Huit salopards, cinq raisons d’aller les voir
The Hateful Eight (Les huit enragés au Québec, ou la bien meilleure traduction Les huit salopards en France), huitième film de Quentin Tarantino (ou neuvième, si on compte Death Proof), arrive en salle le jour de Noël, comme un cadeau pour les cinéphiles. Métro a déjà vu le film (hélas! pas dans la version 70 mm, qui sera toutefois présentée en salle) et vous explique pourquoi il aurait été vraiment très, très dommage que Tarantino suive son plan initial d’abandonner ce projet quand le scénario a fuité il y a un an.
Le huis clos
Une carriole et une auberge. Ce sont essentiellement ces deux espaces perdus dans la neige au fin fond du Wyoming qui servent de décor au huis clos tumultueux de Hateful Eight. Les fans de Reservoir Dogs seront servis. Tim Roth et Michael Madsen y sont évidemment pour quelque chose, mais on retrouve ici le même sentiment de captivité, la même folie qui enfle, inéluctablement, et la même spirale de violence que dans le célèbre premier long métrage de Tarantino… décliné en 3 heures plutôt qu’en 90 minutes.
Les non-dits
The Hateful Eight carbure davantage aux faux-semblants qu’à la rage. Dans ce recoin de l’Amérique où tous se connaissent par ouï-dire, chaque personnage concocte son histoire personnelle, faite de demi-vérités et de pure fabulation. Qui dit vrai? Ce Noir qui porte une lettre signée de la main d’Abraham Lincoln? Ce soldat sudiste devenu bandit de grand chemin devenu shérif? Ou cet intrigant bourreau british dénommé Oswaldo? Au final, entre les huit (et plus!) salopards, il n’y a de vraie que la méfiance.
Les acteurs
Si la vraie révélation du film est Walton Goggins, le futur shérif de Red Rock, Quentin Tarantino a une fois de plus réuni une distribution truculente pour interpréter des personnages jouissifs. Des nouveaux venus (le ténébreux Demian Bichir, l’inquiétante Jennifer Jason Leigh, sans oublier l’étonnant Channing Tatum) se joignent aux anciens complices du cinéaste (les savoureux Samuel L. Jackson, Michael Madsen, Kurt Russell, Tim Roth – dans un rôle qui semble avoir été écrit pour Christoph Waltz, mais que l’acteur britannique s’approprie avec brio), et le résultat est délicieux.
Les dialogues
Souvent imité, jamais égalé : Tarantino a le chic pour parsemer ses films de dialogues percutants, fignolés sans trop en avoir l’air, et de longues conversations n’ayant a priori rien à voir avec l’intrigue, mais qui n’en captent pas moins l’intérêt du spectateur. Les répliques (incisives, colorées, et qui nous font rire autant que retenir notre souffle) de Hateful Eight sont d’autant plus intéressantes que chaque détail à première vue anodin révélé par les personnages pourrait bien être important plus tard dans ce western doublé d’un suspense aux accents de Dix petits nègres d’Agatha Christie…
L’absence de lois
Comme dans le Far West, Tarantino fait fi des règles, dans la forme (par exemple une ouverture musicale qui s’éternise et déstabilise) comme dans le fond. La rectitude politique n’est pas au menu pour la bande de voyous que la tempête de neige force à rester ensemble. Le mot en «N» est envoyé à plus d’une reprise au personnage de Samuel L. Jackson; celui de Jason Leigh, toute femme qu’elle soit, reçoit sa part de raclées; la violence, concentrée dans la seconde partie, est graphique et sanglante – et tout cela, qui résonne de façon troublante avec une certaine réalité contemporaine, nous reste en tête longtemps.
https://www.youtube.com/watch?v=gnRbXn4-Yis