Margaret Trudeau: une thérapie par le rire
Ex-femme de premier ministre, mère d’un autre, noceuse célèbre dans les années 1970 et 1980, Margaret Trudeau travaille aujourd’hui à sensibiliser le public à l’importance de la santé mentale. Après avoir raconté sa vie avec la bipolarité dans des livres et des conférences, elle porte maintenant son message d’acceptation sur la scène du festival Just for Laughs.
La vie de Margaret Sinclair Trudeau est digne d’un scénario hollywoodien. Mariée à 21 ans à Pierre Elliott Trudeau, elle a rencontré le gratin mondial avant de faire les manchettes pour ses excès après leur séparation.
Mère de cinq enfants, dont un certain Justin, elle aussi a vécu avec un diagnostic de bipolarité reçu au début de la vingtaine. Mais ce n’est que 25 ans plus tard, après la mort de son fils Michel, qu’elle est finalement allée chercher l’aide nécessaire.
Aujourd’hui âgée de 70 ans, elle revient sur sa vie marquée par de grandes joies et de grands drames dans son spectacle solo Certain Woman of an Age.
Métro a discuté avec Margaret Trudeau quelques heures avant sa première montréalaise.
D’où vous viennent cet amour de la scène et cette volonté de vous raconter?
Je suis une ambassadrice pour la santé mentale depuis des années. Cela veut dire que je saisis chaque occasion qui se présente pour parler de ce sujet devant un public. C’est une chance de pouvoir faire un tel plaidoyer pour ceux qui souffrent de maladie mentale et pour leurs familles, qui doivent vivre avec quelqu’un qui n’est pas diagnostiqué ou qui ne suit pas un traitement adéquat.
«Je suis contente d’avoir finalement un metteur en scène dans ma vie. La seule personne qui ait essayé de me diriger avant, c’est Pierre Trudeau, et on sait tous comment ça s’est terminé.»
Margaret Trudeau se dit très chanceuse de travailler pour la première fois avec une «équipe de femmes extraordinaires» pour Certain Woman of an Age : la productrice Diane Alexander, la metteuse en scène Kimberly Senior et l’auteure Alix Sobler, avec qui elle a co-écrit le spectacle.
Dans votre spectacle, vous riez de votre propre maladie mentale, la bipolarité…
Bien sûr! Si je ne le faisais pas, les gens se poseraient des questions. [Rires] Rire de soi, de ses défauts, d’une façon légère, est souvent une bonne façon de se présenter. Les gens comprennent ainsi que c’est quelque chose de normal chez vous. C’est qui vous êtes vraiment. On a tous des défauts et on ne peut pas être parfait. On doit laisser les autres le savoir, honnêtement et ouvertement, pour ne pas qu’ils aient des attentes envers nous qu’on ne pourrait que décevoir.
Combien de temps vous a-t-il fallu pour être capable d’en rire?
[Soupir] Il m’a fallu cinq ans après la mort de mon fils Michel [décédé dans une avalanche en 1998] pour que mon cerveau guérisse du traumatisme de cette perte. Le cerveau a besoin de temps pour se remettre d’un trauma.
Cinq ans après la mort de Michel, j’ai finalement retrouvé ma joie de vivre, mon rire, ma vie. Lorsque je suis sortie des horreurs que j’ai vécues, j’ai retrouvé un monde dans lequel j’étais très heureuse. Un monde où j’étais bien, après avoir reçu les traitements appropriés. Je n’étais plus seule, triste, misérable ou en colère. J’ai dû apprendre comment être heureuse.
Considérez-vous qu’on puisse rire de tout? Y a-t-il certains sujets que vous évitez?
Je considère que j’ai un bon sens de l’humour et je vais toujours rire d’une bonne blague. Mais je n’aime pas les blagues blessantes, dégradantes ou humiliantes qui ne laissent pas la chance de répliquer. C’est mesquin. Mais une bonne blague… J’adore rire. Dans mes conférences «normales», j’adore conter des blagues, simplement pour changer l’atmosphère dans la salle. Après une bonne blague, tout le monde se sent mieux et peut aller de l’avant.
Le rire est-il la meilleure façon d’accepter ses propres problèmes de santé mentale?
Pas nécessairement. L’une des premières choses qu’on perd, particulièrement lorsqu’on traverse une dépression ou des troubles anxieux, est sa capacité de rire, de rire de la vie et de soi. On perd son sens de l’humour, on ne voit plus l’aspect comique de certaines situations, les films ne nous font plus rire. On se dit : «Les gens autour de moi rient, pourquoi pas moi?» C’est parce que notre cerveau est un mode fonctionnel uniquement.
Il faut aller chercher de l’aide pour s’en sortir et être capable de rire de nouveau. Mais le rire n’est pas la cible première. L’objectif doit être de se pardonner à soi-même et de s’ouvrir aux autres, et de ne pas choisir d’être seul, triste et de se priver de la chance de faire partie de ce monde magnifique.
La source de tout ce que je fais vient du fait que, plusieurs fois dans ma vie, j’ai perdu le goût de vivre. C’est très fréquent chez les gens bipolaires. Notre vie est faite de hauts et de bas. Mais nous voulons vivre une vie paisible. Et c’est possible. Mais c’est un combat à mener, un combat qui ne peut pas être mené seul.
Comment votre famille a-t-elle réagi lorsqu’elle a vu le spectacle?
Ce fut un love fest après la représentation. J’ai reçu tellement de câlins et de «Je t’aime». Des mots rassurants et encourageants qui font si plaisir lorsqu’ils viennent de sa famille. J’ai la chance d’avoir une famille qui me soutiens énormément. Ils m’ont vu grandir lors des 20 dernières années.
Margaret Trudeau : Certain Woman of an age
Ce soir et demain au Gesu