La sexualité au temps du coronavirus
Les restrictions sanitaires liées au coronavirus ont eu des effets sur tous les domaines de la vie et la sexualité n’y a pas échappé. Alors que le déconfinement s’accélère, quels changements sont observés en société quand on aborde l’intimité des individus?
Corinne* (nom fictif) a trois amants. Pour rajouter un peu de complexité, elle habite dans le même duplex que son père âgé et immunodéprimé. Durant neuf semaines, elle a vécu un célibat forcé. Après un moment, et malgré les restrictions sanitaires, elle a reçu son amant régulier chez elle, avec l’accord de son père.
«C’était devenu une question de bien-être mental. Je me sentais triste. Je m’ennuyais vraiment de mon ami. J’avais besoin de lui dans ma vie, raconte la femme de 51 ans. Il fallait que je le prenne dans mes bras, qu’on passe une soirée, collés sur mon divan. Mais on n’a pas fait que cela!»
Autant que le désir sexuel inassouvi, elle évoque aussi un sentiment d’insécurité qui s’était installé. «À partir du moment où on s’est vu, je me sentais mieux avec le risque», dit-elle.
La sexualité c’est une énergie. La libido c’est une tension. S’ils ne la relâchent pas, il y a des gens qui seront plus nerveux ou plus anxieux. D’autres auront des comportements qui seraient moins acceptables socialement. -Laurence Desjardins, sexologue.
C’est ainsi qu’elle a pu se rendre chez son second amant, même si lui ne voulait pas transgresser les règles de confinement. Le troisième homme est entré dans la vie de Corinne récemment.
«Je l’avais contacté avant le confinement, mais on n’était pas encore rendu à sauter le pas. On a poursuivi nos longues conversations par écrit durant 12 semaines avant notre première rencontre physiquement.»
Boulimique
«Après un certain temps de confinement, on est en sevrage de rapports humains. Des personnes vont ensuite avoir une sexualité boulimique», relève la sexologue Laurence Desjardins.
Cela s’exprime autant par un rejet des conventions, comme coucher le premier soir ou évoquer les questions de sexualité tout de suite dans une conversation avec une nouvelle date.
Pour la présidente de l’Ordre professionnel des sexologues du Québec, la sexualité a souffert durant la pandémie. «On observe qu’il y a des gens stressés de revenir dans les quêtes de rencontres comme avant, autant sur le plan physique, car le coronavirus est toujours là, que sur le plan émotif», constate Joanie Heppell.
Coronavirus et sexualité: un défi
Pour les couples, qu’on supposerait satisfaits de cette nouvelle proximité quotidienne, le confinement a eu son lot de défis. «Cela a eu un impact positif sur les relations, admet Mme Hepell. Par contre, il y a beaucoup de personnes qui ont des enfants pour qui ce n’était pas toujours facile de vivre leur sexualité, même s’ils avaient du temps pour être ensemble.»
«Si on est pris ensemble, le réflexe naturel serait: on n’a rien d’autre à faire, on fait l’amour», observe Mme Desjardins. Pourtant, dans le contexte de la pandémie, il y a des nuances à prendre en compte.
«Quand un ou les deux partenaires ont perdu leur emploi, qu’ils se marchent continuellement sur les pieds, qu’aux nouvelles on ne parle jour après jour que de décès, cela n’est pas favorable à une ambiance très érotique», dit-elle. Car on pourrait penser aussi que le confinement aura donné lieu à un une génération de bébés post-pandémie.
«C’est le déconfinement qui amènerait un baby-boom, croit Mme Desjardins. Quand on va revenir à une certaine normalité, les gens seront plus détendus et auront mis cette période difficile derrière eux. À partir de ce moment, il y aura une envie de rencontres.» Après le confinement, il faudra réapprendre à vivre comme on le faisait avant, en fait.