Danser pour se rapprocher de ses racines
Au-delà de l’expression corporelle, la danse aztèque offre aux membres du Ballet mexicain Alma Jaguar un moyen de renouer avec leurs racines. Leur mission? Maintenir vivante leur culture ancestrale et faire découvrir la danse traditionnelle mexica au Québec, à travers chacune de leurs prestations artistiques.
Près d’une dizaine de danseurs se donnent rendez-vous deux fois par semaine au Centre d’arts interculturels MAI dans le quartier Milton-Parc. Au bout du couloir qui mène au studio 223, jeunes et adultes enfilent leurs vêtements de danse et préparent soigneusement les accessoires, avant d’entrer dans la grande salle pour commencer leur réchauffement.
Pendant une heure et demie, ils répéteront une nouvelle chorégraphie, sous la direction de José Noé de Ita Zavala, directeur artistique et cofondateur du groupe.
Au-delà du spectacle
«La danse aztèque est une danse d’introspection, une prière en mouvement pour la renaissance et l’harmonie», dit M. de Ita après la séance de répétition, soulignant l’importance de respecter les rituels propres à la danse aztèque avant chaque prestation devant le public.
«Nous demandons d’abord la permission au territoire où nous allons performer, nous purifions les danseurs, nous saluons les quatre points cardinaux et nous faisons un rituel pour nous charger d’énergie», explique-t-il.
«Nous ne dansons pas seulement pour donner un spectacle ou pour le glamour, nous souhaitons connecter avec les gens à un autre niveau», ajoute Mme Gonzalez, cofondatrice et propriétaire du Ballet mexicain Alma Jaguar.
La danse aztèque a pour moi un but spirituel qui va au-delà du spectacle, elle me permet de découvrir qui je suis.
Abril Gonzalez, membre du Ballet Alma Jaguar, âgée de 22 ans
«Je ne connais peut-être pas tout sur mes ancêtres car je suis née ici, mais quand je me regarde dans le miroir, ils sont là. Je les reconnais dans mes traits, dans la couleur de mes yeux et de ma peau», exprime Abril, fille de Mme Gonzalez, qui s’est initiée à la danse à l’âge de neuf ans, rejoignant les rangs du réputé Groupe folklorique Nadxieli à Montréal.
Le départ
Deux ans après avoir séjourné à Montréal en 2019 en tant qu’étudiant international, M. de Ita a répondu à l’invitation de Leticia Gonzalez, ancienne membre de Nadxieli et fondatrice de Danses d’Amérique, qui souhaitait fonder avec lui une nouvelle troupe de danse folklorique, spécialisée en danse autochtone mexicaine.
C’est ainsi que le Ballet Alma Jaguar s’est consolidé en mai dernier, après avoir lancé un appel sur les réseaux sociaux afin de recruter des danseurs d’expérience.
Considérant que je n’avais aucune expérience locale, c’était formidable pour moi de pouvoir débuter ma troupe de danse à Montréal avec six danseurs.
José Noé de Ita Zavala, cofondateur d’Alma Jaguar
Formé professionnellement grâce à une bourse d’études qu’il a reçu du Ballet de l’Université des Amériques à Puebla au Mexique, M. de Ita a participé à des dizaines de spectacles annuellement pendant plusieurs années, avant de lancer sa carrière à l’international.
«J’ai commencé à recevoir des invitations pour collaborer avec des troupes de danse traditionnelle mexicaine à l’étranger, dont le gala annuel de The Mexicans Folk Ballet à Toronto en septembre 2017 et plusieurs festivals de danse folklorique en Indonésie et à Milan», raconte-t-il.
Unir ses forces
Dès sa formation, Alma Jaguar a établi un partenariat avec le Groupe Nadxieli, fondé à Montréal il y a 33 ans, ce qui permet à la troupe émergente de participer à des spectacles d’envergure.
«Nous les avons invités à collaborer avec nous dans plusieurs événements où notre groupe a été appelé à participer dans les derniers mois, notamment le Pow-wow de Kahnawake, la célébration du Jour du Canada à Montréal-Ouest et le Salon du tourisme à Montréal», dit Diana Obregón, présidente de Nadxieli.
À différence d’Alma Jaguar, qui vise la formation de danseurs professionnels, Nadxieli se voit comme un espace récréatif intergénérationnel «où les enfants ont l’occasion de reconnecter ou de découvrir la culture de leurs parents et leurs grands-parents à travers la danse folklorique».
«Plusieurs enfants nés ici dansent avec Nadxieli depuis qu’ils sont tous petits et continuent à danser avec eux ou ailleurs maintenant qu’ils sont dans leur vingtaine, comme ma fille Abril», renchérit Leticia Gonzalez, qui a été autrefois impliquée au sein du groupe.
Mme Obregón se dit donc heureuse de voir les deux troupes de danse rayonner à l’extérieur de la communauté mexicaine. «Nous soutenons Alma Jaguar depuis ses débuts. Nous sommes des groupes complémentaires, pas en compétition, alors nous nous entraidons.»
Rapprochement avec la Nation mohawk
«Nous avons été très émus d’avoir été invités à participer au pow-wow, ce fut très inspirant pour nos danseurs de pouvoir côtoyer des gens de l’une des Premières Nations», poursuit Mme Obregón.
Grâce au partenariat établi, 21 danseurs ont pu participer à la cérémonie. «Nous avons performé un rituel au centre sacré du site devant des milliers de personnes», dit fièrement M. de Ita.
C’était formidable de pouvoir leur montrer nos danses et de voir les leurs. Nos coutumes et nos valeurs sont similaires, nous avons beaucoup à partager et à apprendre les uns des autres.
Abril Gonzalez, jeune Québécoise d’origine mexicaine
«Ils nous ont dit qu’ils nous avaient invités parce qu’ils nous considèrent comme l’un des leurs. C’était un rêve pour moi de pouvoir partager ces moments avec eux», se réjouit Mme Gonzalez, mère d’Abril.
Alma Jaguar se concentrera cette année sur la consolidation et le perfectionnement de son équipe, souhaitant pouvoir offrir d’autres représentations au Québec et ailleurs au Canada à partir de 2023.
Ce texte a été produit dans le cadre de L’Initiative de journalisme local.