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Chromeo: Avec amour et amitié

Photo: Tim Saccenti/Collaboration spéciale

Après une éclipse de quatre ans, les gars de Chromeo sont de retour sur disque avec leur cinquième album, Head Over Heels, véritable déclaration d’amour à la musique qui a bercé leur adolescence. Entrevue avec David Macklovitch, alias Dave 1, une des moitiés de ce duo montréalais tricoté serré.

Lignes de basse bien senties, guitares nerveuses, effets électro-rétro et refrains accrocheurs: Head Over Heels, en vente dès vendredi, est un retour aux origines funk et soul du groupe après les explorations pop de son album précédent, White Women.

«L’idée était de revenir aux origines, de créer une ode à plein de sous-genres du funk qui nous ont influencés au fil des années», explique au bout du fil Dave 1, maintenant établi à New York.

L’auditeur avisé pourra donc reconnaître dans Must’ve Been «une version modernisée d’un funk à la Kool and the Gang», dans Don’t Sleep «un hommage au funk californien à la Lakeside» ou dans Count Me Out «un emprunt au son de Minneapolis», créé par Prince, notamment.

Mais n’ayez crainte, l’auditeur moins avisé pourra aussi y trouver son compte, car Chromeo, c’est avant tout une façon d’«amener du plaisir aux gens».

«C’est pour ça qu’on fait de la musique», rappelle souvent David Macklovitch.

Parlant de plaisir, Dave 1 et P-Thugg (Patrick Gemayel), l’autre morceau de Chromeo, ont choisi de le partager en multipliant les collaborations.

«On avait notre propre studio à Los Angeles, on voulait ouvrir ses portes et présenter quelque chose de nouveau. C’était un défi pour nous puisqu’on avait presque tout fait nous-mêmes sur nos quatre albums précédents.»

On peut donc entendre sur le disque les voix du Marocain French Montana, de la rappeuse Stefflon Don ou de la jeune sensation de la soul Amber Mark. Sur le plan de la production, le pionnier du néo-soul Raphael Saadiq, le producteur Rodney Jerkins (Say my Name de Destiny’s Child, c’est lui!) ou Jesse Johnson, ancien guitariste du groupe Time, sont notamment venus faire leur tour en studio.

«C’est notre cinquième album, on en a profité pour se faire plaisir, confirme Dave 1. On voulait que l’album soit polyphonique, qu’il y ait d’autres voix qui s’entremêlent avec les nôtres. C’est une sorte de tapisserie pleine de touches musicales différentes.»

Ce tour du monde funk est aussi un moyen de replonger dans cette époque pas si lointaine (les années 1990) où petit Dave 1 et jeune P-Thugg se sont connus sur les bancs du collège Saint-Stanislas, dans le quartier Outremont.

«On était trop jeunes pour vraiment connaître le funk au moment où c’est sorti. En gros, les trucs qu’on voyait à MusiquePlus, qui eux-mêmes faisaient référence au funk, nous ont fait connaître ce style de musique», se souvient le guitariste et chanteur, citant au passage Je danse le mia, pièce mythique du groupe français IAM, «le rap de la West Coast et Jamiroquai».

«Ce sont eux qui nous ont donné l’élan de curiosité pour aller chez Primitive et chez les disquaires de la rue Saint-Denis pour commencer à acheter des disques de funk et de soul. C’est comme ça qu’on a fait notre apprentissage.»

«C’est comme un mariage. Les rôles sont délimités. On sait qui fait quoi, on s’entend bien et on se fait confiance. C’est une aventure qu’on essaie de bâtir ensemble.» Dave 1, à propos de P-Thugg

Cette riche éducation musicale a servi de terreau au groupe, qui roule maintenant sa bosse depuis presque 15 ans. Ses membres ont-ils un secret pour garder la flamme intacte après tant d’années?

«Évidemment, il y a des moments d’épuisement et de tension comme dans toute relation à long terme, mais on pousse quand même de l’avant, on se fait plaisir et on se lance des défis.»

La pochette de Heads Over Heels est un défi en soi. On y voit les deux hommes perchés sur des talons hauts, les jambes (très belles, il faut le dire) fraîchement rasées pour l’occasion.

Un clin d’œil bien conscient aux jambes de femmes (en plastique) qui soutenaient leurs claviers sur la couverture de Fancy Footwork, l’album qui les a fait connaître sur la scène internationale il y a 10 ans.

«C’est une façon de renverser la couverture de Fancy Footwork, de la subvertir. Et de prendre la responsabilité de cette symbolique des jambes, au lieu de toujours présenter un corps féminin magnifié ou ravalé au rang d’objet.»

Comme dans leurs chansons, le deuxième degré n’est jamais loin.

«On s’est donné comme contrainte de parler d’amour et de séduction, mais toujours dans une autre perspective. C’est une façon de subvertir les textes soul ou pop traditionnels en quelque sorte. Au lieu que l’homme dise: “Yo, viens chez moi chérie”, il dit plutôt: “Tu ne fais pas attention à moi” ou “Je suis angoissé”. C’est une façon de renverser les rôles.»

La chanson Bad Decision, une des plus accrocheuses de l’album, en est un bon exemple. «Ça parle du sentiment de honte et de regret, du concept de walk of shame, qui est culturellement toujours associé à la femme, mais que les hommes aussi peuvent vivre. On a voulu crée un univers où le protagoniste masculin a lui aussi des regrets et se sent niaiseux après une soirée. Et on ne s’arrête pas aux questions hommes-femmes. Les pronoms sont un peu arbitraires, mais ça peut s’appliquer à n’importe qui en fait.»

On est donc loin des clichés un peu machos associés à leur style de prédilection.

«Ça ne nous intéresse pas de chanter la même chose que les chanteurs des années 1980. Dès le premier album, ça ne nous intéressait pas. On veut faire le contraire, parce qu’on est modernes. Le passé funk soul, c’est une influence, mais ce n’est pas ce qu’on est.»

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