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Des promesses réalisées malgré la pandémie, un bilan de la CAQ

François Legault en campagne électorale.
François Legault en campagne électorale. Photo: Denis Germain/Collaboration spéciale

Dans le Bilan du gouvernement de la CAQ, entre nationalisme et pandémie, quatre politologues de l’UQAM et de l’Université de Laval livrent un portrait complet des quatre ans du parti de François Legault au pouvoir. Un ouvrage qui aide à mieux comprendre ce qui fait la force du parti de François Legault, notamment auprès des électeurs francophones.

François Legault et la Coalition avenir Québec, avancent sereinement vers une réélection plus que probable. En tête avec une très large avance dans les intentions de vote, de plus de vingt points devant les libéraux, il semble peu probable de voir la CAQ échouer le 3 octobre prochain.

Alors… c’est quoi, le bilan de la CAQ? Elle veut «continuer», mais dans quelle direction? L’élection est-elle jouée d’avance?

Grâce à une forte part de promesses réalisées, le gouvernement sortant a réussi à maintenir un taux de popularité élevé.

Métro a rencontré Lisa Maureen Birch, professeure associée à l’Université Laval, membre du Centre d’analyse des politiques publiques (CAPP) et professeure au Cégep Champlain-Saint-Lawrence. Co-autrice de l’ouvrage qui paraîtra le 7 septembre prochain, elle a réalisé les bilans des gouvernements Couillard (2018) et Trudeau (2019). Elle nous livre des clés pour mieux comprendre le bilan de la CAQ, et ses perspectives d’avenir politique.

Qu’est-ce qui ressort des quatre ans du premier gouvernement caquiste?

Ce qui ressort, c’est que c’est un gouvernement qui malgré tout, malgré une pandémie, met beaucoup d’efforts pour tenter de réaliser le plus grand nombre de promesses possibles. Même si le premier ministre voulait un score de 100% de promesses réalisées, il n’y arrive pas. La CAQ a quand même aussi posé des gestes politiques en dehors des promesses méritoires. Par exemple, ils ont pris au sérieux les problèmes du féminicide et de la violence conjugale en créant une ligne spéciale pour l’aide juridique. Ils ont fait des publicités en marketing social pour sensibiliser la population aux problèmes et encourager les gens a aller chercher de l’aide.

Mais, certaines promesses qui étaient à l’avant-plan, comme la maternelle 4 ans, n’ont pas pu être réalisées pour la raison que des entreprises privées sont en difficulté actuellement. Il y a une pénurie de main-d’œuvre, surtout de personnel qualifié.

Dans quelle mesure la pénurie de personnel a limité le gouvernement?

On oublie souvent que l’État fournit des services aux citoyens qui exigent des ressources humaines hautement qualifiées. On l’a vu la semaine dernière avec le nombre d’enseignants manquant. [La pénurie] risque d’être un enjeu dans la campagne électorale. Ça crée une pression un peu partout. La promesse de régler le problème avec les garderies, il n’a pas pu le faire, car il manque du monde. On pourrait dire qu’il a quand même essayé d’aller de l’avant avec plusieurs promesses. Ce qui l’a peut-être aidé est le fait que plusieurs ministres sont restés en poste tout au long du mandat. Je pense que je comprends mieux son slogan, car quatre ans c’est bien peu de temps pour effectuer beaucoup de changements.

François Legault brandit régulièrement la pandémie face aux critiques sur son bilan, est-ce exagéré de sa part?

Pendant le mandat, [M. Legault] s’est rendu compte qu’on ne peut pas toujours tenir une promesse qui semble pourtant très simple et évidente, sans avoir plus de ressources en personnel. Pendant la pandémie, les frontières étaient fermées ou très peu poreuses, c’était difficile pour lui d’avoir l’immigration de main-d’œuvre comme solution. Quelque part, il est légitime de dire qu’il ne pouvait pas réaliser certaines promesses. La main-d’œuvre est clé, car dans les services publics, surtout les domaines de la santé et de l’éducation, ça prend du personnel qualifié. Pour l’attirer, il faut avoir des salaires et des conditions de travail intéressantes. La CAQ avait promis d’éliminer le temps supplémentaire obligatoire (TSO) [pour les professionnels de santé]. Mais le système était déjà sous pression et la pandémie a juste empiré les choses.

La CAQ a mis fin à des décennies d’alternance entre libéraux et péquistes. En quoi sa façon de faire de la politique est différente?

