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Moran: sauver la nuit

Photo: Josie Desmarais/Métro

À l’occasion de la cinquième édition des Show Pro Bonneau qui mettra à l’affiche Daran, Luce Dufault, Kensico et Moran, Métro a rencontré ce dernier, qui est aussi le grand manitou de ces évènements uniques, lesquels se déroulent un dimanche par mois.

«Quand j’étais dans la vingtaine, je fréquentais une comédienne célèbre (Élise Guilbault) qui vivait souvent de grandes angoisses, malgré son succès. Elle m’a dit un jour un truc que je n’ai pas compris tout de suite, mais qui, au final, m’aura profondément marqué: “Tu sais, on ne naît pas tous égaux sur le plan émotif. Certains sont mieux armés que d’autres pour affronter les affres de la vie.”», se remémore Jeff Moran en guise de réponse à ceux qui affirment que les sans-abri n’ont qu’à travailler comme tout le monde s’ils veulent un toit.

Probablement se souvient-il aussi qu’il a lui-même oscillé quelques années entre la rue et un domicile, à l’époque où il squattait les canapés de ses amis qui voulaient bien lui offrir l’hospitalité.

«Personne n’est à l’abri d’une mauvaise passe», lance-t-il en faisant allusion à l’Accueil Bonneau, cet organisme sans but lucratif qui aide à la réinsertion sociale des itinérants tout en réussissant, entre autres choses, à servir quelque 
800 repas par… jour!

Donc, sensible à cette cause et indigné par le fait que, même si on vit dans une société très riche, des centaines de personnes se retrouvent dans la rue, il a nommé son avant-dernier album Sans abri. Ce qui a mis la puce à l’oreille de certains responsables de l’Accueil Bonneau, qui lui ont demandé plus tard de les aider à organiser leurs soirées-bénéfice, dont la dernière partie serait un grand spectacle/événement avec de nombreux artistes de la chanson.

Pour la cinquième édition, les spectateurs auront droit à plusieurs relectures de grandes chansons en formule collective, dont Les soirs de scotch, Dormir dehors, de l’époque où Daran jouait encore avec ses chaises, et la magnifique Gens du voyage du même Daran (qui est aussi le guitariste de Kensico, sa petite amie). Le tout appuyé à la six cordes par l’indispensable et fidèle Thomas Carbou.

«Quand Paul Piché est venu, on ne s’est pas privé pour aller piger dans ses classiques. L’objectif est de faire des mélanges et de s’amuser. Chaque fois, j’essaie aussi de faire une chanson d’un des invités», précise Moran. «Cette fois, ça devrait être Une sorte d’église de Daran, si j’ai le temps de la répéter pendant mon séjour à un festival à Toulouse», ajoute celui qui se qualifie d’anarchiste devenu un rebelle embourgeoisé par la naissance de ses enfants, auxquels il souhaite donner du confort.

«J’ai vécu des drames terribles, comme la perte d’un ami qui se suicide. Ensuite, il vient une période où tu te câlisses de tout pendant un mois. C’est dans ces moments-là que j’aurais pu basculer dans la rue, moi aussi.» – Jeff Moran

Et que répondre à ceux qui disent qu’en donnant de l’argent aux sans-abri, on les encourage à se droguer? «Quand tu croises un gars qui te demande de l’argent à 23h, tu le vois sur sa face ce qu’il va faire avec, tu le vois son désespoir en pensant qu’il n’aura pas d’endroit pour dormir. Pis, ça se confirme quand il te dit après: “Merci man, tu sauves ma nuit.”

On fait des albums, on prend la parole, je pense qu’il faut faire sa part, mais sans faire la morale. Cela relève du sens des responsabilités», conclut l’artiste qui déménagera bientôt avec Catherine Major et leurs enfants à Lac-Brome, en plus de se mettre à l’écriture de textes pour le prochain album de sa chérie.

Le Show Pro Boneau aura lieu dimanche le 28 janvier à 19 h 30, au Verre Bouteille, 2112, avenue du Mont-Royal Est. Contribution volontaire

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