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Un dernier exercice pour départager 4 chefs

Le cinquième et dernier débat des chefs de la campagne électorale fédérale, vendredi soir, a poussé Stephen Harper à faire une déclaration surprenante sur les armes à feu, tandis que la question du niqab a, encore une fois, donné lieu aux échanges les plus enflammés.

«M. Harper, je trouve que vous avez du cran (…) de parler de défense du droit des femmes. Il y a plus d’hommes dans votre caucus qui sont contre l’avortement que de femmes qui portent le niqab au Québec», a attaqué Justin Trudeau, demandant au chef conservateur de dire s’il était pour ou contre le choix en matière d’avortement.

Le premier ministre sortant n’a pas voulu répondre, alors que le chef libéral soulignait les valeurs québécoises qui lui semblaient loin des valeurs conservatrices: mariage gai, droit à l’avortement, aide médicale à mourir.

«Il n’y a personne ici qui est pro-niqab. (…) M. Harper, vous jouez un jeu dangereux», a repris Thomas Mulcair.

«Vous êtes en train d’utiliser comme cible, comme bouc émissaire, une communauté pour faire de la politique sur leur dos. C’est indigne pour un premier ministre de jouer ce jeu-là contre une minorité», a ajouté le chef néo-démocrate, s’attaquant toujours au chef conservateur et reprenant ainsi des arguments présentés plus tôt cette semaine par Françoise David, députée de Québec solidaire à l’Assemblée nationale.

«Votre position est déconnectée des opinions du Canada et des Québécois», a rétorqué Stephen Harper à M. Mulcair. Puis, le chef conservateur a déclaré qu’il étudierait la possibilité d’étendre l’interdiction du niqab à la réception de services gouvernementaux. Ceci lui a valu un «c’est de l’hypocrisie», lancé par Gilles Duceppe.

Le chef bloquiste a rappelé que le gouvernement conservateur avait eu l’occasion de légiférer sur le niqab dans la fonction publique fédérale et a refusé de le faire.

Avant cet échange houleux sur le niqab, les quatre chefs étaient invités à parler de contrôle des armes à feu.

C’est là que, traqué par M. Trudeau qui lui reprochait de ne pas avoir signé un traité international sur le commerce des armes et qui l’accusait d’être «toujours dans la poche du lobby canadien et américain des armes à feu», M. Harper a fait une déclaration surprenante.

«On est en consultation avec l’industrie», a lâché M. Harper pour expliquer pourquoi ce traité n’était pas signé par le Canada, semblant donner raison à l’accusation du chef libéral sur le copinage entre le gouvernement conservateur et le lobby des armes.

Avant d’être invités à s’aventurer sur ces terrains par l’animateur du réseau TVA Pierre Bruneau, les chefs avaient discuté d’économie, de sécurité et de la mission militaire contre le groupe armé État islamique.

Thomas Mulcair et Justin Trudeau se sont affrontés sur la question des budgets équilibrés ou déficitaires, menant ou non à des augmentations de taxes et d’impôts.

Alors que le chef libéral accusait son rival néo-démocrate de vouloir à tout prix équilibrer les prochains budgets, sacrifiant ainsi des programmes tout comme M. Harper, le leader du Nouveau Parti démocratique (NPD) a rétorqué en rappelant que depuis 2006, les libéraux ont donné leur appui au gouvernement conservateur à quelques reprises.

«Dans ma famille, on a toujours dit que les actions parlent plus fort que les paroles», a lancé M. Mulcair à M. Trudeau, rappelant les votes libéraux en appui au gouvernement conservateur.

M. Harper a tenté, quant à lui, d’esquiver une question du chef bloquiste Gilles Duceppe dans le face-à-face suivant.

«Je voudrais savoir si la gestion de l’offre va être préservée de façon intacte», a demandé, encore une fois, M. Duceppe au premier ministre sortant, faisant référence aux négociations en cours sur le Partenariat transpacifique, entente de libre-échange entre 12 pays.

