«Deux femmes en or» ravivent leurs désirs
Les Deux femmes en or du film éponyme de 1970, qui met en vedette Monique Mercure et Louise Turcot, revivent sous les traits d’Isabelle Brouillette et de Sophie Desmarais jusqu’au 20 mai à La Licorne.
Les voisines laissent libre cours à leurs désirs dans cette relecture contemporaine de l’autrice de Baby-sitter et Filles en liberté́, Catherine Léger, qui propose une franche comédie de dialogues dans laquelle les femmes abordent de front et avec légèreté leur sexualité.
« Il y a des rôles encore tellement intégrés pour les femmes qu’on ne les remet même pas en question », affirme la scénariste en entrevue avec Métro. « C’est contre ça que j’avais envie de prendre parole. »
En constatant le peu de repères sur la sexualité féminine dans le cinéma québécois alors qu’elle scénarisait Charlotte a du fun, il lui est apparu nécessaire de revisiter le classique Deux femmes en or. « Il y a quelque chose de féministe dans ces deux personnages qui s’émancipent et qui ne cherchent pas à plaire aux hommes autant que d’explorer leurs propres désirs. »
Concupiscence subversive
Aujourd’hui, les voisines, seules à la maison, ne sont plus des femmes au foyer. Violette est en congé de maternité, et son poupon est déjà à la garderie afin d’y préserver sa place, tandis que Florence est en arrêt de travail pour épuisement professionnel.
Toutes deux sont aux prises avec une carence de libido, l’une éteinte par ses hormones d’allaitement et un amoureux constamment sur la route, l’autre, par ses antidépresseurs et son couple usé par le temps. Mais elles en ont assez de leur apathie!
C’est plus qu’une confidente qu’elles découvrent l’une chez l’autre, trouvant mutuellement un catalyseur afin de renouer avec leur vitalité… et leur sexualité. En ravivant leur concupiscence assoupie, les complices envoient fougueusement promener les pseudo-modes d’emploi sociaux régissant les relations.
Et Violette et Florence n’ont pas besoin d’applications de rencontres (clin d’œil vintage au film) pour embrasser le jeu de la séduction, jouissant du gars du câble, de la livreuse de légumes locaux (déstabilisée de ne pas avoir lu de fiche Tinder avant de baiser!), de l’acheteur de perceuse sur Kijiji et de tout autre personne qu’elles accueillent chez elles.
Ces scènes plus sexy évoquant les ébats charnels « ne servent pas à affrioler, mais bien à rester connecté avec le désir d’émancipation des protagonistes », fait remarquer la scénariste. Une coordonnatrice d’intimité a d’ailleurs été mise à contribution, et ce, malgré l’absence de nudité.
L’humour qui en dit long
C’est à coups de réflexions affranchies et de répliques aussi décomplexées que désopilantes que la pièce parle de notre époque, du mouvement #MoiAussi aux relations ouvertes, en passant par la conciliation couple-famille.
Sous la plume de Catherine Léger, Violette et Florence ne sont pas pour autant des personnages féministes en soi, affirme l’autrice. « Elles n’embrassent pas une cause, elles ne militent pas. Elles sont dans leur propre émancipation, mais pas dans les thèses. » Ce qui ne les empêche pas d’invoquer Les luttes fécondes de Catherine Dorion et ses sources infinies de ravissements.
Le texte ne se veut pas pamphlétaire, ajoute Catherine, dont les personnages exacerbent plutôt des propos qu’elle a entendus entre les branches.
Revisiter les conjoints
Les conjoints absents ou déconnectés permettent d’aborder avec beaucoup d’humour des enjeux avec lesquels composent les couples de nos jours.
Par l’entremise du conjoint de Violette (incarné par Mathieu Quesnel), qui est allé voir ailleurs auprès d’une collègue (Charlotte Aubin) savourant son rôle d’amante sans la moindre prétention amoureuse, l’autrice rappelle combien l’arrivée d’un enfant n’est pas dénuée de répercussions sur le couple.
« C’est difficile pour un couple moderne de se retrouver avec des rôles plus traditionnels qui semblent vouloir reprendre le dessus quand un enfant arrive », expose Catherine, qui avait effleuré ce thème dans Baby-sitter. « J’ai trouvé ça étonnant quand je suis devenue maman. »
Campé par Steve Laplante, le mari de Florence, lui, veut maintenir la famille à tout prix, bien que leur couple ne fonctionne plus (au point que l’un ou l’autre doive prendre des calmants pour préserver l’harmonie!).
Cette logique de devoir absolument réussir sa vie de famille apparaît encore fort répandue aux yeux de Catherine Léger. « Mais sommes-nous toujours lucides par rapport au couple ou sommes-nous dans une machine? »
« Le couple versus la famille, c’est pour moi aussi compliqué que la conciliation famille-travail », conclut-elle.
Un tête-à-tête avec les artisan.e.s de la pièce aura lieu le 27 avril.