’impliquer. L’information leur permet de comprendre le cheminement des décisions et les choix du gouvernement. Il faut aussi impliquer davantage les jeunes, les intéresser aux enjeux qui touchent la société québécoise et parallèlement, il faut aussi s’intéresser à ce qui les préoccupent. Les élus ont posé un beau geste en adoptant à l’unanimité le projet de loi 13 au printemps dernier qui permet le vote sur les campus.

  • Pierre Poilievre, ministre d’État à la Réforme démocratique, Gouvernement du Canada

Comment se porte la démocratie au Canada?
Le Canada peut être fier d’avoir une démocratie forte et libre et de son impact positif qu’elle a sur la vie des Canadiens. FreedomHouse.org continue à placer le Canada parmi les pays les plus démocratiques dans le monde avec un des gouvernements les plus ouverts et une société libre. Cependant, nous cherchons continuellement des façons d’améliorer et de renforcer notre système et nos institutions démocratiques.

Quelles sont les améliorations à apporter?
Notre gouvernement a déjà pris des mesures pour améliorer la représentation démocratique et la participation des électeurs avec des dates fixes pour les élections ainsi que des mesures pour protéger et améliorer le processus électoral. Nous sommes engagés à présenter un projet de loi cet automne afin de continuer à renforcer notre démocratie.

À quoi peut servir la Semaine canadienne de la démocratie?
C’est une occasion pour les Canadiens de prendre compte des libertés et des droits étendus dont nous jouissons et de discuter de l’importance qu’a la démocratie pour tout le monde. La démocratie est un processus continu qui fonctionne le mieux avec la pleine participation et le soutien de la communauté. Cela comprend le droit de vote, mais aussi le respect des droits de la personne et de la primauté du droit.

  • Brian Myles, président de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec

Que pensez-vous de l’état de la démocratie au Québec?
Il n’y a pas de démocratie en santé sans une presse libre capable de bien faire son travail. Les journalistes sont les chiens de garde d’une démocratie, car elle permet que les dysfonctions soient exposées. Or, bien que la démocratie se porte relativement bien, il reste des problèmes importants.

Quels sont-ils et comment y remédier?
Premièrement, la transparence des institutions publiques et des représentants est parfois mise à mal. Les élus doivent rendre des comptes et faire face à la musique lorsqu’il y a des situations problématiques, mais ils se réfugient trop souvent derrière le «pas de commentaires» ou les déclarations officielles des porte-parole qui donnent de l’information édulcorée.

Deuxièmement, la Loi québécoise d’accès à l’information devrait être réformée. Il y a trop d’exceptions qui permettent à des ministères et des institutions publiques de cacher de l’information qui devrait être publique.

Troisièmement, les personnes qui servent de sources aux journalistes doivent être beaucoup mieux protégées. Des chasses aux sources de la part de services policiers concernant des fuites d’information risquent de réduire certaines personnes au silence. Pourtant, pour faire sortir la vérité, certaines personnes n’ont que les médias vers qui se tourner.

  • Aurore Fauret, coordinatrice de la coalition Voices/Voix

Que est l’état de la démocratie au Canada?
Il y a une érosion de la démocratie au Canada. Depuis plusieurs années, la liberté d’exprimer des opinions divergentes du gouvernement se voit brimé. Notre coalition a recensé plus de 80 cas d’organisations, de sociétés de recherche et d’individus, notamment des fonctionnaires, qui ont été réduits au silence par le gouvernement. Certains on été intimidés, démonisés, et certains groupes se sont vus retirer des sources de financement alors que d’autres se sont fait menacer de se faire retirer le statut d’organisme de bienfaisance. D’autres ont été mis sous surveillance par le gouvernement fédéral. Pour nous, c’est un problème parce qu’il s’agit d’actions punitives qui réduisent l’espace démocratique. On peut trouver la liste et les descriptions de ces cas sur notre site web www.voices-voix.ca.

