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Oliver Jones, l’autre parrain du jazz

Photo: Collaboration spéciale
Michael-Oliver Harding - Métro

Le pianiste émérite Oliver Jones revisite une importante tranche de l’histoire du jazz et de la communauté noire de Montréal.

Impossible d’aborder l’histoire du jazz au Canada sans évoquer son nom. Oliver Jones, pianiste émérite et maître jazzman ayant grandi dans le quartier ouvrier de Saint-Henri, à Mont­réal, dans les années 1940, est sans doute le pianiste jazz canadien s’étant mérité le plus d’éloges à l’étranger après son grand ami – celui auquel il attribue son inspiration première –, le regretté Oscar Peterson.

Jones, qui vivait à l’époque à quelques pas de la famille Peterson, se souvient d’une conversation marquante avec Daisy Peterson Sweeney, sœur aînée d’Oscar lui ayant enseigné le piano, alors qu’il n’était qu’un simple gamin mélomane et avide de découvertes. «J’ai demandé à Daisy comment jouer comme Oscar», nous dit-il lorsqu’on le joint au téléphone, en prévision de ses deux concerts au Festival de Jazz. «Elle m’a répondu que ça prenait énormément de travail et une formation classique rigoureuse pour avoir la capacité d’improviser. C’est pour ça qu’Oscar est devenu un si grand talent : il maîtrisait les bases.»

Échanger à propos de musique avec le très affable Jones, c’est surtout avoir le grand privilège de revisiter une importance tranche de l’histoire du jazz et de la communauté noire de Montréal. Le pianiste de formation classique, aujourd’hui âgé de 78 ans, baignait dès l’enfance dans un environnement propice à l’épanouissement musical. Son père ayant été un grand adepte de Bach, le jeune Peterson fut encouragé à emprunter la voie des arts, lui qui a fait son baptême de scène à l’âge de cinq ans et s’est produit dans les clubs à partir de neuf ans.

Il se souvient toutefois de ne pas avoir été très emballé à l’idée de reprendre les classiques de Chopin et de Tchaïkovski. Le technicien doué que nous connaissons – acclamé pour son grand lyrisme, sa vitalité rythmique et la souplesse de son articulation – se rappelle avoir été beaucoup plus passionné par le boogie-woogie, le jazz et le blues à ses débuts. «Mes parents ne comprenaient pas mon intérêt [pour le jazz] parce qu’ils venaient de la Barbade», raconte-t-il en riant. «À neuf ans, je ne voyais pas la musique classique de la même façon qu’aujourd’hui. C’est drôle, car depuis 40 ans, c’est pratiquement juste ça que j’écoute.»

Évoquant la scène foisonnante de l’après-guerre à Montréal, Peterson garde en mémoire de précieux souvenirs des mythiques cabarets de la trempe du Rockhead’s Paradise et du Café St-Michel, où se succédaient les Nat King Cole, Louis Armstrong, Ella Fitzgerald et autres grands musiciens afro-américains n’ayant pas encore atteint le statut de superstars. «Saint-Henri était le quartier le plus noir à Montréal : 80 % de tous les Noirs y demeuraient. Il faut se le dire, ce n’était pas la meilleure époque pour être un jeune Noir au Québec», précise celui qui s’est vu décerner le prix Martin Luther King Jr. en 1992 pour sa contribution aux communautés noires du Canada. «Rockhead’s Paradise était d’une importance capitale pour tous les jeunes musiciens noirs, parce que c’était le terrain de jeu des grands musiciens de jazz de passage au Canada. À l’âge de 13 ans, j’en avais déjà vu tellement, c’était extrêmement inspirant.»

Jones, qui continue à faire rayonner la virtuosité de musiciens canadiens à l’étranger et qui a récemment lancé son 23e disque sous l’étiquette montréalaise Justin Time – Just For My Lady avec la violoniste mont­réalaise Josée Aidans – se dit extrêmement fier du chemin parcouru par «notre» festival. Après s’être exilé à Porto Rico pendant une quinzaine d’années, Jones n’en croyait pas ses yeux lorsqu’il est revenu à Mont­réal au début des années 1980 se produire lors de la deuxième édition du Festival International de Jazz de Montréal. «Quand j’ai quitté Montréal, le FIJM n’existait pas. Vous pouvez donc imaginer mon étonnement de découvrir un événement de jazz de cette envergure», affirme-t-il avec enthousiasme. Jones ne tarit d’ailleurs pas d’éloges sur cette grande fête de la musique. «Que je sois en Europe, en Asie ou en Nouvelle-Zélande, les musiciens me demandent toujours comment s’y prendre pour jouer au FIJM! Ça reste, dans mon cœur, le meilleur festival de jazz au monde.»

Oliver Jones au FIJM
À la Cinquième salle de la PdA
Ce vendredi et samedi à 19 h

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