Plaidoirie pour le jeu numérique
Pourquoi j’ai fait le virage au 100% numérique
De 2008 à 2018 j’étais un collectionneur de jeu vidéo. J’avais plus de 700 jeux répartis sur plus de 90 machines (en comptant les doubles et celles qui ne fonctionnaient pas) couvrant une période allant de 1978 à 2013. De l’Atari 2600 à la PS3 (achetée lors de mon premier voyage au Japon) en passant par l’Amiga 500 et la N-Gage de Nokia, j’avais de quoi faire. Pour les jeux j’avais beaucoup de Collector’s Edition parce que c’est cool et ça fait joli. Parce qu’on sait tous qu’on n’y joue pas ou très peu. Si, si. Faites pas genre. On est pareil.
Puis j’ai déménagé de la France au Québec, d’abord en colocation puis dans un appartement avec ma future-femme. Cela voulait donc dire faire des concessions. Mais ce sont nos changements de lieux annuels qui m’ont fait comprendre une chose. En faisant puis en transportant les cartons d’une adresse à une autre je me suis rapidement dit : « j’ai trop de trucs ». Sacrilège. Comment pouvais-je penser ça, moi? Le collectionneur devenu historien du jeu vidéo, toujours intéressé par des objets insolites qui ont marqué l’histoire de leur empreinte? Impossible! Et pourtant… Je me souviens encore de discussions enflammées avec mes homologues collectionneurs sur le forum Limited Edition pour savoir à quel moment vendre sa collection. « JAMAIS! » m’écriais-je en CAPS LOCK comme pour prouver que je ne serait jamais capable de faire ça. J’étais jeune et naïf. Notez que je suis toujours un peu naïf mais moins tout comme je suis jeune mais moins.
Ce qui m’a poussé vers le numérique, c’est avant tout le côté pratique. Lorsque j’ai créé mon compte Steam, j’ai découvert les joies d’avoir toute ma bibliothèque de jeux (auxquels je ne joue pas, ça au moins ça ne change pas) au même endroit. Plus besoin d’ouvrir la boîte, de sortir le jeu, de fermer la boîte, de ranger la boîte. Même si entre les temps de chargement et d’installation on a bien le temps de faire tout ça et peut-être même un petit café. Bref. Je n’avais plus à faire ce rituel. Et ça m’a plu.
Ensuite j’ai dû faire un choix. Allais-je garder mes jeux et machines qui prenaient la poussière et dont je ne me servais pas (cf premier paragraphe)? Ou préférais-je avoir des options et pouvoir voyager? Vous l’avez compris, j’ai sélectionné la seconde. C’est ainsi que j’ai préparé un voyage de 6 mois au Japon presque entièrement financé par la vente d’une bonne partie de ma collection. Entre 2017 et 2018, j’ai dit adieu à de véritables pièces de collection avec certes un petit pincement au cœur mais sans regrets. Je savais que c’était pour m’offrir un futur agréable. Et agréable ce fut. Je n’ai pas tout vendu non plus soit pour garder des pièces qui pour moi sont inestimables soit qui ne servent plus qu’à être exposées et dont personne ne veut. Un accessoire karaoke officiel pour la Dreamcast japonaise qui ne fonctionne que par internet et dont les serveurs sont hors-ligne depuis 15 ans? Non? Personne?
Enfin, c’est mon métier de journaliste jeux vidéo qui a achevé de me mettre sur ce chemin. La plupart des critiques présentes sur le site sont réalisées grâce à un code fourni par l’éditeur ou le développeur. Nous ne recevons que très rarement des jeux en boîte pour une raison toute simple : c’est moins pratique. Pour toutes les parties impliquées. L’éditeur doit envoyer le jeu et nous devons attendre de le recevoir. Alors qu’avec un code, en un échange de courriel, c’est terminé. De mon côté ça m’a permis de tester beaucoup de jeux. Des bons et des moins bons comme vous avez pu le voir. En tout cas, sur la génération précédente (PS4, Xbox One) et présente (Switch) j’ai un grand total de 0 jeux physiques. Et ça me va parfaitement. C’était un chapitre de ma vie. J’en ai commencé un autre. Peut-être est-ce le cas aussi pour vous.
Un texte de Antoine Clerc-Renaud de Jeux.ca