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Les gaz de schiste de retour par la porte de derrière?

Photo: Collaboration spéciale

On a beaucoup parlé ces derniers temps des errances gouvernementale dans le dossier des bélugas, mais très peu de nouveau Règlement sur le prélèvement des eaux et leur protection. Et pour cause, il a été promulgué en pleine vacances de la construction. Pourtant il ouvre la porte au retour de l’exploitation des gaz de schiste, déplorent notamment des environnementalistes qui débattront lundi soir de cette question à l’Université du Québec à Montréal dans le cadre d’une conférence. Entrevue avec l’un des conférenciers, Richard E. Langelier, juriste et sociologue.

Quels problèmes posent la nouvelle réglementation sur l’eau adoptée en août dernier?
Le principal problème, c’est qu’elle ne protège absolument pas les sources d’eau potable en imposant des distances séparatrices insuffisantes entre les puits gaziers et pétroliers  et les sources d’eau potable. De plus, en enlevant aux municipalités toute compétence pour régler ces questions, dont celles des puisements d’eau réalisés sur leur territoire, le gouvernement favorise aussi la transformation de nos campagnes, où se feront les forages pétroliers et gaziers, en usine à ciel ouvert, et ce, sans que les populations concernées n’aient leur mot à dire. Il faut savoir que les puits artésiens ou de surface constituent la principale, et très souvent l’unique, source d’eau des municipalités rurales (soit la très vaste majorité des municipalités québécoises). Par ailleurs, en vertu des dispositions qui lient contractuellement les agriculteurs (qui ont consenti à des forages gaziers sur leur propriété) aux sociétés gazières, ces dernières peuvent creuser des puits et recueillir tout l’eau dont elles ont besoin (pour faire une fracturation hydraulique, il faut en moyenne près de 20 millions de litres d’eau, parfois plus).Des citoyens pourraient donc littéralement manquer d’eau à cause des besoins et exigences des sociétés gazières et pétrolières.

 Que vous indique le contexte dans lequel l’annonce a été faite?
Comme nous l’avons exprimé dans notre étude, cela traduit un biais en faveur des sociétés pétrolières et exprime la volonté du gouvernement de réduire le débat public à sa plus simple expression. Surtout, cela montre la volonté gouvernementale d’accélérer la transformation du Québec en pétroéconomie. Pour ce faire, le gouvernement est prêt à sacrifier Anticosti, à transformer le fleuve Saint-Laurent en boulevard pour pétroliers, à mettre en danger des espèces menacées, comme à Cacouna, à reprendre l’exploitation du gaz de schiste dans la vallée du Saint-Laurent, à quadriller le territoire de pipelines et à menacer la pêche, le tourisme et les autres activités économiques, comme on il le fait à Gaspé. Dernier problème significatif de cette réglementation qui, en principe, porte sur les captages d’eau: elle introduit de façon incongrue des règles qui ont trait à la fracturation hydraulique, sans même attendre les conclusions des études, des commissions et des débats en cours.

Quelles sont les conséquences possibles de cette nouvelle réglementation?
Les études scientifiques montrent que les puits d’eau potable situés à la distance séparatrice prévue au règlement sont généralement contaminés par les hydrocarbures, surtout le méthane dit thermogénique (qui vient des grandes profondeurs et découle le plus souvent des forages pétroliers ou gaziers horizontaux  avec ou sans fracturation hydraulique, les seuls possibles au Québec en l’absence de gisements conventionnels). Or, une contamination aux hydrocarbures est irréversible dans l’état actuel des connaissances. Des conséquences très graves peuvent donc découler de cette réglementation qui a été faite sur mesure pour permettre les développements pétroliers à Anticosti et à Gaspé, mais qui va s’appliquer pour tous les gisements non conventionnels à venir.

Que recommandez-vous?
Il faut revoir d’urgence cette réglementation avant qu’elle ne conduise à des désastres et soit cause de préjudices sérieux pour les populations concernées. Il faut aussi que les élus municipaux utilisent toutes les règles à leur disposition pour imposer des normes plus sévères, ce que permet la loi lorsque le gouvernement l’autorise. Déjà, une trentaine de maires et d’élus se sont rencontrés et ont décidé d’aller dans ce sens et invitent les autres municipalités à emboîter le pas. C’est encourageant. Au total, il faut une mobilisation importante de la population, des organisations citoyennes et des groupes écologistes pour exiger du gouvernement québécois des règles plus sévères.

L’eau et les hydrocarbures au Québec
Lundi 29 septembre, salle DR-200 de l’UQAM, de  18h30 – 21h

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