Ce qui a été très marquant dans le mandat de la CAQ, c’est la mise à l’avant plan du nationalisme. C’est en partie un retour au nationalisme autonomiste, où on vise à avoir la plus grande autonomie à l’intérieur du Canada où aussi, à partir des compétences de Québec, on adopte des lois comme la loi 21 pour défendre la culture, les valeurs québécoises et le français. Pour les électeurs francophones, ce volet-là des politiques de la CAQ satisfait, d’où son appui assez fort parmi les francophones. Les Québécois ne sont pas vraiment intéressés à revenir à une polarisation du débat entre fédéralistes et indépendantistes. On voit que les deux partis traditionnels ont beaucoup de difficultés en ce début de campagne.

Si elle était réélue, comment vont évoluer les relations entre Ottawa et Québec?

Je m’attends à ce que la CAQ solidifie ses liens avec les autres provinces et qu’ils fassent un peu front commun face à Ottawa. Des provinces cherchent à obtenir des pouvoirs en immigration et solutionner les problèmes liés à la main d’oeuvre, d’autres demandent le rehaussement des transferts en santé. À partir de la loi 96, il a imbriqué une modification de la constitution canadienne en reconnaissant le Québec et le fait français. Je me demande si dans le deuxième mandat, il ne va pas se servir de cela pour faire levier et obtenir plus de pouvoirs au niveau culture ou immigration.

Dans cette campagne électorale, quel est son positionnement face à ses adversaires?

Ça va être de défendre son bilan et de dire «même si nous avons eu la pandémie et même si nous sommes un nouveau parti politique, nous avons démontré que nos ministres étaient à la hauteur des exigences». On voit effectivement qu’il a mis beaucoup de ressources pour faciliter la francisation. Il va défendre son bilan nationaliste, mais aussi économique. Son grand projet est de faire en sorte que l’économie du Québec dépasse celle de l’Ontario. [François Legault] a mis des ressources pour inciter les jeunes à poursuivre leurs études dans des domaines clés comme l’intelligence artificielle ou l’ingénierie, et il a soutenu les filières de production de batteries, de transport électrique. Sauf que pour récolter les fruits de ces investissements, ça prend du temps. Toutefois si l’économie part en récession, ça va être très compliqué pour lui ou n’importe quel parti d’offrir une baisse d’impôt.

La CAQ est largement en tête de tous les sondages, d’où vient sa popularité écrasante?

Ils bénéficient à la fois du soutien de sa base, des électeurs plus âgés et des francophones en dehors de la région de Montréal. Ils bénéficient aussi de la faiblesse des autres partis politiques, qui ne réussissent pas à s’imposer. Même sur Qc125, la véritable course dans cette élection, c’est pour la 2e place. C’est comme si la CAQ a été le plus loin qu’ils pouvaient sur le nationalisme pour empiéter sur le Parti québécois. Côté économie, elle a insufflé cet esprit entrepreneurial pour prendre la place des libéraux sur le discours économique. On va voir, il y aura le débat des chefs – la CAQ doit s’assurer de bien défendre son bilan, pas trop faire de bourdes ou d’insultes auprès d’autres partis. Ça n’a pas très bien été dimanche dernier quand il n’a pas nommé la cheffe du Parti libéral [Dominique Anglade], qu’il avait appelé «la madame».

Alors quels sont les dangers pour la Coalition avenir Québec?

Le premier, c’est d’être trop confiant. S’ils deviennent arrogants, ça peut agacer beaucoup d’électeurs. Je pense qu’il peut y avoir quelques percées potentielles du parti conservateur, dans la Beauce notamment. Avec des dynamiques régionales particulières, si des électeurs voient la CAQ assurée de gagner, on peut s’attendre à ce qu’ils sortent pour voter contre. Celui qui est peut être le moins en difficulté pour se définir, c’est QS. Si le vote populaire ne veut pas aux urnes, c’est un risque pour eux. Les gens ont tendance à le soutenir mais ne vont pas voter.

Si la CAQ remportait une majorité écrasante, la démocratie québécoise serait-elle en danger?

Dans une démocratie, on a besoin d’avoir une opposition forte, et là on a une opposition un peu éclatée. On a de la difficulté à dire qui pourrait faire un gouvernement et remplacer la CAQ. Elle a déjà beaucoup profité de la faiblesse des autres partis. Pendant [la pandémie], c’était la CAQ en place et les autres partis politiques n’avaient pas beaucoup d’antenne dans les médias. Lors d’un mandat, on évalue aussi la performance des autres partis, qui essaient de se montrer aux électeurs comme option de rechange. Pendant le prochain mandat, les médias vont avoir un rôle important à jouer pour être un peu l’opposition officielle, vu que les vraies oppositions sont peu fortes.

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