Yes Mccan s’est dit oui
Le titre OUI (tout, tout, tout, toutttte) est apparu à l’esprit de Yes Mccan à la sortie d’une séance de méditation «comme un message descendu de l’au-delà». Le rappeur ne saurait dire précisément pourquoi, mais il «feelait right», comme tout ce qui l’a guidé dans la création de ce premier album solo.
Au départ, Jean-François Ruel de son vrai nom avait un concept en tête. «Puis, en faisant la musique, je me suis détaché de ça. J’étais juste dans le moment présent», déclare le rappeur.
Ainsi, il a pensé son album davantage en «feeling et en images». «Je savais dès le début que la musique était orange, bleu cyan, comme la couleur de la pochette.»
Suivre son instinct a été la roue de secours de l’artiste, qui subissait une pression immense. Avant même d’avoir composé quoi que ce soit, les billets de sa future tournée étaient déjà vendus. «C’est des conditions vraiment bizarres pour créer», dit-il assis dans une salle de réunion de sa compagnie de disque. Cette même compagnie qui lui téléphonait il y a quelques mois pour lui demander : «Il en est où ton album? Quand est-ce que tu le sors?»
Pression, vous dites? Sans compter celle qu’il s’est mise lui-même sur les épaules après son départ des Dead Obies et le succès de la série Fugueuse, dans laquelle il a joué le rôle de Damien.
«Je sentais qu’il y avait énormément de regards tournés vers moi. J’avais l’impression que, si je ne faisais pas quelque chose de qualité ou de vraiment marquant, j’allais être abandonné, que les gens allaient se dire: “Fuck lui, dans le fond.”»
La méditation est alors arrivée à la rescousse. «Ça m’a permis de mieux comprendre mes patterns, comment je réfléchissais, comment je créais, et ça m’a permis de briser certains automatismes. C’est vraiment ce dont j’avais besoin cette année.»
Malgré ses nombreux succès, Yes Mccan se sentait «prisonnier de [sa] vie». «J’avais l’impression de ne pas être libre. Je me suis dit: “OK, es-tu game d’enlever toi-même les chaînes que tu t’es mises aux pieds? As-tu les couilles de te libérer de ce que tu as installé dans ta vie pour repartir à neuf?” Ouais, la méditation m’a vraiment aidé là-dedans», laisse-t-il tomber.
C’est ainsi qu’en mai dernier, coup de théâtre, Yes Mccan quittait la populaire formation rap dont il faisait partie depuis sept ans. «J’étais terrifié, je ne me permettais même pas d’imaginer que je pouvais lancer un autre projet et arrêter celui-là», se souvient-il.
«On me reconnaît dans la rue minimum deux fois par jour depuis Fugueuse. C’est une expérience que je souhaite à tout le monde. Si une mère monoparentale qui élève deux enfants sortait dehors et que le monde lui disait : “Hey Diane, j’adore ce que tu fais, bonne journée!”, ce serait juste cool.» – Yes Mccan
Question de feeling
Lorsqu’est venu le temps de concevoir OUI (tout, tout, tout, toutttte), Yes Mccan a fait le vide. «Un moment donné, j’ai arrêté de me demander : “Qu’est-ce que les gens veulent entendre? Qu’est-ce que mes amis veulent entendre? Qu’est-ce que le label veut entendre?” Je partais sans idée, sans rien, et je faisais une chanson avec le premier beat qui semblait fonctionner. Tout s’est fait naturellement.»
Le processus de création a néanmoins été déstabilisant pour l’artiste, qui s’est entouré pour la première fois de nouveaux collaborateurs. «Si je ne suis pas inconfortable, ça veut dire que je ne suis pas en train d’essayer de nouvelles affaires. Et j’étais vraiment souvent inconfortable pendant la création de cet album!» lance-t-il en riant.
Le résultat se déploie en huit titres qui font, au total, une trentaine de minutes. «J’ai essayé de laisser aller le projet. Un moment donné, ça feelait que c’était ça», dit-il tout simplement.
Comment ça sonne, «ça»? Yes Mccan avance que «c’est différent de ce qu’on a entendu de moi avant». «J’ai changé mon style de rap pas mal. Je pense que j’ai progressé dans mon habileté à écrire des chansons, à mieux aligner mes idées», énumère-t-il.
Chaque morceau a été traité comme un album en soi, précise le rappeur. Chacun avec sa palette de couleurs, son ambiance, son univers. Sur certaines pièces, il délaisse le flow pour le chant. «Je ne sais pas vraiment chanter, alors j’ai travaillé avec l’autotune en studio, en essayant que ça sonne naturel.»
Les textes sont majoritairement en français, loin du franglais des Dead Obies. Alors que Yes Mccan montre son «ambition sans limite» dès le premier morceau – «On n’est même pas à la troisième piste pis c’est déjà un masterpiece» –, Jean-François Ruel révèle sa vraie nature sur Vie. «C’est une toune très personnelle, c’est la plus fragile pour moi. Je n’étais pas à l’aise de me dévoiler comme ça. Ça parle vraiment des croyances que j’ai, de mes attitudes, de mes pensées, d’où je viens», dit-il.
D’où il vient, c’est entre autres des années 1990. «Un pur produit des 90’s, j’ai grandi sur Kurt Cobain, Jean Leloup – Les fourmis, KCLMNOP, Vis ta vie pis reste en vie», rappe-t-il.
Trois influences éclectiques qui, chacune à leur manière, ont marqué la jeunesse du mélomane. «Mon père avait le disque Les fourmis, et je me souviens l’avoir enregistré sur une cassette, j’écoutais ça sur mon walkman.»
Adolescent, il a eu une véritable obsession pour le chanteur de Nirvana. «J’avais les cheveux longs, je m’achetais des chandails rayés et des chemises comme Kurt Cobain. C’était intense!»
Puis, réalisant qu’il n’était «pas bon» musicien de rock, Yes Mccan s’est tourné vers le rap. «Ta yeule (vis ta vie pis reste en vie) est une des tounes de rap québécois les plus marquantes», affirme-t-il.
Le futur rappeur a ensuite fait ses classes en hip-hop en errant dans les rues de Granby, les écouteurs vissés sur la tête. «J’étais très solitaire, je marchais beaucoup. J’avais pas d’auto, donc j’ai marché des heures et des heures en écoutant des disques de rap.»
Une forme de méditation pour l’artiste, qui a d’ailleurs échantillonné un discours du fondateur de la méditation transcendantale, Maharishi Mahesh Yogi, sur son album. «J’aime vraiment sa voix, des fois je m’endors en écoutant ses discours. Ce qu’il dit, pour moi, ça va vraiment dans le sens de OUI.» OUI, toutttte est dans toutttte.