The Dead Web: un monde sans l’internet
La fin de l’internet serait-elle pour bientôt? Bientôt, comme dans six ans? L’exposition The Dead Web – La Fin explore la question.
En mai 2015, Nathalie Bachand est tombée sur un article du Monde.fr. On y traitait d’un symposium organisé par l’académie nationale des sciences du Royaume-Uni, la Royal Society. Un des thèmes abordés était la possibilité d’un effondrement du web. «Ça m’a fascinée, obsédée même! s’exclame-t-elle. Parce que, comment imaginer vivre sans l’internet? Comment songer qu’un jour, ça n’existe plus? Ça fait partie de nos vies d’une manière si symbiotique. Ça touche autant au travail et aux loisirs qu’à la consommation, à la recherche, à la lecture, à l’information… À tout ce qui est communication. Toute notre fonctionnalité quotidienne en dépend.»
La possibilité l’a fascinée, obsédée, donc. Mais ne lui a pas fait peur de façon maladive, iiih, que faire si cela arrive, ou réjouit, mmm quelle belle façon de se déconnecter de tout et de tout le monde. «Je n’ai pas porté de jugement, ni positif, ni négatif sur la question. C’est tellement hypothétique que je ne pourrais pas prendre position, dit-elle. J’ai plutôt été étonnée de n’y avoir jamais pensé. C’était surtout un effet de surprise.»
La surprise a été telle qu’elle a poussé celle qui a travaillé pendant 10 ans au festival d’art numérique montréalais Elektra, et qui a écrit pour plusieurs publications spécialisées, à monter sa toute première expo. Ainsi est né («le titre est venu hyper spontanément») The Dead Web – La Fin. Une initiative pour laquelle Nathalie Bachand a notamment fait appel à des artistes dont le travail, elle le savait, «s’intéressait à la question de l’internet».
Parmi eux, Grégory Chatonsky et Dominique Sirois, dont elle expose Mémoires éteintes. «Une œuvre qui s’intéresse à nos artefacts contemporains, à la manière dont ils pourraient véhiculer quelque chose de notre époque pour ceux qui les découvriraient des années plus tard.» Et puis, Infinitisme.com Forever A Prototype, de Frédérique Laliberté, qui évoque «un site web unique. Un internet artisanal, de fortune. Une némésis.»
Mêlant les disciplines, la commissaire a également incorporé dans l’expo une toile de l’artiste saguenéen Julien Boily, Memento Vastum. Son sujet? «Une mémoire disparue, la perte des savoirs au profit d’informations ou de données, l’obsolescence programmée.» En bref: «Un tableau qui dépeint l’internet comme une vanité contemporaine.»
«L’art numérique est méconnu du grand public… mais tout le monde a une relation particulière à l’internet. Donc, si cette exposition peut attirer et interpeller les gens qui ne sont pas du tout familiers avec cette forme d’art, ou avec les arts visuels tout court, j’en serais vraiment heureuse.» –Nathalie Bachand, commissaire
Une autre œuvre abordant elle aussi, quoique différemment, le sujet de la vanité, a également été créée spécialement pour l’expo. L’Objet de l’Internet, donc, réalisé par Projet EVA, un duo d’artistes composé de Simon Laroche et d’Étienne Grenier.
Comme l’explique Nathalie Bachand: «C’est une installation cinétique dans laquelle le visiteur prend place pour vivre une expérience hallucinatoire. Un dispositif pivote autour de sa tête et lui renvoie sa propre image, son reflet, qui se fragmente.»
Une allusion aux égoportraits, bien sûr. «Et à l’image de soi véhiculée par les réseaux sociaux. Qui se perdrait comme un fantôme, qui deviendrait une sorte d’écho de nous-mêmes.»
Enfin, la fin: une œuvre qui ne parle pas forcément de la mort de l’internet, mais de celle d’une étoile. À savoir BPM 37093, une animation 3D signée Julie Tremble. «J’y ai vu une représentation de la mort de l’univers, décrit celle ayant choisi l’animation en question. L’artiste s’intéresse à notre représentation du temps. Ce que je trouvais pertinent par rapport au web.»
Et le lien que la commissaire souhaite créer, elle, entre l’ensemble et les visiteurs, quel est-il? «J’aimerais qu’ils soient amenés à s’interroger sur leur propre lien, leur propre relation à l’internet. Certaines personnes sont complètement accros, d’autres sont, d’une certaine façon contre, et la plupart se trouvent quelque part entre les deux. Mais je pense que, peu importe où on se situe, ça peut être intéressant de réfléchir à pourquoi on y est.»
The Dead Web – La Fin
Au Eastern Bloc
Du mardi au dimanche, de
12h à 17h jusqu’au 15 février