De plus en plus de bébés traités pour la «tête plate»
En sept ans, soit de 2005 à 2012, le nombre d’enfants ayant porté une orthèse crânienne couverte par la RAMQ a été multiplié par 7, passant de 241 à 1753. Le problème de «tête plate» qu’elle corrige pourrait pourtant être évité, croient des médecins de l’hôpital Sainte-Justine.
Le Dr Pierre Marois estime que, chaque semaine, il voit une trentaine de bébés de quelques mois atteints de plagiocéphalie, c’est-à-dire qu’ils ont le côté ou l’arrière du crâne aplati de façon importante.
«Depuis 25 ans, on recommande aux parents de coucher leurs bébés sur le dos pour éviter la mort subite du nourrisson. Sauf qu’on n’a pas changé notre fusil d’épaule au sujet de la dureté du matelas, estime ce physiatre de l’hôpital Sainte-Justine. En étant appuyé de longues heures sur un matelas dur, le crâne encore mou du bébé peut se déformer.»
Dès l’apparition des premiers signes de plagiocéphalie, le Dr Marois recommande aux parents d’ajouter une coquille plus moelleuse sur le lit de leur enfant.
Sa collègue la Dr Marie Laberge croit de son côté que les matelas ne sont pas seuls en cause. «J’observe une augmentation du nombre de cas depuis cinq à huit ans. Ça coïncide avec l’arrivée des combos poussette/siège de bébé/siège d’auto, qui font que les bébés ont la tête appuyée dans une chaise toute la journée», a-t-elle souligné.
Mme Laberge est convaincue qu’au moins 80% des cas de plagiocéphalie pourraient être évités si les parents transportaient davantage leurs bébés dans leurs bras ou dans des sacs porte-bébé.
De son côté, le Dr Marois estime que l’augmentation du nombre de cas transmis aux spécialistes peut être due à une reconnaissance de plus en plus fine du problème et de l’efficacité d’un traitement qui lui est associé, soit l’orthèse crânienne.
Le coût total des remboursements d’orthèses crâniennes par l’État a ainsi été multiplié par dix en sept ans, passant de 93 828$ en 2004-2005 à près d’1 M$ (984 818$) en 2011-2012. Ce sont aujourd’hui six centres de santé qui peuvent facturer à la RAMQ ces orthèses d’un coût unitaire moyen de 561,79$, alors que l’Hôpital Sainte-Justine était le seul à pouvoir le faire en 2005.
Un traitement de plus en plus reconnu
Océane, huit mois, doit porter son «casque» contre la plagiocéphalie pendant deux mois et demi.
Sa mère, Stéphanie Leroux, fait partie des 50% de parents fréquentant l’Hôpital Sainte-Justine qui, selon le Dr Marie Laberge, choisissent ce traitement pour traiter le problème de «tête plate» de leur enfant.
«Les parents ne devraient pas hésiter à faire porter le casque à leur enfant, a témoigné Mme Leroux. C’est deux mois et demi de désagrément pour qu’il ait ensuite une belle petite tête ronde. Ça fait un mois, et on voit déjà des changements positifs.»
La plagiocéphalie est un problème essentiellement esthétique, puisque rien ne démontre qu’elle aurait un effet sur le cerveau de l’enfant. «Si on ne traite pas ces enfants, leur déformation va paraître toute leur vie et ça peut avoir des impacts sociaux importants sur eux, a toutefois prévenu le Dr Pierre Marois. Par ailleurs, c’est rare que le casque cause des complications, et il y a des améliorations dans 100% des cas. La plupart des parents reviennent en disant que c’était facile.»
C’est le cas non seulement des parents d’Océane, mais aussi de ceux du petit Malcolm. «Malcom ne faisait pas de réaction cutanée, s’adaptait bien à son casque, et je commencais à lui trouver un air coquin avec son orthèse crânienne», a raconté sa mère, Marie-Ève Alarie, qui se dit également satisfaite des résultats.
Les casques, qui doivent être portés 23 heures sur 24, agissent comme un moule alors que la tête du bébé grossit. La plagiocéphalie se traite aussi par la physiothérapie, grâce à divers exercices de positionnement du bébé. «C’est une demande en croissance. On voit de 400 à 500 bébés par année», a affirmé Carlo Galli, physiothérapeute à l’Hôpital de Montréal pour enfants.
Bien que la situation semble se corriger pour sa fille, Mme Leroux aurait aimé être mieux informée des mesures à prendre pour éviter le problème. «Dans les cours prénataux et à l’hôpital, personne ne nous a conseillé de mettre un revêtement mou sur le matelas ou de tenir davantage le bébé dans nos bras», s’est désolée la jeune mère.
«Si jamais on a un deuxième enfant, je vais mettre un matelas coquille sur son lit dès les premiers jours de vie», a pour sa part affirmé Mme Alarie.