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Patricia Jean, modèle de fierté(s)

Photo: Daphné Caron/collaboration spéciale

Chaque année, le Mois de l’histoire des Noirs nous rappelle les étapes qui ont mené à l’émancipation des communautés noires. Pour souligner le chemin qui reste à parcourir, Métro publiera tout au long de février les portraits de Montréalais qui travaillent à ce que le racisme, la discrimination et les inégalités deviennent de l’histoire ancienne. Notre série commence avec le portrait de Patricia Jean, directrice générale de l’organisme Arc-en-ciel.

Durant la Semaine de la fierté gaie, Patricia Jean sensibilise la communauté gaie, lesbienne, bisexuelle et trans à la réalité des personnes noires. Mais durant le Mois de l’histoire des Noirs, c’est à la communauté afro-caribéenne de Montréal qu’elle s’adresse, en tant que femme homosexuelle. Patricia, qui est née en Haïti, fait partie des deux communautés. À l’organisme Arc-en-ciel d’Afrique, dont elle est la directrice générale depuis un peu plus d’un an, on se trouve pile à l’intersection des questions de race et d’identité sexuelle.

«Si vous cherchez des modèles homosexuels noirs, vous allez tomber sur mon nom ou sur celui de ma prédécesseure! raconte-t-elle. Moi, quand j’étais plus jeune et que je cherchais à m’identifier, je ne trouvais aucun modèle dans les médias. Or, sans modèle, c’est difficile de se construire, de se définir. Si on ne voit pas qu’une chose existe, on pense qu’elle n’existe pas. Pour moi, un homosexuel, c’était un homme blanc efféminé.» C’est ainsi que Patricia a longtemps pensé que seuls les Blancs pouvaient avoir une homosexualité émancipée.

Par ailleurs, les personnes issues des communautés afro-caribéennes peuvent aussi ressentir de l’exclusion au sein de la communauté gaie. «Il y a du racisme dans la communauté LGBT, mais pas plus que dans la communauté québécoise en générale», relativise Patricia. Une étude de l’UQAM portant sur les hommes noirs ayant des relations sexuelles avec des hommes a révélé par exemple que les hommes noirs peuvent être hypersexualisés dans la communauté gaie, mais qu’ils sont rarement considérés comme des partenaires amoureux potentiels.

«Le fait d’être homosexuels nous invalide dans nos communautés noires, et le fait d’être noir peut nous invalider dans la communauté LGBT», résume Patricia. Résultat: comme dans toute situation de discrimination, les personnes qui en sont victimes sont fragilisées, et leur estime personnelle en souffre.

La confiance qu’elle transpire, c’est lorsqu’elle a fait son coming out à sa famille et à ses amis, à la suite du décès de sa belle-mère, que Patricia l’a trouvée. «J’ai réalisé qu’on n’a qu’une vie à vivre et que je n’avais pas envie de vivre la mienne cachée.» Depuis, elle tente d’être un modèle de femme, de lesbienne et de Noire dans toutes les occasions. «Je siège à plusieurs CA, et des amies me disent qu’elles ne voient pas beaucoup de femmes noires s’impliquer autant. Il y a aussi des personnes noires qui ont intériorisé des stéréotypes négatifs sur les Noirs, et je me donne pour mandat de contrer ça.»

Patricia poursuit ses études en gestion philanthropique pour continuer à outiller les personnes marginalisées. Et pour être un modèle de femme noire et lesbienne.

Le festival Massimadi, du 17 au 28 février
Durant le Mois de l’histoire des Noirs, Arc-en-ciel d’Afrique présente le festival de films Massimadi, dont le nom est la réappropriation de deux insultes homophobes, massissi et madivine, en créole. Le festival, qui en est à sa septième édition, présente une quinzaine de films provenant des quatre coins du monde. Cette année, le film Stories of our Lives montrera la réalité de personnes LGBT au Kenya dans une rare présentation, puisque la vie des protagonistes a été en danger après une première projection. Malheureusement, peu de films québécois semblent s’intéresser à la réalité des personnes noires et homosexuelles. Un enjeu qui fera l’objet d’une discussion dans le cadre de Massimadi.

Arc-en-ciel d’Afrique
L’organisme Arc-en-ciel est ouvert au public les vendredis après-midi et organise des causeries le dernier vendredi de chaque mois.

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La suite de notre série
Les portraits à lire ces trois prochains mercredis:

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