Quand le Québec prend le sens inverse de la Suède
La réforme du système de santé entamée par le ministre Gaétan Barrette se dirige dans la mauvaise direction, soit dans le sens contraire de celle effectuée en Suède avec succès, expose Stéphane Paquin, directeur du Groupe d’études et de recherche sur l’international et le Québec, dans un nouveau chapitre de son ouvrage Social-démocratie 2.1. Le Québec comparé aux pays scandinaves, publié le mois dernier.
Pourquoi s’y comparer?
En Suède, les coûts du système de santé sont moins élevés et la qualité des soins est meilleure, rapporte M. Paquin. Le taux de croissance des dépenses publiques dans la santé y a été de 3 % en moyenne en 2001 et 2009, comparativement à 6,3 % au Québec, même si sa population est plus âgée et plus nombreuse. M. Paquin a calculé, à partir des chiffres de 2008 de l’OCDE, que le Québec économiserait 3,5 G$ par année s’il dépensait comme la Suède dans le domaine de la santé.
Ce succès est attribuable à une série de réformes majeures entreprises depuis les années 1980. Ainsi, le système de santé suédois est passé de l’un des plus onéreux de l’OCDE à l’un des moins chers.
Décentralisation efficace
«Ce qui a été déterminant, dans le succès des réformes, a été de décentraliser et de donner beaucoup plus d’autonomie aux gestionnaires d’hôpitaux», a affirmé M. Paquin en entrevue avec Métro. C’est l’inverse de la réforme Barrette, qui a fusionné plusieurs organismes et centralisé le pouvoir au ministère.»
Ce sont les régions qui taxent les citoyens pour financer les soins de santé. Les gestionnaires d’hôpitaux sont même élus, ce qui ferait en sorte qu’ils se sentent davantage redevables à la population, qui est sensible à la hausse des impôts.
En contrepartie, la performance des hôpitaux en matière de qualité des soins et de contrôle des coûts est évaluée par des agences indépendantes. «Ils ont moins de directives, de procédures, de paperasse, ils sont plus libres de s’adapter aux besoins des populations locales, mais ils sont contrôlés sur les résultats», a souligné le professeur de l’École nationale d’administration publique.
Peu de place au privé
Les Suédois ont davantage contenu l’expansion du réseau privé que les Québécois. Or, M. Paquin estime que le recours au privé a un effet inflationniste sur les dépenses dans la santé.
«Si les gens ont une assurance privée qui leur permet de consommer des soins comme ils le veulent, ils vont surconsommer. Et comme le but des entreprises privées est de faire du profit, les coûts sont trop élevés», explique le chercheur.
«Au Québec, quand on permet qu’une opération de la hanche ou une radiographie faite au privé soit remboursée par l’État parce que c’est trop long dans le régime public, on fait en sorte que le réseau privé soit de plus en plus important», argue M. Paquin.
«Quand je fais des conférences, les hauts fonctionnaires et les politiciens me disent : on voudrait être comme eux, mais ce serait trop exigeant.»
Le Québec en retard
Quand le Québec va dans la même direction que la Suède, il est loin derrière. C’est notamment le cas en ce qui a trait à la délégation de tâches aux infirmières, la proportion de soins à domicile, le financement qui suit le patient et l’informatisation du système de santé.
«Depuis longtemps, ils documentent électroniquement tout ce qui se passe. Ils peuvent comparer les coûts de 500 interventions médicales, repérer les hôpitaux qui ont les meilleures pratiques et s’inspirer de ces derniers», a rapporté M. Paquin.
Il souligne que les médecins suédois sont des employés de l’État, contrairement au Québec, où ils sont payés à l’acte, et qu’ils sont plus nombreux, ce qui aurait pour effet de faire baisser leur salaire.