L’amour d’un père
Les difficultés du vivre-ensemble au quotidien trouvent tout leur sens dans C’est ça l’amour, la nouvelle fiction éminemment personnelle de Claire Burger.
La réalisatrice française n’a d’ailleurs pas hésité à revisiter l’histoire de ses parents au moment de leur rupture.
«Je me suis rendu compte que, lorsque je l’ai vécue, adolescente, je n’avais pas compris grand-chose, confie la cinéaste, rencontrée à Paris dans le cadre des Rendez-vous d’Unifrance. À l’âge adulte, alors qu’il m’arrivait un peu la même chose, je pouvais regarder ça
différemment.»
La famille a toujours été au cœur de son art. Dans son précédent long métrage Party Girl, Caméra d’Or en 2014, elle s’intéressait à une mère forte et indépendante qui renonçait à sa vie de famille pour sa vie de femme.
Ce que j’essaye de montrer avec ce film, c’est que c’est dur l’amour. C’est un travail. Et on échoue beaucoup.
Claire Burger, réalisatrice et scénariste de C’est ça l’amour
C’est le contrepoint masculin qui est cette fois abordé, alors qu’un père (Bouli Lanners) voit son monde s’écrouler depuis le départ de son épouse. Avec ses deux filles adolescentes qui quitteront un jour le nid, il devra apprendre à se réapproprier son existence.
«Quand ma mère est partie, mon père s’est occupé de nous et c’est quelque chose qu’on voit peut-être plus rarement dans la société, mais aussi au cinéma, rappelle la metteuse en scène. J’ai eu le sentiment que c’était intéressant de parler des hommes dans leur affection, leur tendresse et leurs capacités à investir l’endroit de la famille.»
Difficile d’imaginer pour l’occasion un interprète plus touchant et attachant que Bouli Lanners (De rouille et d’os). Le grand acteur belge atteint d’ailleurs des sommets en paternel dévoué, dépassé par les événements.
«Bouli a en commun avec mon père quelque chose de l’ordre de l’enfance, surtout dans le regard, dit sa scénariste. Il est émotif et il dégage une humanité très forte. Il a ce côté nounours, une sensibilité comme ça, à fleur de peau.»
C’est ça l’amour n’est pourtant pas qu’une œuvre sur des personnages à la croisée des chemins. La caméra intime cherche l’authenticité à tout prix, et le recours à des comédiens non professionnels rend palpable le lieu où se déroule l’action.
«J’avais envie de faire exister, dans cette crise familiale, la crise de cette ville, Forbach, explique celle qui a un amour sans limite pour le cinéma de John Cassavetes et de Maurice Pialat. C’est un endroit où le Front national est extrêmement présent, de façon assez dangereuse, parce que toutes les communautés se déchirent maintenant qu’il n’y a plus d’emploi. C’était vraiment quelque chose d’extrêmement important d’aller là-bas, de travailler avec ces gens et de créer du lien social. La culture sert à ça.»