Yves-Thomas Dorval: «la réorganisation administrative doit se faire maintenant»
Des programmes sociaux trop généreux, des fonctionnaires trop nombreux, des structures administratives dédoublées… L’heure est au grand ménage dans le secteur public, martèle le président du Conseil du patronat du Québec, Yves-Thomas Dorval. Métro s’est entretenu avec cet homme qui en a long à dire sur les changements à apporter au système politique et sur la nécessité de promouvoir l’entrepreneuriat.
En compagnie d’autres associations patronales, vous avez rencontré vendredi dernier le premier ministre, Philippe Couillard. De quoi a-t-il été question?
Nous avons discuté de nos préoccupations, notamment en ce qui a trait aux dépenses publiques. Il faut assainir nos dépenses et créer de la croissance économique, et vite, car le vieillissement démographique va faire diminuer drastiquement le nombre de travailleurs sur le marché.
Vous avez salué la décision de M. Couillard de créer une commission permanente qui révisera l’ensemble des programmes gouvernementaux. Pensez-vous qu’il y en a trop?
Je le crois. Mais je ne dis pas qu’il faut tout saborder, soyons raisonnables! Avant tout, il est important de les examiner un à un, de déterminer ce qui est bon et moins bon. Le problème, c’est que nous n’avons pas les moyens de soutenir nos programmes, qui sont d’ailleurs les plus généreux au pays. Qu’il s’agisse de programmes sociaux, de congés parentaux ou de subventions aux entreprises, il faut tout repenser.
Au-delà des programmes gouvernementaux, vous dites régulièrement qu’il faut revoir les structures administratives du secteur public.
On pourrait faire de grandes économies en évitant les dédoublements et en diminuant le nombre de fonctionnaires. Nous sommes huit millions d’habitants, et nous avons pas moins de 72 commissions scolaires! Et malgré ça, il y a des bureaux régionaux du ministère de l’Éducation. Même histoire dans le domaine de la santé, on crée des mégahôpitaux pour faciliter la gestion, mais on préserve les agences régionales de santé. Voilà deux exemples flagrants de dédoublements.
Pensez-vous que le gouvernement Couillard aura la volonté politique de faire une telle réorganisation administrative?
Je serai en meilleure position pour vous répondre dans un an ou deux, il est trop tôt. Mais ce que je peux dire au nouveau gouvernement, c’est que c’est maintenant qu’il faut le faire. Des milliers de personnes prendront leur retraite dans la prochaine décennie, ça permet de faire des changements sans avoir à faire des mises à pied massives.
Parlant de grands changements, estimez-vous que nous avons encore beaucoup à faire pour devenir une société valorisant l’entrepreneuriat?
De fait, nous sommes encore très frileux lorsque vient le temps d’investir dans des start-ups (entreprises en démarrage). Et pourtant, nos institutions bancaires sont solides, mais elles craignent le crédit à risque. Le risque fait partie du développement de l’entrepreneuriat, tout comme les faillites… Ici, dès qu’un entrepreneur fait faillite, on le traite comme un «pas bon». Alors qu’aux États-Unis, pour être crédible, il faut avoir fait faillite au moins une fois ou deux! Sinon, on juge que tu n’as pas l’expérience nécessaire.
Que faut-il faire selon vous pour changer les mentalités?
Je crois qu’elles sont déjà en train de changer. Ça peut sembler anodin, mais le succès de l’émission télévisée Dans l’œil du dragon révèle bien l’intérêt des Québécois pour les start-ups. Mais ça prend du temps. Nous sommes un peuple relativement jeune, et notre passé est surtout basé sur le modèle des travailleurs salariés. Plus il y aura d’entrepreneurs, plus ça incitera la relève à se lancer.
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Réflexion sur Montréal
Yves-Thomas Dorval est d’avis que la structure administrative de la Ville de Montréal n’est pas «optimale».
- Inspiré par la suggestion de la Coalition avenir Québec de diminuer le nombre de maires d’arrondissement, M. Dorval ne croit pas pour autant qu’il faille se lancer dans de grandes restructurations municipales.
- «Le débat sur la fusion et la défusion est trop récent, mais à terme, il faudra rendre la structure plus performante et moins coûteuse», ajoute-t-il.