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Le futur conjugué au présent

Photo: Jerome Guibord

Après avoir écrit trois romans, réalisé un long métrage de fiction et un documentaire et peint des dizaines de tableaux, l’artiste multidisciplinaire Marc Séguin s’attaque au théâtre pour la toute première fois dans le cadre de la soirée La diseuse de bonne aventure, dans laquelle il donnera la parole à une multitude de personnalités «franches et authentiques» rassemblées autour d’un thème qui nous obsède tous : ce que l’avenir nous réserve.

«Ça nous obsède de savoir ce qui va nous arriver dans la vie», assure Marc Séguin au bout du fil. Pas plus tard que l’automne ­dernier, l’avenir a été au centre des ­promesses électorales, ­observe-t-il. «Là, on arrive au temps des Fêtes, et au Nouvel An, on se fait encore des promesses.»

Notre inquiétude face à l’avenir se transpose jusque dans les lignes ouvertes sportives, où les Ron Fournier de ce monde y vont de mille et une prédictions. «On se demande tout le temps ce qui va nous arriver. Est-ce que je vais garder ma job? Est-ce que je suis avec la bonne personne?» poursuit-il.

Selon Marc Séguin, se demander de quoi sera fait demain est très «symptomatique de la vie humaine». «Ça fait partie de notre ADN de vouloir savoir ce qui s’en vient.» C’est en partant de ce constat qu’il a choisi de rassembler une dizaine de personnalités sur scène, qui s’exprimeront sur ce thème universel : l’avenir.

La diseuse de bonne aventure (une soirée sur l’anticipation) se veut une soirée de prise de parole, au-delà de la formule «micro ouvert». «Je n’ai pas voulu que ce soit une succession de gens à qui on donne le micro; je préfère qu’il y ait une mise en scène», explique l’artiste.

La forme que prendra cette performance est intrigante. «C’est une patente!» concède le créateur, qui fait ici une première incursion dans l’univers du théâtre à l’invitation du Centre du Théâtre d’Aujourd’hui (CTD’A), qui lui a donné carte blanche dans le cadre des célébrations de son 50e anniversaire.

À son tour, il a choisi de donner carte blanche à diverses personnalités qui l’inspirent. Ainsi, se retrouveront sur scène Robin Aubert, Jean-Martin Aussant, Fabien Cloutier, Charles-Antoine Crête, Natasha Kanapé Fontaine, Safia Nolin, Joëlle Paré-Beaulieu, Rose-Aimée Automne T. Morin et Maude Veilleux, en plus de la cartomancienne Christine-Claire et des Dear Criminal, qui assureront le volet musical de la soirée.

Qu’ont fait ces personnalités, parmi lesquelles on compte des auteures, des musiciennes, des metteurs en scène, un chef cuisinier et des activistes, pour mériter de se retrouver là?

«Elles ont vraiment une parole franche, des idées. Il y en a certains, comme Robin, qu’on voit trop peu à mon avis. Rose-Aimée est évidemment une femme ­magnifiquement intelligente, cite en exemple Marc Séguin. Ce sont tous des gens ­réfléchis et articulés. Ils ont le mérite d’être authentiques.»

«Tous sont là pour eux-mêmes, précise-t-il. Les Dear Criminals ne sont pas sur scène que pour accompagner; ils sont là en tant que voix autonome et originale.»

Car l’atmosphère risque d’être lourde par moments, prévient le nouveau metteur en scène. «Ça va nous prendre des petites ­minutes tampons. Entre certaines ­interventions, il va falloir qu’on aille ailleurs. Les Dear Criminals vont essayer de nous lier entre nous quand ce sera nécessaire.»

«Il y a des moments où les gens vont rire aux larmes, d’autres où ils auront des larmes pour d’autres raisons.» – MARC SÉGUIN

Sans trop en révéler sur le contenu de la soirée, Marc Séguin indique qu’un des thèmes abordés au fil des performances sera l’avenir de la perception du corps des femmes. «Sans que personne ne se parle, ce sujet a surgi chez plusieurs participants, se réjouit-il. Avec tout ce qui s’est passé ces dernières années, notamment les dénonciations, ça en a interpellé plusieurs. C’est beau que ça ait fait surface naturellement.»

La cartomancienne Christine-Claire, quant à elle, partagera les préoccupations qu’elle entend le plus régulièrement. «Il y a des questions qui nous obsèdent d’une manière intime, et que parfois, on révèle à des gens à qui on donne une forme d’autorité, comme elle», commente Marc Séguin.

Le peintre-cinéaste-auteur-nouveau-metteur-en-scène aura-t-il sa place sur scène? «Écoute, j’ai assez de trac et de nervosité comme ça, je vais rester en coulisse!» répond-il en riant.

Demain et aujourd’hui
Ironiquement, notre préoccupation face à l’avenir fait en sorte que «nous sommes obsédés par un présent narcissique», estime l’artiste.

«On a ce besoin d’exister au quotidien, on veut le prouver en partageant une photo de notre plat. Je me suis posé la question longtemps : Pourquoi est-ce qu’on veut absolument dire qu’on est là, tout le temps, partout? C’est juste une piste, mais je soupçonne que c’est parce qu’on est inquiet de l’avenir.»

En résulte un manque de vision à long terme. «Notre temps souffre d’une myopie généralisée», illustre-t-il, citant en exemple les égoportraits que prend régulièrement le premier ministre canadien Justin Trudeau. «C’est toujours au présent. On se demande si les politiciens prennent des décisions pour les générations futures.»

Pourtant, «on se fait dire à grand coup de médias que la Terre ne va pas bien». Heureusement, selon lui, une partie de la population se montre de plus en plus déterminée à vouloir protéger l’environnement. «Tout d’un coup, une idée d’avenir vient de renaître.»

Dans ce grand questionnement sur le présent et l’avenir, Marc Séguin joue aux metteurs en scène pour la première fois. «C’est très excitant, parce que c’est autre chose, ce sont d’autres codes. J’apprends», dit-il d’un ton enthousiaste.

Le créatif aime particulièrement le contact humain en temps réel que permet le théâtre. «Il faut que les gens se déplacent, et quelqu’un va leur parler sur scène, il y a quelque chose de beau là-dedans.»

Cette première incursion dans ce domaine lui a donné la piqûre, lui qui a horreur de se sentir dans ses pantoufles. «D’un coup que j’ai compris tous les codes, je ne trouve plus ça le fun. Je pense qu’une des forces de ce spectacle est que je ne suis justement pas encore contaminé par le théâtre. Je ne comprends pas tout ce que c’est. Tout est de l’émerveillement. Ça me rapproche d’une création que j’estime, que je trouve vive et nécessaire.»

Infos

La diseuse de bonne aventure
Mercredi, jeudi et vendredi prochains au CTD’A
Coproduit avec le Festival du jamais lu

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