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Littérature: Peter Handke, prix Nobel et auteur controversé

Peter Handke
Peter Handke Photo: Johannes Simon/Getty Images

Inlassable marcheur en quête du langage, l’Autrichien Peter Handke, couronné jeudi du Nobel de littérature, est un auteur foisonnant en lutte contre les conventions, au prix de violentes polémiques, notamment en raison de ses prises de position pro-serbes.

Le Nobel de littérature? «Il faudrait enfin le supprimer. C’est une fausse canonisation» qui «n’apporte rien au lecteur», aime à affirmer l’écrivain de 76 ans, silhouette élégante, cheveux argentés rejetés en arrière et regard perçant derrière de fines lunettes.

Dans le monde de l’édition, nombreux sont d’ailleurs ceux qui pensaient que le prix lui échapperait à jamais, malgré une oeuvre mondialement reconnue, à cause de son engagement pendant la guerre en ex-Yougoslavie.

D’origine slovène par sa mère, l’écrivain né le 6 décembre 1942 en Carinthie (sud de l’Autriche), s’affiche alors comme un des rares intellectuels occidentaux pro-serbe.

A l’automne 1995, quelques mois après le massacre de Srebrenica, il part en Serbie et rapporte ses impressions de voyage dans un livre controversé, Voyage hivernal vers le Danube, la Save, la Morava et la Drina.

En 1999, il rend un prestigieux prix littéraire allemand, le prix Büchner, et quitte l’Église catholique pour protester contre les frappes de l’OTAN sur Belgrade, évoquant un «nouvel Auschwitz».

Sept ans plus tard, il provoque un tollé en se rendant aux funérailles de l’ex-président yougoslave Slobodan Milosevic, accusé de crimes contre l’humanité et génocide.

Il est contraint de renoncer à un prix que doit lui décerner la ville de Düsseldorf et la Comédie-Française déprogramme l’une de ses pièces.

Des intellectuels, dont sa compatriote Elfriede Jelinek, Nobel de littérature en 2004, prennent sa défense. Mais la polémique occulte pour un temps médiatiquement le travail de Peter Handke.

«La force d’être universel»

L’auteur autrichien, qui a signé plus de 80 oeuvres, n’en demeure pas moins un des auteurs de langue allemande les plus lus et les plus joués dans le monde.

Sa dernière pièce, Les innocents, moi et l’inconnue au bord de la départementale, où perce une autocritique, est créée en février 2016 au Burgtheater de Vienne, en coproduction avec le Berliner Ensemble.

«J’ai le rêve et j’ai la force d’être universel», résume Handke lors de la réception en Allemagne d’un prix de la Littérature européenne, lançant au jury: «N’ayez pas peur de moi!».

Il a également eu les honneurs de la Mostra de Venise la même année, où son ami de toujours Wim Wenders présentait Les beaux jours d’Aranjuez, sur un de ses scénarios. «Sans lui, je serais peut-être devenu peintre», confie alors le cinéaste allemand.

Fait citoyen d’honneur de la ville de Belgrade en février 2015, Peter Handke n’a jamais renié son engagement pro-serbe.

Couronné du prestigieux prix Ibsen de théâtre en 2014, il consacre une partie de l’argent de la récompense à la construction d’une piscine publique dans une enclave serbe du Kosovo.

«Père, ne leur pardonne surtout pas», lance-t-il l’an dernier lors d’une visite à Belgrade, paraphrasant la Bible pour vilipender les dirigeants occidentaux des années 1990 qu’il juge responsables de la guerre.

L’influence du Nouveau Roman

Profondément marqué à 15 ans par la lecture de Sous le soleil de Satan de Georges Bernanos, il publie son premier roman, Les frelons, en 1966.

L’ancien étudiant en droit est influencé par les Français Claude Simon et Alain Robbe-Grillet.

«J’étais toujours en danger de tomber dans l’auto-analyse. Le Nouveau Roman m’a aidé à extérioriser, à regarder», explique-t-il.

La même année, il fait sensation avec sa première pièce Outrage au public où s’entrechoquent injures aux spectateurs, messages de désarroi et critique radicale de la littérature engagée.

L’auteur de 24 ans attaque les principes esthétiques du «Groupe 47», qui domine les lettres allemandes de l’après-guerre et oppose un refus radical à l’usage préétabli de la langue. Le thème sera au centre de son oeuvre.

Maître de la prose, il développe un style tranchant et intense, disant «ne pas rechercher la pensée mais la sensation».

L’Angoisse du gardien de but au moment du penalty, en 1970, puis Le malheur indifférent (1972), bouleversant requiem dédié à sa mère, lui apportent la notoriété.

La migration, la solitude, rythment une oeuvre foisonnante: une quarantaine de romans, essais et recueils, une quinzaine de pièces de théâtre, mais aussi des scénarios, dont celui des célèbres Ailes du désir pour son ami Wim Wenders.

Depuis 1991, Peter Handke s’est établi à Chaville, en banlieue parisienne, dans une maison abritée par les thuyas en lisière de la forêt, où cet infatigable marcheur glane l’inspiration.

«Je suis un penseur de l’instantané: je ne suis même que cela. Narrer ne m’intéresse pas, mes intrigues sont masquées, enfouies; je préfère réaliser, au sens où l’entendait Cézanne».

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