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Les terroristes intellectuels

Frédéric Bérard

Pas l’habitude de vous cacher des trucs, alors je ne commencerai pas aujourd’hui : j’ai cru, pendant un certain temps, être un woke. Du fait, bien entendu, de mes allégeances naturelles dites de gauche ou progressistes. Particulièrement celles afférentes aux luttes anti-racistes.

Jusqu’à ce que débat entourant l’emploi du mot débutant en N, à l’Université d’Ottawa.

Ironie ? Aucunement. Parce que bien qu’évidemment empathique à la sensibilité de la communauté noire, reste que la manière avec laquelle la prof en question (elle-même jadis une woke, me dit-on) s’est faite cavalièrement botter le cul hors l’autobus de la bien-pensance m’a, disons-le sans détour, franchement écœuré. Voilà dorénavant, comprenait-on, le néo-modus operandi du progrès social : quiconque en venait à transgresser la ligne établie à par un groupuscule de censeurs patentés et (surtout) fort en gueule, basta ! Non, on ne veut pas entendre ce que t’as à dire. Non, le fait que tu aies récemment suspendu ton cours afin de nous permettre d’assister à la manif de Black Lives Matter n’est d’aucune pertinence. Pas plus que le contexte académique, l’intention ou la bonne foi.

L’as-tu dit ou non, le mot en N ? Oui ?!? Alors pow! pow!, t’es mort(e)!, sinon joue pu. Pis t’es dans le trouble solide, parce que l’arbitre, du jeu, c’est-à-dire le recteur, me permet d’édicter, a posteriori à part ça, les règles applicables. Gnagnagnagnan, gnan!

Parlez-moi d’une belle manière de se mettre à dos les alliés naturels, notamment en censurant tacitement ou expressément les oeuvres majeures de porte-paroles de la cause. Les Laferrière et Césaire, pour seuls exemples. Curieuse stratégie.

L’affaire s’est ensuite déplacée, entre autres choses, sur la page professionnelle de mon ami Alain Roy, ardent défenseur d’une pléiade de causes pro-sans voix, animaux et enfants au premier chef. Le genre de mec qui, une fois enterré, risque fort de passer au rang des ambassadeurs regrettés. Le genre qu’on regrette, justement, parce que collectivement trop wabos afin de saisir la pertinence du message porté par le (dérangeant) guerrier.

Or, s’étant rangé du côté de la prof d’Ottawa en question, une poignée d’étudiant.es actuel.les, les siens!, devaient ensuite lui faire regretter le privilège accordé, soit de pouvoir commenter ses publications : doutes sur son intégrité professionnelle, insultes quasi-voilées, tout y passe. On n’est pas d’accord avec le prof Roy sur cet aspect précis?? À la casserole! Effacez-moi ce dissident que je ne saurais voir, incluant sur sa propre page! Staline et Mao? Du petit change.

Rebelotte ce weekend, où un membre de la garde rapprochée de l’OTIA (Organisation des Terroristes Intellectuels Assumés) devait lui sauter en pleine face le traitant d’hypocrite. La raison? Le Trotsky (des pauvres) avait eu l’outrecuidance de publier, même sans commentaire, une chronique de…Joseph Facal. Wouinwouinwouinwouin (bruit infernal des sirènes du convoi de l’OTIA dépêché sur place) : il a partagé une chronique d’un connard, vite, les missiles balistiques ! Prends des notes, mon Kim.

Une douzaine d’heures plus tard, re-rebelotte : l’Association des Libraires du Québec, dans la mire de l’OTIA pour avoir osé partager des suggestions de lectures de François Legault, dont le dernier livre de MBC, s’écrase à son tour, à grands coups de pardon mononc.

Selon une rumeur en provenance du Panthéon, l’urne de Voltaire aurait crié : Vous n’apprendrez donc jamais, bande d’imbéciles ?!? Merci, François-Marie. Dodo, maintenant. Les Wokes finiront bien, à coups de ridicules manœuvres, à s’effacer eux-mêmes.

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