Lobbyisme:des soupes populaires devront s'inscrire
MONTRÉAL – Des groupes sociaux sonnent l’alarme face au projet de loi déposé vendredi par le ministre Jean-Marc Fournier, affirmant qu’il contraindra des soupes populaires, des clubs de lecture et des associations de patinage artistique à s’inscrire au registre des lobbyistes, comme les lobbyistes d’entreprises.
Quelques-uns de ces groupes ont rencontré la presse, vendredi après-midi à Montréal, après avoir pris connaissance du projet de Loi sur la transparence en matière de lobbyisme, qui a été déposé par le ministre responsable de la Réforme des institutions démocratiques.
Selon leur interprétation, tout organisme sans but lucratif (OSBL) qui, pour financer ses activités ou obtenir une politique gouvernementale, cherchera à rencontrer un élu, un maire, un titulaire de charges publiques, devra s’inscrire au registre.
Mario Tardif, du Regroupement des aidants naturels du Québec, ne comprend pas pourquoi les aidants naturels sont ainsi associés aux lobbyistes d’entreprises.
«On a beaucoup de petits groupes, qui sont des groupes d’entraide, qui sont des groupes de citoyens, qui n’ont même pas de permanence, qui ont juste une personne à temps partiel qui vient donner un coup de main au secrétariat. Et ça veut dire que ces groupes de citoyens-là, s’ils veulent aller parler, témoigner à leur député de la réalité des personnes aidantes et de leurs besoins, et des changements qui doivent être faits, ils vont devoir s’inscrire au registre. C’est comme leur enlever la capacité de prendre la parole et d’intervenir publiquement», s’exclame-t-il, incrédule.
Il en serait de même pour des groupes de défense des personnes atteintes du VIH ou des maisons d’hébergement pour femmes victimes de violence qui réclament une politique gouvernementale, affirment ces groupes.
Selon eux, le projet de loi va beaucoup trop loin en associant les véritables lobbyistes qui travaillent pour des promoteurs ou des entreprises qui veulent obtenir des contrats, une modification de zonage ou le changement d’un règlement — souvent pour des raisons pécuniaires — à des groupes qui ne font que représenter des jeunes victimes d’intimidation ou des consommateurs endettés.
Mercédez Roberge, coordonnatrice de la Table des regroupements provinciaux d’organismes communautaires et bénévoles, dénonce «l’illogisme de considérer une soupe populaire, un club de lecture ou un organisme d’entraide comme un lobby».
«C’est un non-sens tout simplement d’inclure et de qualifier de lobbyistes des organisations qui sont des organisations citoyennes, qui sont là pour des objectifs qui ne sont pas lucratifs et de les qualifier ainsi aux yeux de la population et aux yeux des titulaires de charges publiques. Ça va changer complètement le rapport entre la population et les OSBL», ajoute Mme Roberge.
Ces groupes croient que ce sont les lobbyistes qui se sont plaints au gouvernement du fait que les OSBL n’avaient pas à s’inscrire, comme eux doivent le faire, bien qu’ils aient à rencontrer parfois un représentant gouvernemental pour obtenir du financement ou revendiquer l’adoption d’une politique.
Ces groupes croient qu’en inscrivant au registre d’innombrables représentants d’OSBL — il en existe 60 000 au Québec — cela contribuera à noyer les lobbyistes d’entreprises dans une très longue liste de gens qui font des représentations pour diverses causes sociales, humanitaires, de loisir, d’éducation et autres.