«On va préserver ce système», s’est contenté de répéter M. Harper alors que M. Duceppe lui reprochait d’esquiver la question, répétant «de façon intacte?» à quelques reprises, sans obtenir de réponse plus précise.

Le chef bloquiste n’a pas non plus ménagé le chef conservateur sur la question environnementale.

«M. Harper, ne tentez pas de passer pour quelqu’un qui est respectueux de l’environnement. Ce qui vous importe avant tout, c’est le développement des sables bitumineux», a lancé M. Duceppe au premier ministre sortant alors que MM. Trudeau et Mulcair s’échangeaient des accusations, le premier reprochant au second de ne pas avoir de «plan» tandis que le second reprochait au premier de ne pas avoir de «cible» pour la réduction des émissions des gaz à effet de serre.

M. Harper, lui, s’en est pris au projet du chef libéral d’aller à la conférence de Paris, en décembre, accompagné des premiers ministres des provinces et des territoires. «Vraiment, on va arriver à Paris avec une délégation de 14 pour négocier? Sérieusement?», a tenté de railler le chef conservateur.

Stephen Harper s’est également retrouvé sur la défensive lorsqu’est venu le temps d’aborder la question de la gouvernance. Et c’est Thomas Mulcair qui a été le plus incisif de tous.

«Sur un ensemble de dossiers, c’est scandale après scandale. (…) C’est une plaque tournante de corruption et de favoritisme, votre bureau du premier ministre. Vous aviez promis de changer les choses à Ottawa, Ottawa vous a changé», a-t-il accusé.

Sur la question de la mission militaire contre le groupe armé État islamique, les chefs ont été invités à se prononcer sur la possibilité d’envoyer des troupes au sol.

Justin Trudeau a affirmé que Stephen Harper, qui «veut toujours envoyer les troupes faire la guerre», était actuellement «sur une pente très glissante pour les troupes au sol».

Le chef néo-démocrate Thomas Mulcair a semblé partager cette lecture, rappelant le décès d’un soldat qui a été victime d’un tir ami alors qu’il se trouvait au front près de Mossoul, en Irak. Il a souligné que les néo-démocrates étaient «fiers» d’être une «voix raisonnable pour la paix».

Le leader bloquiste Gilles Duceppe s’est catégoriquement opposé à l’envoi de troupes au sol, mais il est néanmoins en faveur de l’intervention militaire contre les combattants de l’État islamique. Il a dit ne pas comprendre comment on pouvait s’y opposer dans les circonstances.

Ce cinquième et dernier débat aura donc donné lieu à des échanges corsés. On a même eu le droit à une déclaration d’amour, le temps d’un lapsus.

«C’est une leçon d’histoire, mon amour», a lâché Justin Trudeau à l’intention de son rival bloquiste pendant le débat sur la sécurité, avant de se corriger, confiant qu’il avait l’habitude de querelles avec sa conjointe Sophie.

À la sortie du débat, Gilles Duceppe a tenu à mettre les pendules à l’heure. «Justin et moi avons l’intention de faire pays à part», a-t-il dit, sourire en coin.

La joute oratoire a eu lieu alors que les sondages témoignent d’importantes fluctuations dans les intentions de vote au Québec.

Les appuis au NPD, qui semblait être en bonne posture pour remporter une majorité de sièges québécois au début de cette longue campagne électorale, ont fondu au cours des derniers jours.

La glissade des néo-démocrates semble profiter au Bloc québécois et au Parti conservateur depuis l’irruption du débat sur le port du niqab lors des cérémonies de citoyenneté.

Les bloquistes veulent interdire le niqab à ces cérémonies, tout comme une écrasante majorité de Québécois. Les conservateurs, qui ont été les premiers à attirer l’attention sur le niqab pendant cette campagne, ont également vu grimper leurs appuis au Québec.

La leader du Parti vert du Canada, Elizabeth May, n’avait pas reçu de carton d’invitation pour l’événement, pas plus que le chef du jeune parti Forces et Démocratie, Jean-François Fortin.

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