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Moi aussi j’aime les hommes: De toi à moi à eux à tous

Photo: Josie Desmarais / Métro

Dans Moi aussi j’aime les hommes, Alain Labonté et Simon Boulerice proposent une «correspondance épistolaire complètement libre et décomplexée». Un échange rempli d’espoir. Une façon de montrer qu’on peut être soi – et heureux.

C’est une correspondance entre deux auteurs de générations différentes. Sur l’homosexualité, d’abord. Mais tellement pas que. Car s’ils disent dans ce livre «Moi aussi j’aime les hommes», Alain Labonté et Simon Boulerice disent tout autant «Moi aussi j’aime les femmes, moi aussi j’aime les musulmans, moi aussi j’aime les transgenres, moi aussi j’aime…» J’aime, tout simplement.

«On ne se connaissait que depuis quelques mois avant de commencer à s’envoyer des lettres», se souvient Simon. Que quelques mois et pourtant, les mots sont venus comme s’ils s’étaient connus depuis toujours. Ou peut-être, justement, qu’ils sont sortis si naturellement parce que le respect était là, mais aussi la distance. «Je ne pense jamais à la publication quand j’écris, je pense juste à écrire! J’assume tellement tous mes mots que ça va!» s’exclame Simon avec sa spontanéité signature.

Dans ces lettres d’amitié, on trouve des souvenirs d’enfance, des instants formateurs, des choses jamais racontées. Des partages de coups de cœur, des films ayant soulagé un instant difficile, des livres ayant inspiré des émotions positives.

«Pour moi, une lettre, ça permet la digression, remarque le toujours passionné écrivain trentenaire. C’est le constat d’une journée, des impressions. Il y a quelque chose de beau, de furtif. On capte le moment. Moi, j’écris beaucoup dans le déplacement.»

Et ces lieux multiples où ces lettres ont été rédigées (au Québec, en Europe, dans les aéroports, dans le ciel) «donnent à l’ensemble une teinte particulière, ajoute Alain. Ce n’est pas linéaire.»

C’est vrai : les sujets dévient comme un parcours. On effectue un virage par ici, on s’arrête pour observer là, on accélère soudain la cadence. On s’interrompt et on regarde vers le passé. On sonde la réconciliation de la foi et de la sexualité, le tabou de l’anorexie masculine, les ravages du sida.

«Au-delà de l’amour homosexuel, ce livre traite de l’humanité; de notre rapport à la vie.» – Simon Boulerice

Ceux qui ont aimé Une âme et sa quincaillerie, premier livre d’Alain Labonté, paru en 2015 aux éditions Del Busso, retrouveront ici sa compassion pour ses proches, son désir d’aider les moins nantis. Ses récits de vie, près du réel, des émotions. «Moi, contrairement à Simon, je n’ai aucun talent pour inventer des histoires! confie-t-il. J’aime beaucoup faire vivre la mémoire. C’est pourquoi j’ai fait l’exercice de retourner dans ma jeunesse, d’expliquer pourquoi je ne voulais pas d’enfants. Mais jamais je n’aurais pensé écrire là-dessus un jour! Ni sur mon ami Luc, qui s’est enlevé la vie…»

Pourtant, le moment semblait opportun. «Ça fait 35 ans que j’écris sans publier. J’ai mis des années à composer des chansons sans les montrer à personne. On dirait que je viens de me déniaiser à 50 ans!» s’esclaffe-t-il.

Simon, lui, écrit énormément. Reste que cette fois, comme toujours, c’est une «nouveauté». «Habituellement, je suis dans la fiction. Même quand je fais de l’autofiction. Même quand je m’utilise comme matériau. Mais ici, il n’y avait plus de filtre. Et c’est là qu’était le défi… et le plaisir. Je devais observer et prendre parole comme un “Simon 100 % Simon”.»

L’importance d’être soi-même domine d’ailleurs dans ce livre. Alain illustre : «Je n’ai jamais étudié à l’École nationale de théâtre, et je n’ai jamais voulu jouer un autre rôle que le mien». Simon souligne quant à lui que «C’est d’une tristesse inouïe, être condamné à n’être jamais soi-même.» Être vraiment soi, particulièrement dans un tel projet, c’est un moteur extraordinaire.

De l’intime au solennel

«Ce qui me rassure quand j’écris, c’est de trouver les mots justes pour exprimer quelque chose, remarque Alain. Je crois qu’une des plus belles phrases que j’ai écrites dans ce roman ne vient même pas de moi, mais de mon père.»

La scène se déroule lorsque l’auteur lui confie qu’il est homosexuel. Et que son regretté papa lui répond qu’il «n’a pas l’habitude de ce genre de situation, mais qu’il imagine que l’amour qu’un homme éprouve pour une femme doit être le même qu’un homme éprouve pour un homme». «C’est si simple, si beau», observe Alain.

Ce qui est beau aussi : toute la lumière qui se dégage de ces confidences, de ces souvenirs. «On a des parcours quand même sereins», analyse Simon. Et c’est cette sérénité qu’ils aimeraient transmettre, surtout aux jeunes qui liront leurs écrits. «Il m’arrive parfois d’être plus truculent, plus cru, ajoute-t-il. Mais j’ai aussi une immense tendresse. Et les mots que m’envoyait Alain, qui a par ailleurs une absence absolue de jugement, m’ont encore plus donné envie d’aller là-dedans. Dans cette tendresse. Pour offrir une tribune saine.»

«J’étais engagé dans la cause LGBTQ de façon intime; maintenant, j’ai l’impression de participer à quelque chose de plus sérieux, de plus solennel.» D’important.

 

Moi aussi j’aime les hommes

Aux Éditions Stanké

 

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