Le CSF propose de décriminaliser les prostituées
MONTRÉAL – Le Conseil du statut de la femme souhaite que l’on décriminalise les prostituées, mais que l’on punisse les clients et les proxénètes.
Dans un avis de 150 pages qu’il a dévoilé jeudi à Montréal, il demande au gouvernement du Québec de faire pression sur le gouvernement fédéral pour modifier le Code criminel à cet effet.
Au cours d’une rencontre avec la presse pour présenter son avis, la présidente du CSF, Julie Miville-Dechêne, a expliqué qu’elle ne croit pas que la légalisation de la prostitution soit la solution.
Elle se dit convaincue que la majorité des femmes ne font pas ce métier vraiment par choix et qu’elles continueraient d’être en danger et exploitées, même dans des maisons de débauche encadrées.
«À première vue, la légalisation de la prostitution est bien sûr une solution qui semble attrayante, mais dans les faits, tous les pays qui ont essayé cette voie, que ce soit les Pays-Bas ou l’Australie, ont fait fausse route. Ce que ça a donné, c’est plus de prostituées, plus de traite humaine, c’est-à-dire plus de déplacements de femmes et de jeunes filles d’un pays à l’autre, et aussi tout un secteur au noir, car comme le crime organisé et les gangs sont ceux qui profitent le plus de ce trafic, l’idée de payer des impôts et d’être dans des bordels légaux n’est pas vraiment à la mode dans ces milieux-là», a rapporté Mme Miville-Dechêne.
Aussi, le Conseil du statut de la femme demande au Québec de généraliser l’implantation de services spécialisés pour aider les prostituées à sortir du milieu, qu’il s’agisse de maisons d’hébergement, de services en toxicomanie ou de services de réinsertion sociale.
Mme Miville-Dechêne se dit consciente du fait que certaines prostituées préféreront rester dans le milieu; elle admet ne pas représenter le point de vue de la totalité d’entre elles. «Le mouvement féministe est divisé», avoue-t-elle.
Le Conseil du statut de la femme plaide aussi en faveur d’une campagne d’information auprès du public afin de changer les mentalités et de cesser de banaliser la prostitution en y voyant un emploi comme un autre.
Assises aux côtés de Mme Miville-Dechêne, deux anciennes prostituées sont venues témoigner de ce qu’elles ont vécu.
«J’ai commencé à travailler comme danseuse quand j’étais à l’université, en 2e année à Toronto pour arrondir les fins de mois. Je ne consommais pas de drogue, pas beaucoup d’alcool. Ça s’est terminé par un cauchemar; j’étais au bord de la folie. J’étais devenue alcoolique. Quand ça a basculé de l’autre côté, je me suis aperçue que les dommages étaient irréversibles. Je n’ai jamais terminé l’université. J’ai vécu 10 ans de violence conjugale. J’ai consommé de l’héroïne par voie intraveineuse pendant 15 ans. Quand j’ai arrêté, après deux ans, j’ai réalisé que j’avais des séquelles permanentes, au niveau de la mémoire à court terme, à long terme, un choc post-traumatique. Je ne suis pas capable d’avoir une sexualité normale. Aussitôt que quelqu’un me touche, ça fait des flashbacks», a relaté Nancy.
Maintenant qu’elle est sortie de son enfer, elle conclut: «je suis aussi traumatisée que quelqu’un qui a fait la guerre».