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Le déserteur, une histoire de famille

Geneviève Vézina-Montplaisir, Métro

Avant, c’était la norme : les enfants perpétuaient la tradition et reprenaient l’affaire familiale. Aujourd’hui, c’est un fait plus rare, mais qui fait toujours partie des mÅ“urs.

Prenez Émile Proulx-Cloutier, le fils des acteurs Raymond Cloutier et Danièle Proulx : il a suivi la trace de ses parents et il se retrouve maintenant à leurs côtés dans Le déserteur, le premier film du réalisateur Simon Lavoie.

Celui qui interprète le frère de Sophie Paquin dans la série télévisée du même nom est ici le héros d’une histoire qui s’est passée à Saint-Lambert-de-Lévis, près de Québec, à l’été 1944, durant la conscription. Georges Guénette, un jeune déserteur de l’armée est alors abattu par des policiers fédéraux. Sa mort donnera lieu à tout un tollé.

Simon Lavoie n’avait pas pensé au départ mettre la famille Proulx-Cloutier en vedette dans son long-métrage. Mais quand il s’est aperçu que les trois noms étaient envisagés pour les trois personnages, qu’il  allait y avoir des ressemblances naturelles et une certaine complicité, il a fait son offre au trio.

Après une réunion familiale, les trois comédiens étaient tous d’accord pour jouer ensemble.  

«Je voulais que ça soit une bonne histoire, affirme Danièle Proulx. En même temps, combien de gens finissent par travailler avec leurs parents? Dans notre métier, c’est plus rare, mais ça se pourrait que Marcel LebÅ“uf, Diane Lavallée et Laurence LebÅ“uf se retrouvent sur le même projet.»

Le père et le fils avaient déjà joué ensemble dans les films Mathusalem 1 et 2. Le père et la mère, qui ne forment plus un couple aujourd’hui, avaient déjà partagé les planches il y a quelques années. Mais c’était la première fois qu’ils se retrouvaient tous les trois sur un plateau. Une expérience qu’ils ont adorée.

«Quand on a répété avant de tourner, habillés comme dans la vie de tous les jours, c’était plus difficile de se croire, explique l’interprète de Léda. Mais une fois que tu as la perruque sur la tête, le costume, et que tu es dans le décor en train d’allumer le poêle à bois, ça devient tellement différent que le glissement se fait tout seul.»

À fleur de peau

Raymond Cloutier a trouvé plus facile de développer les émotions de son personnage en jouant avec son fils.

«Je n’avais pas grand-chose à faire, souligne-t-il. Je n’avais pas à signaler de façon fausse les émotions du personnage. C’était plus facile. Sur le plan de la pudeur, j’avais plus de facilité à le toucher comme un père touche son fils. Ça venait instinctivement.»

Quant au fils, qui regarde ses parents travailler depuis son plus jeune âge, il a continué à les admirer et d’apprendre sur le métier à leurs côtés.

«Ils sont très généreux et ne prétendent pas avoir la science infuse, assure Émile Proulx-Cloutier. Le métier de comédien se pratique dans le doute, alors on a beaucoup échan­gé, en famille.»

À la guerre comme à la guerre

Ayant lieu en pleine conscription, Le déserteur ramène en 2008 un pan de notre histoire de plus en plus oublié. Durant la Deuxième Guerre mondiale, des milliers de Cana­diens français se sont réfugiés dans les bois pour ne pas aller combattre.

Le réalisateur Simon Lavoie avait le goût de revisiter cette époque qui a marqué l’univers collectif des Québécois.

«J’ai toujours adoré les films qui portent sur la Deuxième Guerre mondiale et, au Québec, on n’a pas fait de film sur ce sujet-là, souligne le cinéaste. Je trouvais intéressant de me demander pourquoi on avait si peu traité de cette période. Il me semblait qu’il y avait un certain malaise à cet égard. Quand j’ai découvert l’histoire de Georges Guénette, je me suis beaucoup identifié à lui. Il avait mon âge. Je me suis demandé ce que j’aurais fait à sa place. Il a eu une importance politique. Le personnage et son drame m’ont interpellé.»

Rétablir les faits

Simon Lavoie a appris l’existence de Georges Guénette dans l’essai La crise de la conscription, 1942 d’André Laurendeau. Il a ensuite fait des recherches sur la mort de ce jeune homme. Il a décelé un potentiel cinématographique dans cette histoire, qu’il a poussée plus loin en y ajoutant des éléments de fiction, comme une histoire d’amour avec Berthe Néron, interprétée par Viviane Audet.

Reste que, les faits historiques du long métrage sont avérés, et tout ce qui est costume, décor et objet est d’époque. Cet aspect était très important pour le réalisateur, mais aussi pour les acteurs.

«Nous avions les bottes portées par les soldats qui s’étaient entraînés au Québec; les vrais costumes aussi, précise Émile Proulx-Cloutier. Alors, c’était facile de se mettre dans la peau du personnage.»
                                     
Le comédien s’est aussi beaucoup interrogé sur les agissements de son personnage. Aurait-il, lui aussi, déserté à l’époque?

«Difficile à dire, avoue-t-il. C’est donner son corps. C’est une question délicate parce que parler de la guerre, ce n’est pas évident. J’ai hâte d’en jaser avec les gens; autant ceux de 75 ans qui ont vécu ça, que ceux de 20 ans.»

Le déserteur
En salle le 24 octobre

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