Les maîtres du suspense: des histoires de fantômes
Dans Les maîtres du suspense, de Stéphane Lapointe, Michel Côté interprète Hubert Wolfe, auteur de polars à succès qui, en panne d’inspiration depuis 12 ans, a recours aux services d’un écrivain fantôme (Robin Aubert). Et quand ce dernier est lui-même atteint du syndrome de la page blanche, c’est à son tour de se faire aider par l’imaginatif Quentin (Antoine Bertrand). Métro donne la parole aux «fantômes».
Ils sont trois, issus d’univers très différents: Hubert (Michel Côté) est une véritable rockstar du polar, il collectionne les conquêtes, fréquente les soirées mondaines… et n’a rien écrit depuis une décennie. À sa place et sous son nom, c’est Dany (Robin Aubert), un écrivain taciturne auteur de romans obscurs, qui écrit les livres à suspense qui se vendent comme des petits pains chauds. Mais quand la femme de Dany (Anne Casabonne) le laisse alors qu’il s’apprête à commencer un nouveau manuscrit, il se retrouve en panne d’inspiration et doit lui-même avoir recours à un écrivain fantôme, qu’il trouve en la personne de Quentin (Antoine Bertrand), l’éducateur de son fils, un timoré à l’imagination fertile.
«Le réalisateur Stéphane Lapointe m’a dit à la blague: “Maintenant, tu vas jouer l’homme le plus faible du monde”, lance Antoine Bertrand, faisant bien sûr référence à son rôle dans Louis Cyr – L’homme le plus fort du monde, qui lui a valu un Jutra. J’étais excité à l’idée d’entreprendre un nouveau rôle et je trouvais que c’était une suite parfaite à Louis Cyr.»
L’ancien coanimateur des Enfants de la télé considère que le personnage de Quentin, un jeune homme dominé par sa mère («à mi-chemin entre Norman Bates et Caillou»), fait partie d’un genre de rôles qu’il a déjà joué au théâtre, mais pas tellement au cinéma. «Et même si j’ai gagné de la confiance depuis, avant l’âge de 20 ans, il y avait beaucoup de Quentin en moi, confie-t-il. Je suis à l’aise dans ce genre d’énergie. Autant je peux déplacer de l’air, autant j’aime le rien. Et le cinéma, c’est une bonne place pour explorer ça, parce que la caméra voit tout, tu n’es pas obligé d’en faire trop. Le défi, donc, c’était de rester vrai, même si le personnage est un peu un ovni.»
«À l’époque de Radio Enfer, Louis Saïa m’a appris les rouages de la comédie. Le sens du timing, tu l’as ou tu ne l’as pas. Mais c’est un muscle qu’il faut travailler.» – Robin Aubert
De son côté, Robin Aubert – à qui Stéphane Lapointe avait déjà fait jouer une version vulgaire de lui-même dans un épisode de Tout sur moi –, explique que le cinéaste a écrit le rôle pour lui – un personnage à la fois sombre et drôle qui sied comme un gant à Aubert. «Je pense que c’est un peu ce que les gens croient que je suis, peut-être à cause de mon film À l’origine d’un cri, qui était très personnel: le gars angoissé qui a des problèmes de couple et de drogue, suppose le comédien et réalisateur. Alors que dans ma vie, ça va très bien! Je suis papa d’une petite fille d’un an… Mais j’ai longtemps traîné cette réputation d’artiste tourmenté. Pourtant, je ne suis pas très lourd quand on travaille avec moi!»
Antoine Bertrand, qui avait déjà travaillé avec Robin Aubert pour la websérie des Chick’n Swell, était d’ailleurs heureux de retrouver celui-ci: «Je suis un fan de Robin depuis la Course Destination Monde, et c’est un acteur formidable. Puis Michel Côté… C’est Michel Côté. On était un peu faits pour s’entendre, on est des gars d’équipe, des rassembleurs.»
«Ma crainte, c’était le fait que Michel et Antoine sont des monuments du cinéma d’ici, et je ne voulais pas les décevoir, renchérit Robin Aubert. Je ne voulais pas qu’il y ait un clash entre nos jeux. Mais il faut dire que Stéphane Lapointe avait créé trois univers particuliers pour ses personnages, et la sauce a pris parce qu’on s’est super bien entendus aussi.»
«C’est un film qui mêle comédie, thriller, action, mystère… Il y a une ligne sur laquelle tout le monde est un peu funambule, il fallait que Stéphane Lapointe soit habile pour que le fil reste tendu. Mais l’idée était claire dans sa tête, il a mené sa barque avec cohérence, ingéniosité et efficacité.» – Antoine Bertrand
La littérature à l’écran
On le sait, en plus d’être acteur, Robin Aubert écrit – des films, des pièces de théâtre et de la poésie. Il s’est donc réjoui que le milieu littéraire se retrouve au centre d’un scénario. «Mais moi, je n’ai pas de ghostwriter! lance à la blague le comédien, qui travaille présentement à son prochain long métrage, une histoire de zombies intitulée Les affamés. J’aimais bien le sujet, et je crois que ça n’a pas souvent – sinon jamais – été traité au Québec.»
«Le fait que ça n’a pas beaucoup été exploré dans le cinéma québécois, ça nous permettait de glisser plein de petites blagues sur le sujet, que tout le monde peut comprendre, ajoute Antoine Bertrand. C’est un sujet qui sied bien à Stéphane, qui est drôle mais qui reste fin. Il évite les gags racoleurs et ne fera pas n’importe quoi pour obtenir un rire.»
«Comme Quentin est bizarre, on aurait pu avoir peur de le laisser avec des enfants, mais on sent que ce gars-là se jetterait devant un ours pour les protéger», dit son interprète, Antoine Bertrand. / Les films Séville
Les enfants du ciné
Son personnage dans Les maîtres du suspense étant un éducateur en garderie, Antoine Bertrand a partagé plusieurs scènes avec une ribambelle de bambins. Une expérience qu’il appréhendait un peu – les tournages avec des enfants sont réputés pour ne pas être faciles –, mais qu’il a, au final, adorée.
«Il y a des scènes assez importantes, notamment celle où Quentin fait un remue-méninges avec les enfants pour trouver des idées pour le livre, se souvient le comédien. Et je voulais qu’elle marche! La façon dont on a procédé, c’est qu’on cadrait un enfant, et j’improvisais avec lui. Ils avaient quelques répliques à dire, mais même si on pense avoir réussi à écrire comme un enfant penserait, ils peuvent sortir un truc qu’on n’aura jamais vu venir et qui va nous faire rire. On aurait été cons de se priver de cet imaginaire en ne les laissant pas improviser un peu. Les enfants sont dans la logique du jeu. Ils n’ont aucune conscience du paraître, ils “sont” dans la situation.»
Les maîtres du suspense
En salle dès mercredi