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Brooklyn: terre promise

Photo: Métropole films

Quitter son pays pour s’installer ailleurs. N’être ni tout à fait de sa terre d’adoption, mais plus vraiment de sa ville natale. L’écrivain et scénariste Nick Hornby (High Fidelity) et le réalisateur John Crowley transposent à l’écran ce déracinement qui vient avec l’immigration dans Brooklyn, adapté du roman de Colm Toibin, dans lequel Saoirse Ronan campe une jeune Irlandaise qui, dans les années 1950, quitte son village pour aller tenter sa chance aux États-Unis.

À 27 ans, John Crowley a quitté son Irlande natale pour aller s’établir à Londres afin d’y devenir metteur en scène. «Je connaissais déjà très bien Londres, peut-être même mieux que la capitale irlandaise, Dublin, se souvient-il. Et pourtant, quand j’y ai emménagé, mon rapport à la ville a changé. Visiter et habiter sont deux choses très différentes. Mais ce qui m’a frappé également, c’est que mon rapport à l’Irlande a aussi changé. Je ne voyais pas l’Angleterre comme “chez moi”, mais un endroit où je ne me sentais plus tout à fait Irlandais non plus. C’est ça, l’état d’exil. Et Saoirse Ronan [l’actrice irlandaise qui tient le rôle principal de Brooklyn] l’a vécu aussi.»

La comédienne, remarquée durant son adolescence dans Atonement et The Lovely Bones, a été le premier choix de Crowley quand celui-ci a été approché pour réaliser le film. «Elle avait l’âge parfait pour le rôle, croit-il. Elle avait prouvé son talent avec des personnages plus jeunes, et elle n’avait pas encore réellement été vue dans un rôle de jeune adulte. Elle était parfaite pour celui d’Eilis.»

«Pour les scènes se déroulant à Brooklyn, nous avons tourné plus de trois semaines à Montréal. C’était la première fois que j’y séjournais et j’ai adoré la ville. L’équipe montréalaise était formidable.» – John Crowley qui a fait appel notamment à Yves Bélanger comme directeur de la photographie et à François Séguin comme directeur artistique

Des premiers moments où Eilis se résout à embarquer pour Brooklyn, dans l’espoir d’y trouver de meilleures conditions de vie, mais laissant derrière sa mère et sa sœur, jusqu’au mal du pays dévastateur dont elle se départit peu à peu quand elle fait la connaissance de Tony (Emory Cohen), en passant par l’irrésistible appel de sa terre d’origine quand elle rentre temporairement en Irlande et y croise le charmant Jim Farrell (Domhnall Gleeson) – les émotions d’Eilis passent par le regard de Saoirse Ronan, qui a d’ailleurs décroché une nomination aux Golden Globes pour cette performance. «C’était important qu’on comprenne son dilemme, non seulement entre deux hommes, mais entre deux mondes, deux vies, deux versions d’elle-même, soutient le cinéaste. C’est déjà quelque chose de plutôt complexe à jouer, la solitude du personnage, puis son bonheur, et puis, vers la moitié du film, en quelques scènes seulement, de la faire avancer au même point avec Jim que là où elle en était avec Tony.»

Et il n’y a pas de «bon» ou de «mauvais» choix, parce qu’il n’y a pas de «bon» ou de «mauvais» dans le film. «C’est un des aspects qui faisaient le charme du roman, relève le réalisateur. Les films nous font souvent croire qu’il doit y avoir un méchant dans une histoire. Mais la vie et le cœur humain sont assez compliqués comme ça. Alors, dans Brooklyn, on regarde des gens qui sont fondamentalement des personnes honnêtes, qui essaient de vivre leur vie du mieux qu’ils peuvent. Même le personnage le plus désagréable, la patronne irlandaise d’Eilis, est simplement une vieille femme triste et seule, qui est méchante parce qu’elle est aigrie et jalouse d’Eilis. On croit souvent que la vie serait mieux si elle était comme dans les films, mais en réalité, c’est plutôt l’inverse.»

Migrants d’hier et d’aujourd’hui
Brooklyn prend l’affiche à un moment où l’immigration est au cœur de l’actualité. Ce qui n’était pas planifié, dit John Crowley: «Je n’avais pas d’intention cachée en tournant, et le film traite d’une période plutôt pacifique Eilis ne quitte pas une zone de guerre, rien d’extrêmement dramatique ne lui arrive. Mais justement, ça va peut-être faire en sorte que le public ait de l’empathie pour elle, parce que même si sa situation n’est pas tragique, elle doit quand même composer avec la réalité de l’exil.»

Le cinéaste espère surtout que son film permette à certains de cesser de voir les migrants comme «une masse sans visage». «Chacun d’entre eux a une relation avec son pays d’origine et avec sa terre d’adoption, et elle est aussi complexe que celle d’Eilis. Donc, c’est ce que j’espère, que le film aide à humaniser le débat. Mais je crois que c’est ce que devrait faire n’importe quelle œuvre d’art: nous faire voir les groupes comme plusieurs individus.»

Brooklyn
En salle dès vendredi

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