Julie Le Breton, de toutes les scènes
Elle a fait ses adieux à son rôle adoré de procureure dans Toute la vérité, a dit salut à son premier Gémeaux, a brillé sur les planches dans Les liaisons dangereuses et a tourné dans l’adaptation cinématographique de Paul à Québec. Nul doute, Julie Le Breton a vécu une année riche et mémorable. Elle nous en parle.
C’était votre année! Comment avez-vous vécu ça sur le plan professionnel, tout ce qui s’est enchaîné? Les beaux malaises, le prix Gémeaux, le doublé au théâtre…
Oui, c’est une belle année de récolte, quand même! (Rires) Mais c’est le genre d’année qui se prépare en amont. Pour le théâtre – Marie Tudor et Les liaisons dangereuses –, ça faisait quasiment un an que je me préparais psychologiquement, physiquement et concrètement à travailler mon texte et la diction, à faire de la recherche. Donc, quand 2014 a débuté, j’étais prête pour cette espèce d’erre d’aller. J’avais hâte que ça commence, en fait! J’ai fini mon gros rush il y a à peu près un mois. Comme j’ai tellement travaillé, je n’ai aucun problème à ne faire absolument rien! (Rires) Je peux hiberner, repenser à tout ce qui s’est passé et me dire: «J’ai appris ça.» D’avoir un peu de recul, ça permet aux choses de se déposer. C’est très agréable.
Est-ce que vous faites ça souvent, justement, décortiquer l’année qui s’est écoulée? Ou c’est particulier à 2014?
C’est particulier à cette année parce que les choses se sont vraiment imbriquées les unes dans les autres. J’ai fait Marie Tudor en même temps que je tournais Toute la vérité; j’ai tourné Les beaux malaises en même temps que je répétais Les liaisons dangereuses; puis le tournage de Paul à Québec [qui sortira en 2015, a coïncidé avec] la fin de Toute la vérité. C’est comme une année de vases communicants. Chaque chose a servi la suivante et m’a permis de découvrir de nouvelles cordes et couleurs dans mon jeu. C’est chouette.
Diriez-vous que vous avez appris sur votre jeu, à vous?
Énormément! Le théâtre permet ça beaucoup. Surtout quand on aborde de gros classiques. J’ai beaucoup appris parce que j’ai travaillé avec [les metteurs en scène] Serge Denoncourt et Claude Poissant. C’est des gens qui talonnent, qui ne lâchent pas, qui dirigent. Donc ça nous pousse, comme acteurs, à toujours nous questionner, à vouloir devenir meilleurs. Le travail se termine à la dernière représentation et encore, des fois, quand je marche dans la rue, j’ai des bouts de monologue qui me reviennent en tête et je me dis: «Oh non! Je le ferais différemment aujourd’hui!» (Rires)
C’était aussi l’année du succès fulgurant des Beaux malaises. La seconde saison s’en vient en 2015. Avez-vous des indices à nous donner sur les thèmes qui seront abordés?
C’est encore un peu les mêmes thèmes: le couple, la famille… Mais là, il va y avoir l’épisode des Fêtes, Les beaux Noël [le 31 décembre à 21 h sur les ondes de TVA]! Je pense que les gens vont vraiment se reconnaître et se dire: «Oh mon Dieu, que ça nous ressemble»! Parfois, la famille devient un lieu hyper sauvage. Les gens manquent d’écoute et de tact. On pourrait dire: «C’est juste de la fiction», mais non! Regardez vos familles et voyez à quel point les gens oublient d’être gentils les uns avec les autres.
Ce rôle comique plein de finesse vous a valu un Gémeaux. Un moment marquant de l’année, on imagine?
Tout à fait! C’était ma première fois et on a beau dire, c’est vraiment le fun de gagner! (Rires) Dans les dernières années, je me disais, ce n’est pas grave, j’ai été en nomination! Mais veut, veut pas, on a envie de remercier les gens avec qui on a travaillé, il y a une excitation, et quand on ne gagne pas, même si personne ne l’avoue, il y a une déception, un pincement au cœur. On s’en remet très rapidement, bien sûr! (Rires) Mais j’étais vraiment contente que Les beaux malaises soient reconnus de cette façon.
