Anya Pogharian, jeune inventrice qui souhaite sauver des vies
C’est en faisant du bénévolat à l’Hôpital général de Montréal (HGM) qu’Anya Pogharian, alors âgée de 16 ans, a eu l’idée de créer un prototype qui pourrait sauver la vie à des gens moins fortunés.
L’insuffisance rénale chronique est une maladie très répandue dans le monde, qui entraîne une diminution progressive du fonctionnement des reins.
Selon la Fondation canadienne du rein, environ un Canadien sur 10 est atteint d’une forme d’insuffisance rénale. Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la Santé s’inquiète du manque d’accès à des traitements dans les pays pauvres.
«Dans plusieurs pays en développement, les gens atteints d’insuffisance rénale meurent parce qu’ils n’ont pas accès à des traitements, notamment parce qu’ils sont trop chers», souligne Anya lorsque Métro la rencontre chez elle à Montréal.
L’hémodialyse, l’un des traitements pour l’insuffisance rénale terminale, nécessite une machine qui coûte en moyenne 30 000$ dans les hôpitaux, selon la Dre Catherine Weber, néphrologue à l’HGM. Anya s’est mis en tête d’en répliquer le processus à peu de frais. Son prototype lui a finalement coûté 500$.
«La machine agit comme un rein artificiel en filtrant le sang, explique Anya, qui s’est procuré la majorité des pièces sur l’internet. Le sang entre d’un côté et il est poussé par une pompe jusque dans le filtre, aussi appelé dialyseur, qui contient environ 10 000 fibres fines. De l’autre côté, c’est le dialysat qui est poussé jusque dans le filtre. C’est un liquide prescrit par le médecin, contenant la concentration adéquate en électrolytes en fonction du niveau de filtration des reins du patient. En contact avec le liquide dans le dialyseur, les déchets vont sortir du sang par osmose.»
Son plus grand défi a été d’écrire le code informatique pour indiquer au circuit électrique comment contrôler la pression et les bulles d’air. «C’est important pour la sécurité des patients, souligne l’étudiante de première année au collège Marianopolis. J’ai donc fait en sorte que, si la pression est trop élevée ou trop basse, les pompes vont automatiquement changer de vitesse pour la ramener à la normale. De plus, si des bulles d’air sont détectées dans le liquide, le circuit va arrêter complètement.»
Si une jeune fille de 16 ans a réussi à faire un prototype à aussi peu de frais, comment se fait-il que les entreprises de haute technologie ne l’aient toujours pas fait? «Il y a beaucoup de profits à faire et les compagnies le savent», avance comme hypothèse Anya.
La jeune femme souhaite perfectionner son prototype, en présenter de nouvelles versions et le breveter. Cet été, elle va aller faire du bénévolat dans des cliniques mobiles au Pérou avec l’organisme Medlife. «Je vais peut-être revenir avec des nouvelles idées», lance-t-elle.
Prometteur, selon des spécialistes
L’appareil d’Anya fonctionne, mais purifie-t-il correctement le sang? Elle aura l’occasion, cet été, de le tester avec du sang humain. Héma-Québec s’est intéressé à son travail et lui a offert un stage d’environ une semaine pour mener des tests en laboratoire.
«C’est une machine très intéressante, mais il reste des réponses à obtenir avant qu’on puisse l’utiliser, affirme Louis Thibault, directeur en recherche et développement à Héma-Québec. On veut aussi lui donner des contacts afin qu’elle puisse pousser son projet plus loin, par maillage avec une compagnie d’appareils biomédicaux, par exemple.»
La Dre Catherine Weber, qui a conseillé Anya au début de ses démarches, ne tarit pas d’éloges sur la jeune inventrice. «Quand elle est arrivée avec cette idée, je n’étais pas certaine que c’était possible, admet la néphrologue (spécialiste des maladies du rein) à l’Hôpital général de Montréal. J’ai été très impressionnée par le résultat.»
La Dre Weber croit que son prototype est un premier pas prometteur vers une plus grande accessibilité de l’hémodialyse. «Elle a assurément une carrière incroyable devant elle», a-t-elle prédit.
Grâce à son invention, Anya Pogharian a remporté plusieurs prix à l’Expo-sciences 2014, dont la médaille de bronze à la finale pancanadienne et une bourse de recherche à l’Université d’Ottawa.