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À l’école de films de Michel Gondry

Photo: Josie Desmarais

Les grandes gueules ne font pas la loi à l’Usine de films de Michel Gondry. «Les gens qui parlent moins écoutent plus», lance le réalisateur français en entrevue avec Métro après avoir présenté son Usine de films amateurs, qui aura pignon sur rue au Complexe Dompark, dans le Sud-Ouest, d’aujourd’hui au 15 octobre, dans le cadre des festivités du 375e anniversaire de Montréal.

Née en 2008, l’Usine a visité certaines des plus grandes villes du monde – Tokyo, Paris, New York, Moscou – avant de déposer ses valises sur le bord du canal Lachine. Elle permet aux visiteurs de produire un film amateur en seulement trois heures, décors, costumes et salle de visionnement inclus.

C’est animé du désir d’offrir un espace de création démocratique que le réalisateur a mis le projet sur pied.

«On se rend compte avec le temps que les gens ont davantage envie de partager leurs idées plutôt que d’écouter celles des autres, affirme celui qui est derrière, notamment, Be Kind Rewind, le film qui a été une des sources d’inspiration pour l’Usine. J’essaie d’inverser cela avec le système que j’ai conçu pour la création de films amateurs.»

«Quand les gens sont indépendants, autogérés et motivés, ils s’éclatent entre eux.» – Michel Gondry

Premier «acte»
L’activité commence dans une petite salle dont les murs sont ornés d’affiches expliquant le concept et d’un tableau blanc pour y inscrire des idées. Après avoir fait le tour des décors, dont certains sont inspirés de la métropole, comme le marché Atwater et le Vieux-Port, les participants ont 45 minutes pour décider du genre, du titre et de l’histoire de leur film.

S’attaquer au genre et au titre en premier permet au groupe de se décoincer et surtout de donner la parole aux plus timides. «Les gens perdent leurs inhibitions et peuvent ensuite avancer sans être gênés», avance Michel Gondry.

Je faisais partie du groupe de journalistes qui a fait l’expérience de l’Usine à films plus tôt cette semaine. Une fois les premières suggestions faites, les langues se sont rapidement déliées. Pour les intéressés, nous avons choisi un film de gangsters aux accents éroticocomiques. Le titre: Fantasme fatal?.

Digne d’un film de fin de soirée à Super Écran dans les années 1990 mettant en vedette Shannon Tweed, n’est-ce pas?

Deuxième «acte»
Ensuite, direction costumier pour un autre 45 minutes. On y peaufine l’histoire, on y distribue les rôles et on y choisit les costumes. Uniformes de policier, de gardien de prison, de prisonnier, des robes, des vestons, des chapeaux, un lapin géant (j’ai passé l’avant-midi dans la peau d’un lapin ayant été accusé d’un crime qu’il n’avait pas commis).

Les costumes, en agissant comme couche de protection entre le réel et l’imaginaire, permettent aux gens de vraiment se lâcher. Ils peuvent aussi être un frein à la diversité des films produits, selon M. Gondry. «Ils ont un côté de carnaval et de déguisement que je ne trouve pas très productif», a-t-il expliqué.

Après tout, il y aura toujours un tata prêt à enfiler un costume de lapin.

Troisième «acte»
Place au tournage. «Une des principales particularités de l’Usine est que nous n’avons pas de montage, indique M. Gondry. Toutes les scènes doivent être tournées chronologiquement et il n’y a pas de deuxième prise.»

Les cinéastes en herbe se déplacent donc d’un décor à un autre, dans l’espoir de pouvoir tout filmer en une heure et demie. «Quand le temps est limité, on est obligé de dire quelque chose, d’avoir des idées», explique le réalisateur français.

Une fois le sprint terminé, le groupe se rassemble dans la salle de visionnement pour regarder le «chef-d’œuvre», mais surtout pour se bidonner. «Les gens, en regardant leur film, rigolent plus de leurs erreurs qu’ils apprécient leurs réussites», s’amuse le réalisateur de Eternal Sunshine of the Spotless Mind.

Aucune aide professionnelle n’est disponible. «Au risque que le résultat soit un peu confus ou un peu brouillon, je veux que le groupe ait le sentiment d’avoir fait le film par lui-même», dit M. Gondry.

De plus, le réalisateur n’a pas peur de l’erreur. Au contraire. «Le perfectionnisme, c’est un peu l’arme des élites pour éviter que les masses s’immiscent sur leur territoire, a-t-il indiqué. Les gens qui ont des positions prestigieuses vont avoir un regard trop critique ou condescendant sur ce que font les nouveaux pour, consciemment ou inconsciemment, les empêcher de les remplacer. C’est pour cela que je défends l’amateurisme et le droit à l’erreur.»

«C’est aussi un peu à cause d’un sentiment de culpabilité, parce que je fais vraiment ce que j’ai envie de faire, a ajouté le cinéaste. En regardant autour de moi, je constate que ce n’est pas le cas pour les trois quarts des gens.»

Comment s’inscrire
L’Usine de films amateurs de Michel Gondry ouvrira gratuitement ses portes d’aujourd’hui au 15 octobre.

Pour s’y inscrire, il suffit de réserver une place sur le site weezevent.com. Six séances de trois heures sont offertes chaque jour. Un maximum de 15 personnes peut participer à une séance. Les gens seuls ou les petits groupes sont invités à s’ajouter aux plages horaires où il reste quelques places.

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