Quoi faire pour remédier à la situation?
Il faudrait que le gouvernement conservateur accepte les opinions divergentes et la contestation, qu’il prenne des décisions éclairées sur les faits et non l’idéologie, et qu’il comprenne que la participation de personnes et de groupes divergents enrichit le débat public.

  • Michael Ryan Wiseman, président du Conseil jeunesse de Montréal

Que pensez-vous de l’état de la démocratie au Canada et au Québec?
L’engagement citoyen et la participation démocratique ne se fait pas seulement le jour du scrutin. Les statistiques nous disent que la jeunesse est décrochée du système démocratique. En général, elle est pourtant très préoccupée par des enjeux démocratiques. Cela dit, elle va plutôt signer des pétitions et sortir dans la rue, comme durant le printemps érable, plutôt qu’aller voter ou s’impliquer dans un parti politique.

Comment améliorer la participation démocratique des jeunes?
Ce qu’on a vu lors de nos sondages, nos mobilisations et nos consultations qui ont mené à la publication de notre avis intitulé «CITÉ jeune, participe!», c’est qu’il y a un manque de connaissances de base du système politique, autant au pallier municipal qu’à tous les paliers politiques. Nos recommandations vont donc dans le sens de l’éducation et la sensibilisation.

  • Michel Venne, directeur général de l’Institut du Nouveau Monde

Que pensez-vous de l’état de la démocratie au Canada et au Québec?
Lorsque l’on se compare au reste du monde, la démocratie se porte bien chez nous. Des chartes des droits et libertés protègent les libertés civiles, les droits fondamentaux et les droits politiques et sociaux. L’État providence protège les citoyens des risques de l’ignorance (avec un système public d’éducation du centre de la petite enfance à l’université), de la maladie (assurance maladie), de la pauvreté (filet de protection sociale, assurance-emploi, régime public de retraite). Le système judiciaire fonctionne bien. Le système électoral permet une alternance au pouvoir. Le système de partis est dynamique. La liberté d’expression est garantie et est respectée. Les médias d’information sont nombreux, diversifiés et libres.

Y a-t-il des améliorations à apporter?
Notre système électoral devrait s’adapter à la réalité de la fragmentation de l’électorat. Le système uninominal à un tour permet à un parti de former un gouvernement majoritaire avec 35 % du vote, et ce, dans un contexte où la participation électorale a chuté à quelque 60 % (avec un sursaut à 74 % aux élections provinciales de 2012). Plusieurs ont proposé d’adopter un système incluant une part de proportionnelle pour permettre une meilleure représentation des différents courants politiques présents dans la société. D’autres méthodes seraient envisageables (élections à deux tours, vote préférentiel, etc.).

La participation électorale est un problème. Notre démocratie s’améliorerait également si l’on institutionnalisait le principe de la participation des citoyens aux processus décisionnels entre les élections : plus de consultations publiques, plus de participation publique, plus de bénévolat par une meilleure reconnaissance de celui-ci, l’utilisation des réseaux numériques, etc. L’INM a commandé un sondage, au printemps dernier, qui indique que plus de 90 % des citoyens veulent être consultés davantage par le gouvernement et les municipalités entre les élections.

À quoi peut servir la Semaine canadienne de la démocratie à cet égard?
Comme toutes les semaines thématiques, la Semaine de la démocratie est l’occasion de partager des constats sur l’état de notre démocratie et sur les moyens à prendre pour l’améliorer. C’est l’occasion d’une prise de conscience. Nous aurions cependant un plus grand impact sur la conscience des citoyens et des décideurs si l’on faisait ce genre de sensibilisation à l’année longue, par des programmes dans les écoles, auprès des jeunes et des moins jeunes. Il faudrait un Observatoire de notre démocratie qui aurait pour mandat de rassembler les connaissances sur le sujet, de mener des enquêtes sur une base régulière et qui aurait aussi un mandat à la fois de transfert auprès des institutions et de communication auprès du grand public sur cet enjeu crucial pour l’avenir de notre société.

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