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Mobydick & Friends: aller-retour Montréal-Marrakech

Mobydick & Friends
Philippe Manasseh, Nadim Maghza, Nadia Essadiqi, Younes Taleb, alias Mobydick, et Francis Brisebois, guitariste de La Bronze. Photo: Jawad Elajnad/Collaboration spéciale

Une note à la fois, la chanteuse La Bronze, le duo électronique Wake Island et le rappeur Mobydick bâtissent des ponts entre le Maroc et Montréal, avec un petit détour par Beyrouth.

Qu’on en commun ces trois entités musicales qui couvrent un spectre musical extrêmement large, de la chanson pop au rap? Des origines qui remontent jusqu’au cœur de la culture arabe, des valeurs d’ouverture et de partage, quelques notes d’électro et une langue commune: le français.

Le trio s’est réuni au début du mois de septembre pour une tournée express au Maroc. Six spectacles en six jours dans autant de villes: Tanger, Fes, Rabat, Marrakech, Essaouira, Casablanca. Pas le temps de niaiser!

Vendredi, ils boucleront la boucle en se produisant sur la scène du Ministère dans le cadre du festival Pop Montréal. Il s’agit d’un retour à la maison pour La Bronze, alias Nadia Essadiqi, née au Québec de parents marocains, et pour les gars de Wake Island, Philippe Manasseh et Nadim Maghzal, deux Libanais qui se sont installés dans la métropole dans les années qui ont suivi la guerre civile au pays du cèdre.

Et il s’agira d’une première visite en sol canadien pour Younes Taleb, mieux connu sous le nom de Mobydick, figure importante de la scène rap au Maroc.

«On parle le même langage. On ne fait peut-être pas la même musique, mais on partage la même vibration, la même fréquence.» Younes Taleb, rappeur, à propos des liens qui unissent les trois groupes.

Le projet est une belle occasion de faire danser des deux côtés de l’Atlantique évidemment, mais aussi de réfléchir à la complexité de l’identité arabe et aux liens qui existent entre les différents acteurs de la francophonie que sont le Québec, le Maghreb et le Proche-Orient.

«On voulait un peu démystifier le mot arabe et les amalgames qu’on peut faire. Le terme “arabe”, c’est un peu comme le terme “asiatique”. C’est tellement grand, explique Philippe Manasseh, originaire de Beyrouth. Le monde arabe n’est pas monolithique. Il existe une variété de peuples et de religions. Je n’ai rien contre le mot “arabe”, mais j’aime en parler comme une culture plutôt que comme une identité nationale.»

«Chaque région a pris cette influence culturelle et religieuse et l’a métamorphosée en quelque chose de propre à sa réalité, ajoute son collègue Nadim Maghzal. Ce qui nous unit, c’est la langue et la culture.»

Et un peu l’histoire également. Après tout, le monde arabe actuel est l’héritier de vastes empires qui ont rayonné du Golfe persique jusqu’à l’Espagne.

Des empires qui ont cédé le pas à la colonisation européenne aux 19e et 20e siècles. Dans ce contexte, quel rapport entretiennent les artistes avec la langue de l’ancien colonisateur français?

«Le rapport est viscéral, estime Philippe Manasseh. Ça devient notre langue, ce n’est plus la langue de la colonisation. Mais parfois, on réalise qu’on vit en français à Rabat ou au Liban et c’est un peu étrange. Ça permet vraiment de comprendre comment fonctionnent les mécanismes du capitalisme et de la colonisation.»

Cette langue sert aussi de lien avec une autre ancienne colonie française (eh oui, on l’oublie parfois!), le Québec. Le but du projet est non seulement de permettre à des artistes d’ici de se produire au Maroc, mais aussi d’aider la scène musicale marocaine à se développer, tant au niveau créatif que logistique.

«Au Québec, on a une industrie musicale très développée, des salles, des labels, etc. Toute cette infrastructure qui nous permet en tant que musicien de créer, mais aussi de diffuser notre création, rappelle Philippe Manasseh. Quand on va dans des pays comme le Liban et le Maroc, on remarque immédiatement le manque d’infrastructures: le manque de salles et de réseaux de diffusion.

«Finalement, c’est plus simple pour un artiste québécois d’aller jouer en Europe ou aux États-Unis. Mais c’est inacceptable qu’on laisse de côté ces pays. Ça devient élitiste de tourner toujours dans les mêmes pays. On a la responsabilité de partager nos acquis. De montrer, sans condescendance, comment on peut s’organiser. Parce que tout le monde mérite la musique.»

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