Quand vous avez gagné, vous en avez profité pour remercier Martin Matte, bien sûr, mais vous avez également parlé de l’importance des livres dans les écoles et d’un professeur que vous avez eu, qui vous a poussée à faire ce que vous faites. Ç’a été important pour vous de le souligner?
Oui, ça m’a complètement sciée cet été [lorsque le ministre Bolduc a déclaré qu’aucun enfant n’allait mourir si les commissions scolaires coupaient dans l’achat de livres pour leurs bibliothèques]. On est dans une espèce de mouvement où l’art devient un truc qui n’est pas important, un luxe superflu. On ne le voit plus du tout comme une base fondatrice. Ce prof que j’ai eu, lorsque j’étais jeune et que j’habitais en Suisse, avait rempli la classe de livres. Il m’a fait monter sur scène pour la première fois dans un récital de poésie en 4e année. Je pense qu’il faut arrêter de niveler par le bas en disant que les enfants ne comprendront pas. C’est important, quand on est jeune, d’être confronté à des choses qui sont plus grandes que nous. Ça nous permet de nous élever et de ne pas nous satisfaire de ce qu’on connaît. De sortir les livres des écoles, je trouve que c’est une aberration sans nom. Mais je pense que le ministre a réalisé que ce n’était pas une bonne idée avec le tollé qu’il y a eu par la suite!
Ces derniers temps, les annonces de coupes dans la culture pleuvent. Est-ce quelque chose qui a tristement marqué l’année, selon vous?
Oui… (Soupir) On est à une époque où l’économie régit tout. Qu’est-ce qu’on va faire avec notre pays une fois qu’on va l’avoir, le déficit zéro? Une fois que, socialement, culturellement, il va tellement y avoir eu de dommages et de coupes radicales dans plein de secteurs? Comment on va se remettre sur pieds? Je ne comprends pas cette course effrénée. Je crois qu’on ne peut pas penser à la culture en termes d’économie, même si l’économie fait rouler la culture. Ça me touche beaucoup. Pas parce que ça pourrait m’affecter dans mon travail, mais parce que je vois que ça affecte notre société qui est de plus en plus morose, repliée sur soi et de moins en moins ouverte sur le monde et sur les autres.
Les incontournables de 2014
Julie Le Breton a du goût! Voici ses coups de cœur de l’année.
- En musique. «Bernhari, un musicien hallucinant, éclaté, à voir sur scène. Il joue du drum, du clavier et il chante en même temps. Il a une voix magnifique. C’est de la pop-rock énergisante, intelligente, qui sort de l’ordinaire.»
- En littérature. «La déesse des mouches à feu, de Geneviève Pettersen. J’ai capoté! Je l’ai lu en trois heures et je ne voulais pas que ça se termine. J’ai adoré son écriture, qui est toute en beauté poétique québécoise, et son regard sur l’adolescence, qui m’a vraiment touchée.»
- Au petit écran. «Série noire! En rafale! Mon gros coup de cœur! Je suis aussi tombée en amour avec The Knick, sur HBO. Avec le spec-ta-cu-laire Clive Owen dans le rôle principal, [qui joue] un chirurgien cocaïnomane complètement éclaté. J’espère qu’il va y avoir une deuxième saison.»
- Au cinéma. «J’ai un coup de cœur divisé entre deux films. D’abord Tu dors Nicole avec la magnifique face de Julianne Côté qui est de tous les plans ou presque et qui habite la langueur de la fin de l’adolescence avec tellement de justesse! Et puis Mommy. Après [la projection], je me sentais nourrie, grandie, parce que je me disais que je venais de voir un grand film.»
- Au théâtre. «Trois, la conclusion du travail extraordinaire de Mani Soleymanlou. J’avais déjà vu Un et Deux, mais avec Trois, ça prenait tout son sens. Ce n’est pas du théâtre qui est replié sur lui-même. C’est du théâtre qui est ouvert et qui se questionne.»
- Au resto. «Le Laureat. C’est Hakim [Chajar] qui a gagné Les chefs! qui est le chef exécutif et c’est magnifique! C’est raffiné, c’est goûteux sans être prétentieux, c’est frais, c’est fait avec amour. On sent qu’il y a beaucoup de passion en arrière de tout ça.»