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«Waska Matisiwin»: les chansons de résilience de Laura Niquay

L'artiste atikamekw Laura Niquay Photo: Josie Desmarais/Métro

Pas besoin de comprendre la langue atikamekw pour ressentir tout le souffle, la force et l’énergie qui habitent la musique de Laura Niquay. Sur l’album Waska Matisiwin, elle offre 12 chansons de résilience comme autant d’hymnes folk aux accents de pop et de grunge empreints d’espoir et de lumière.

«Waska Matisiwin, ça veut dire le cercle de vie», précise la chanteuse originaire de la communauté de Wemotaci, en Mauricie, rencontrée lors d’un séjour à Montréal. Tout son album est porté par des valeurs qui lui sont chères, comme la famille, l’identité, la culture et la nature.

La toute première chanson, Wactenamaci (Illumine-moi) s’ouvre d’ailleurs sur des coups de tonnerre et des sons de pluie enrobés de douces harmonies vocales. «C’est vraiment important de me connecter avec mes racines», dit-elle.

C’est pourquoi sur Moteskano, Eki Petaman et Kirano, on entend de galvanisants chants traditionnels de pow-wow. «Avec la covid, les pow-wow ont cessé. J’ai donc voulu intégrer ces sons dans l’album», raconte-t-elle.

Plutôt réservée, Laura Niquay s’exprime pleinement à travers sa musique et son chant si unique. D’emblée, son incomparable voix éraillée – ou «sablée» comme elle la qualifie elle-même –, qu’elle module comme un instrument, retient l’attention. Sur certaines chansons, elle est très rauque, sur d’autres, elle se fait plus douce.

«Même quand je parle, des fois, je me surprends moi-même!» lance-t-elle en riant lorsqu’on lui partage cette observation.

Une affaire de famille

Autodidacte, Laura Niquay n’a jamais suivi de cours de chant. Elle a plutôt grandi dans une famille de musiciens, de qui elle a «hérité du talent Niquay», dit-elle tout sourire.

Même si elle habite aujourd’hui à Trois-Rivières – «Je suis vraiment une nomade! Je suis tout le temps dans mes bagages, c’est ça ma vie», rigole-t-elle – l’artiste demeure très proche de sa famille. En font foi les textes de ses chansons, dont nous avons pu lire une traduction sommaire.

Sur Moteskano (Les sentiers de nos ancêtres), elle parle des valeurs que lui a transmises sa mère. Sur Nicto Kicko (Trois jours), elle raconte une visite chez son père en compagnie de son frère. Ce même frère à qui elle offre l’émouvante chanson, Nicim (Mon petit frère), qui traite du suicide sans le nommer directement.

«Il a voulu le faire. Une chance qu’il m’a appelé cette nuit-là», confie Laura Niquay. Bouleversée par cet appel à l’aide, elle lui a écrit ce morceau qui détonne de l’ensemble avec ses sonorités hip-hop et reggae, des styles affectionnés par son frère. «Cette musique est là pour remonter le moral, explique-t-elle. Je dis là-dedans à mon frère qu’il n’est pas tout seul, qu’il est très bien entouré.»

Ayant la volonté que cette chanson soit portée par des hommes, elle a offert au chanteur innu Shauit d’y collaborer. Le percussionniste Gotta Lago, qui accompagne la chanteuse tout au long de l’album, se joint aussi aux chœurs.

C’est ce que Laura Niquay appelle une chanson de résilience. «Je voulais que ce soit un album résilient», dit-elle lorsqu’on évoque la grande portée de sa musique et de ses chants.

«J’ai fait beaucoup de ressourcement dans ma vie, ajoute-t-elle. J’en avais besoin. J’ai eu beaucoup de problèmes, de consommation, et tout. J’arrive de loin moi aussi.»

Si elle a persévéré dans la musique, c’est grâce à sa fille Anaïs, sa «plus grande fierté», à qui elle rend hommage sur Nitanis, Anaïs (Ma fille Anaïs). «C’est grâce à elle qu’aujourd’hui je suis ici, dit-elle. Ma famille me supporte beaucoup, beaucoup, beaucoup.»

Une chanson pour Joyce

La sortie de Waska Matisiwin survient sept mois presque jour pour jour après la mort tragique de Joyce Echaquan, cette femme atikamekw qui a été victime de racisme à l’hôpital de Joliette. «Ça m’a traumatisé, affirme sans détour Laura Niquay. C’est sûr que j’ai eu de la colère au début. J’ai pleuré, j’ai crié. C’est atroce ce que j’ai ressenti.»

La musique est devenue pour elle une façon d’évacuer le trop-plein et de transformer sa colère en acceptation. «T’sais, le pardon, il est très grand là-dedans», dit-elle, ajoutant qu’elle aimerait composer une chanson pour rendre hommage à Joyce.

«Je veux faire des chansons de résilience pour ne pas être trop dans la colère. La colère, ça brise tout, ça ne règle rien.» -Laura Niquay

Si le drame de Joliette a tristement révélé l’existence de la nation Atikamekw à de nombreux Québécois peu familiers avec les réalités autochtones, la musique de Laura Niquay est une formidable porte d’entrée pour découvrir une autre facette de cette communauté.

L’écoute de son album est notamment une superbe occasion de se familiariser avec la musicalité de la langue atikamekw. Laura Niquay est d’ailleurs la première artiste à sortir un album complet dans cette langue, en plus d’être la première Atikamekw à avoir joué au Francos de Montréal, en 2011.

Chanter et s’exprimer dans sa langue va de soi pour l’artiste qui s’adresse d’abord et avant tout à sa communauté. «Je le fais surtout pour nos jeunes, précise-t-elle. J’ai des neveux et nièces qui vivent en milieu urbain depuis quelques années, ils perdent la langue vite, vite, vite. En écoutant des chansons, ils la réapprennent.»

Laura Niquay est par ailleurs fière de représenter les femmes autochtones en musique. «J’encourage beaucoup les jeunes filles qui veulent faire ce métier, je suis prête à les guider.»


Waska Matisiwin

En vente et sur les plateformes d’écoute dès aujourd’hui

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