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Charles Beauchesne: faire la paix avec la mort

L'humoriste Charles Beauchesne présente son spectacle «Les corbeaux me regardent d’un air bizarre» au Zoofest. Photo: Josie Desmarais/Métro
Marie-Lise Rousseau - Métro

Si les corbeaux le regardent d’un air bizarre, c’est parce que Charles Beauchesne est terrorisé devant l’inévitabilité de la mort. Heureusement, l’écriture de son troisième spectacle solo lui a permis de faire la paix.

Sur scène comme en entrevue, l’humoriste qui fait de tout ce qui est macabre sa marque de commerce – son identifiant Twitter est @SinistreCharles – s’exprime de façon théâtrale, appuyant son propos par de drôles de mimiques et des intonations dignes de personnages de dessins animés, qui sont d’ailleurs une de ses grandes sources d’inspiration.

Quelle est la genèse de ton spectacle Les corbeaux me regardent d’un air bizarre?
J’ai passé le cap de la trentaine il y a trois ans et j’ai eu un moment de badtrip existentiel absolument monstrueux. J’ai pogné un fixe sur la peur de mourir. Une fois, à l’arrière d’une voiture, je me suis dit : «Ah! C’est drôle, à tout moment on pourrait prendre le fossé et ce serait la fin de mes aventures sur Terre.» J’ai passé deux semaines seul dans mon appartement à réfléchir à ça. Puis, j’ai fait la paix avec ça et j’en ai tiré un spectacle.

La trentaine t’a amené à avoir ces questionnements?
C’est surtout une réflexion sur le vieillissement, sur le fait que tout ce qui est beau va à un moment donné dépérir sous nos yeux… Comme une espèce de Gérard Depardieu métaphorique. J’ai un numéro là-dessus, il vient illustrer mon point.

Ce sont des enjeux très sérieux pour un spectacle d’humour. Comment les rends-tu drôles?
En essayant de cour-circuiter toutes les affaires qui nous feraient peur à la base. Je prends le temps de regarder le plus laid, le plus épeurant, nos angoisses… Pourquoi est-ce qu’on a peur de la mort, les humains? C’est une peur qu’on a depuis les hommes des cavernes. Pourquoi? Parce que c’est l’inconnu.

Et les corbeaux dans tout ça?
C’est une métaphore. Tout peut arrêter à n’importe quel moment. Peu importe qu’on mange santé, qu’on fasse du jogging, rien ne va empêcher un 18 roues de nous passer dessus. Les corbeaux, c’est la menace liée auu fait que tout va éventuellement arrêter pour tout le monde. On partage tous ça, même la reine d’Angleterre.

«Il y a toujours du bien derrière ce qu’on assume être mauvais, et du mauvais­ derrière ce qu’on assume être bien.» Charles Beauchesne

N’est-ce pas un peu déprimant de voir les choses ainsi?
Je me veux rassurant, parce que le cheminement que j’ai fait pour en arriver à ce spectacle m’a rassuré. Je dis au monde : «Attendez : ça va aller.» C’est correct que les choses s’arrêtent à un moment donné. C’est correct qu’on soit des êtres limités dans le temps et l’espace. Ce serait abominable si c’était le contraire. La seule affaire importante, de façon générale, est d’apprécier le moment présent. C’est quétaine! Mais veux, veux pas, c’est ça, la clé de la philosophie des gens qui veulent se détendre.

Au-delà d’un spectacle d’humour, c’est aussi une conférence philosophique?
Oui! Je pense que l’humour est une bonne façon de faire passer des sujets plus compliqués et qui font peur.

On te décrit souvent comme un maître de l’étrange. Qu’est-ce qui te plaît dans ce créneau?
C’est vraiment devenu ma couleur; c’est noir! J’ai toujours été le kid qui retourne les pierres pour voir les bibittes en dessous. C’est ma passion! À la plage, j’aime creuser et trouver des mollusques, des corps de méduse, des restants de requin, des affaires que les gens ne veulent pas voir… Quand j’étais petit, j’étais fasciné par les méchants de dessins animés.

Ah oui? Lesquels?
Jafar, le professeur Moriarty… (Moment de réflexion) T’sais, dans l’Inspecteur Gadget, le méchant, Docteur Gang? On ne montrait que ses mains, sa chaise et son chat. Pourquoi? C’est une vieille règle du film d’horreur : il n’y a rien de plus épeurant que ce qu’on s’imagine dans notre tête. Subconsciemment en tant qu’enfant, ça m’a séduit. Ton imaginaire est toujours plus puissant, il va toujours déclencher des émotions plus fortes que celles que l’auteur veut déclencher chez toi. J’aime montrer mon illustration des choses et déclencher des émotions avec ça. Ça a du sens?

Bien sûr. À quel moment as-tu réalisé que cette fascination pour le laid et le mal se prêterait bien au stand-up?
Je n’ai jamais vu les choses d’une autre manière. Dans une carrière artistique, il faut parler des affaires qu’on aime et qu’on connaît.

Cette fascination aurait aussi bien pu se prêter à la littérature ou au cinéma d’horreur?
Oui, mais j’aime parler, j’aime écrire… J’aime rire! Ce n’est pas quelque chose que les gens m’entendent dire souvent, mais ça fait du bien de rire et de dédramatiser ces choses-là. C’est un processus autant pour moi que pour le public.

Qui sont tes modèles?
J’en ai deux, je dirais. J’écoutais ÉNORMÉMENT de dessins animés quand j’étais petit. Il y en a un en particulier qui a construit la façon dont je fais de l’humour. C’est Duckman, qui raconte les aventures d’un canard détective privé à Los Angeles. C’était de l’humour de longue élucubration. La performance de livraison était tellement impressionnante!

Et puis, j’ai eu un magnifique professeur d’histoire au secondaire, qui m’a encouragé à parler et à avoir une opinion. Son enseignement était très théâtral. Il savait raconter et il y prenait plaisir.


Passion histoire
En plus de son spectacle solo, Charles Beauchesne présente à Zoofest Le comédiéval show avec Jessy Sheehy, dans lequel les deux humoristes personnifient Pierrick et Yorick, deux ménestrels du Moyen Âge.

«Jessy et moi, on sort depuis plusieurs années dans des Grandeurs nature l’été, raconte-t-il. C’est notre façon de tirer la plogue et de ne pas être des humoristes. Ironiquement, ce qu’on s’en va faire là, c’est être des troubadours, donc exactement la même affaire, mais seulement pour le plaisir. Et justement, on a tellement de plaisir à faire ça qu’on a créé ces deux personnages complètement surjoués. On est deux gros nerds et on a créé un produit de gros nerds. Là, on a décidé de les sortir dans le vrai monde pour une première fois.»

Soyez rassurés, ça ne s’adresse pas qu’aux «gros nerds» comme eux. «Il y a autant des blagues pour les gens qui ont joué à Donjons et dragons dans un sous-sol toute leur adolescence que pour ceux qui n’ont pas vu Le seigneur des anneaux», assure-t-il.

Ce spectacle découle de la fascination qu’entretient le jeune humoriste pour le côté funeste de l’histoire. Cette même passion lui a inspiré le balado Les pires moments de l’histoire avec Charles Beauchesne, offert sur Urbania, dans lequel il revisite des pages peu reluisantes du passé. Une deuxième saison est en préparation pour l’automne.

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